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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Si vous aspirez à faire de grands portraits en pied, étudiez la perspective et
ne commencez pas un portrait sans avoir fait une esquisse très arrêtée et faites
beaucoup d’esquisses, car la composition est une partie très difficile et qu’il faudrait
commencer de bonne heure : c’est par la composition qu’on fait valoir la couleur.
Il y a dans Raphaël des teintes aussi variées que dans le Titien, mais le Titien
savait faire valoir ces mômes teintes par des oppositions. Reynolds sous ce rapport
est souvent admirable... Vous êtes parvenu à bien faire un portrait, c’est-à-dire
une tête, c’est là le point essentiel; mais il y a encore quelque chose de plus à
chercher, c’est la composition d’un portrait. En général, les artistes anglais, qui
ne s’attachent pas à rendre les détails, doivent par cela même s’adonner davantage
à la composition et à l’effet. C’est l’impulsion que Reynolds a dû donner à cette
école, et bien que je n’aie rien vu de leurs artistes actuels, je ne doute pas qu’ils
n’aient suivi avec plus ou moins de succès la marche tracée par leur chef. J’ai dans
ce moment-ci, dans mon atelier, un très beau portrait de sir Joshua : c’est celui du
général Gramby, commandant les armées auglaises pendant la guerre de Sept ans.
Il fut pris par le duc de Broglie et à la paix il lui envoya son portrait. Vous devez
en connaître la gravure. Il est représenté debout, la main gauche sur la selle de
son cheval; sa tête chauve se détache sur la tête de l’animal; un nègre, placé
derrière, tient la bride. Ce tableau est un des mieux conservés, quoique terminé
d’un bout à l’autre par des glacis. On a déjà nettoyé la tête; on aura enlevé des
glacis ; aussi n’a-t-elle pas toute la saillie qu’elle devait avoir dans l’origine. Pro-
curez-vous le plus que vous pourrez des gravures de Reynolds, que les épreuves
soient bonnes ou non; ne voyez que des esquisses à conserver. Celles que vous ne
pourrez pas acquérir, faites-en des croquis bien à l’effet. Lisez aussi les discours de
Reynolds; c’est ce qu’on a écrit de mieux sur la peinture.
On voit que L. Mérimée avait en haute estime le grand
Reynolds; il apprécie aussi à sa juste valeur le plus brillant élève de
Reynolds, sir Thomas Lawrence, comme en témoignent bon nombre
de ses lettres.
Vous me demandez ce qu’on a pensé à Paris des tableaux de sir Thomas
Lawrence. L’opinion, ainsi que cela devait être, s’est partagée.
Ceux qui sont plus sensibles à la précision des formes qu’à la couleur ont
trouvé qu’elles ne sont pas assez rendues; que la perspective n’est pas assez observée
et qu’on ne pourrait pas faire une place raisonnable de celte salle du trône. Mais
ceux qui, comme moi, aiment la couleur et l’effet, ont pardonné les négligences
d’exécution en faveur du bel aspect que ce portrait présente et de l’expression de
vie qui s’y trouve. Le portrait en buste de la duchesse de Rerry n’est pas à beau-
coup près aussi bien que celui du Roi. Comme ce n’est qu’un buste on le regardait
de plus près et alors ce n’était qu’une ébauche très spirituellement faite.
(-14 avril 1827.)
Mais il ne prononce pas une seule fois le nom de Gainsborough,
dont l’indépendance déroutait peut-être son esthétique un peu
timide. Quant à Constable, il le juge avec une inexcusable rudesse :
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Si vous aspirez à faire de grands portraits en pied, étudiez la perspective et
ne commencez pas un portrait sans avoir fait une esquisse très arrêtée et faites
beaucoup d’esquisses, car la composition est une partie très difficile et qu’il faudrait
commencer de bonne heure : c’est par la composition qu’on fait valoir la couleur.
Il y a dans Raphaël des teintes aussi variées que dans le Titien, mais le Titien
savait faire valoir ces mômes teintes par des oppositions. Reynolds sous ce rapport
est souvent admirable... Vous êtes parvenu à bien faire un portrait, c’est-à-dire
une tête, c’est là le point essentiel; mais il y a encore quelque chose de plus à
chercher, c’est la composition d’un portrait. En général, les artistes anglais, qui
ne s’attachent pas à rendre les détails, doivent par cela même s’adonner davantage
à la composition et à l’effet. C’est l’impulsion que Reynolds a dû donner à cette
école, et bien que je n’aie rien vu de leurs artistes actuels, je ne doute pas qu’ils
n’aient suivi avec plus ou moins de succès la marche tracée par leur chef. J’ai dans
ce moment-ci, dans mon atelier, un très beau portrait de sir Joshua : c’est celui du
général Gramby, commandant les armées auglaises pendant la guerre de Sept ans.
Il fut pris par le duc de Broglie et à la paix il lui envoya son portrait. Vous devez
en connaître la gravure. Il est représenté debout, la main gauche sur la selle de
son cheval; sa tête chauve se détache sur la tête de l’animal; un nègre, placé
derrière, tient la bride. Ce tableau est un des mieux conservés, quoique terminé
d’un bout à l’autre par des glacis. On a déjà nettoyé la tête; on aura enlevé des
glacis ; aussi n’a-t-elle pas toute la saillie qu’elle devait avoir dans l’origine. Pro-
curez-vous le plus que vous pourrez des gravures de Reynolds, que les épreuves
soient bonnes ou non; ne voyez que des esquisses à conserver. Celles que vous ne
pourrez pas acquérir, faites-en des croquis bien à l’effet. Lisez aussi les discours de
Reynolds; c’est ce qu’on a écrit de mieux sur la peinture.
On voit que L. Mérimée avait en haute estime le grand
Reynolds; il apprécie aussi à sa juste valeur le plus brillant élève de
Reynolds, sir Thomas Lawrence, comme en témoignent bon nombre
de ses lettres.
Vous me demandez ce qu’on a pensé à Paris des tableaux de sir Thomas
Lawrence. L’opinion, ainsi que cela devait être, s’est partagée.
Ceux qui sont plus sensibles à la précision des formes qu’à la couleur ont
trouvé qu’elles ne sont pas assez rendues; que la perspective n’est pas assez observée
et qu’on ne pourrait pas faire une place raisonnable de celte salle du trône. Mais
ceux qui, comme moi, aiment la couleur et l’effet, ont pardonné les négligences
d’exécution en faveur du bel aspect que ce portrait présente et de l’expression de
vie qui s’y trouve. Le portrait en buste de la duchesse de Rerry n’est pas à beau-
coup près aussi bien que celui du Roi. Comme ce n’est qu’un buste on le regardait
de plus près et alors ce n’était qu’une ébauche très spirituellement faite.
(-14 avril 1827.)
Mais il ne prononce pas une seule fois le nom de Gainsborough,
dont l’indépendance déroutait peut-être son esthétique un peu
timide. Quant à Constable, il le juge avec une inexcusable rudesse :