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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

DOI issue:
Nr. 5
DOI article:
Reinach, Salomon: Courrier de l'art antique, 8
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0482

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

l’œuvre toute entière — bas-relief, haut-relief ou statue. » Ces « idoles peintes
et parées » étaient bien ce qu’il fallait pour satisfaire les goûts encore gros-
siers des hommes de ce temps. La peinture, étendue par larges plaques,
formait plutôt un badigeonnage voyant et criard, qu’une coloration capable
de donner l'illusion de la réalité vivante; elle avait pour but de rehausser
l’éclat des sculptures plutôt que d’en préciser l'expression. Le changement
est grand lorsque nous passons de ces œuvres rudes et primitives aux statues
en marbre dont la figure d’Anténor est le plus beau spécimen. Les vêtements
sont encore peints, mais ils ne le sont plus d’une manière uniforme; les
lèvres et l'iris de l’œil sont rouges, les sourcils noirs, les cheveux rouges ou
quelquefois d’un jaune d’ocre, mais la surface peinte ne dépasse plus le
cinquième de celle de la statue. Ce n’est pas à dire que le reste conservât la
teinte naturelle du marbre, dont la blancheur aurait produit un effet trop cru
sous le soleil de l’Attique ; il n’est pas douteux que les parties nues n’aient été
recouvertes d’une légère patine, et nous connaissons même aujourd’hui, par
une inscription de Délos, la recette du cosmétique qui était appliqué à la
toilette des statues, comme un vernis pour préserver la teinte douce et sans
doute monochrôme qu’elles avaient reçue de leur auteur. Les partisans trop
zélés de la polychromie ne veulent pas admettre l’uniformité de ce patinage :
ils pensent qu’il comportait une sorte de modelé obtenu par l’application de
couleurs diverses. Mais, alors que les vêtements des statues de l’Acropole ont
conservé les plus minces rubans de rouge et de bleu, on ne constate abso-
lument rien de tel sur les parties nues. Il y a loin d’un léger frottis, pareil à
celui qu’on fait subir dans certains musées aux moulages en plâtre, à cette
polychromie véritablement picturale que l’on constate souvent sur les
figurines en terre cuite, et qu’une hypothèse à notre avis peu solide reven-
dique pour toutes les œuvres de la grande sculpture. D’ailleurs, des expé-
riences ont été faites, et les résultats n’en ont pas été encourageants pour les
partisans de la polychromie à outrance : il semble désormais bien certain
que les statues de Phidias et de Praxitèle n’avaient rien de commun avec les
ligures en cire peinte du Musée Grévin.

Le sculpteur Anténor est mentionné par les textes antiques; il était
l’auteur de statues en bronze d’IIarmodios et d’Aristogiton, les Tyrannicides,
qui, transportées par XerxèsàSuse, furent renvoyées à Athènes par Alexandre
le Grand. On croyait posséder à Naples une copie en marbre de ce groupe,
mais il se trouve que le style des sculptures napolitaines n’a rien de commun
avec celui de la statue découverte sur l’Acropole. En outre, des doutes précis,
exprimés d’abord par un archéologue anglais, M. E. Gardner, ont remis en
question la connexité de la statue et de la base : la discussion est encore
ouverte à ce sujet et tout ce que l’on est en droit de dire, c’est que la basepeut
appartenir à la statue *. Quoi qu'il en soit, cette belle figure date sans doute
des environs de Tan 500 et son état de conservation la rend extrêmement pré-
cieuse pour l’histoire de l’art. Nous avons là une manifestation singulièrement
expressive de ce style encore un peu asiatique d’allure, bien que déjà grec de
sentiment, qui était presque inconnu des archéologues il y a dix ans et dont 1

1. Voir nos Chroniques d’Orient (1883-1890), p. 679 (Leroux, éditeur).
 
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