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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

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Nr. 5
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Lafenestre, Georges: Élie Delaunay, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0408

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362

GAZETTE DES BEAUX-AIiTS.

par le travail. Ses bons amis de Bretagne n’avaient cessé de penser à
lui autant qu’il pensait à eux. Durant son séjour même à Rome, il
avait eu à peindre pour l’un de ses compatriotes un plafond qui, depuis,
m’assure-t-on. a été transporté à Paris. À son retour, il avait trouvé
à Nantes, dans le couvent de la Yisitation, les murailles d’une chapelle
récemment construite qui attendaient ses échafaudages. Il s’était mis
de suite à l’œuvre, quoiqu’il fût alors souffrant, et, en quatre années,
mettant à profit ses séjours dans sa famille, il avait achevé la série
complète des sujets qui lui avaient été commandés. Ce travail lui
plaisait infiniment. J’eus souvent alors l’occasion de le voir à l’ouvrage;
j’allais chaque été à Douarnenez que nous venions de découvrir et
ne manquais pas de m’arrêter au retour, à Nantes, pour passer
quelques journées avec lui. L’isolement et le silence de cette
retraite pieuse, les attentions délicates dont l’entouraient les bonnes
sœurs, protectrices invisibles, le soin qu’elles prenaient de lui
préparer, dans la chapelle où il travaillait, un repas frugal mais
délicat, d’y assortir chaque jour, dans des vases, les fleurs les plus
fraîches de la saison, lui rappelaient sa chère Italie et les paisibles
couvents de Toscane où les fresquistes du xve siècle avaient, comme
lui, fixé, sur des murs, de chastes apparitions : « Voyez », me dit-il,
un jour que je l’accompagnais, « ces âmes naïves ne me traitent-elles
pas comme si j’étais Fra Angelico? Par instants, il me semble que je
le suis... Il y a cependant une fière différence! » se hâta-t-il d’ajouter
avec son sourire fin et doux. Il a, en effet, beaucoup pensé à Fra
Angelico en composant et en peignant cette série importante de
peintures, et la trace en paraît en plus d’un endroit, mais, comme
toujours, c’est une trace intellectuelle plus que matérielle et les
figures même qu’il a le plus nettement empruntées au délicieux rêveur
de Fiesole, s’y montrent puissamment transformées par l’intensité
d’une expression très particulière. Quelque admiration queDelaunay
portât aux Quattrocentisti, admiration qui ne fit que croître avec le
temps (Tune de ses dernières études de voyage a été une admirable
aquarelle d’après la Flagellation de Luca Signorelli au Musée Brera),
il ne pensait pas que la gracilité des formes fût une condition néces-
saire de l’expression religieuse et même mystique. Ses vierges et ses
saintes, dans les peintures de Nantes, sont bien proportionnées, bien
portantes, belles, plutôt robustes; la délicatesse, la tendresse,
la dignité qu’il a su imprimer à leurs gestes et à leurs visages n’en
sont que plus ravissantes.

La composition principale occupe la paroi du fond de la petite
 
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