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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
blaient guère de nature à inspirer particulièrement un poète, amant
de la beauté, qui avait coutume d’errer, à sa fantaisie, en com-
pagnie des Muses, des Grâces et des héroïnes amoureuses de l’Anti-
quité. Il s’agissait de symboliser les Ministères I Delaunay se tira
d’affaire avec l’habileté et la désinvolture d’un homme qui, tout en
fréquentant les maîtres de la grâce, avait aussi longuement écouté
les maîtres de la force. Quelques-unes de ces figures, toujours
préparées par des séries de beaux dessins, soit d’imagination,
soit d’après nature, compteront parmi les plus viriles et les plus
expressives qu’il ait exécutées. Toutes s’encadrent à merveille dans
les cadres étroits et contournés qui les emprisonnent, remplissant
avec une soumission intelligente, mais sans y perdre leur autorité,
le rôle qui leur est assigné dans l’ensemble architectural. La généra-
lisation de l’objet dont chaque Ministère s’occupe a permis à l’artiste le
plus souvent de les symboliser par une ou deux figures en action, d’une
signification très simple et très claire. La Marine (avec la devise Régit
aquosa) est représentée par un rameur musculeux, assis dans sa
barque, luttant contre une mer déchaînée, les Cultes (Sursum corda)
se montrent sous les traits d’un adolescent agenouillé, en prière, au
pied d’un autel ; les Finances (,Servat et auget) sous ceux de la France
même, près, de son coffre-fort, comptant son or et tenant ses registres ;
les Travaux Publics (Mens agitat molem) sous ceux d’un jeune homme
dessinant un plan, au milieu de machines et de constructions. Les
autres allégories, celles du Commerce (Mens sociat gentes), un Mercure,
assis sur des ballots; de la Guerre (Pro patria), un guerrier aux
aguets; de Y Intérieur (Caveant consules), une femme, accompagnée
d’un coq, veillant sur la ville; de VAgriculture (Alma pareils), une
moissonneuse, assise près d’une charrue; de Y Instruction publique
(Ddcet omnes), une femme, tenant un livre et éclairée par le flambeau
que porte un génie; des Affaires Étrangères (Fcedera jungit), une femme
qui déploie un traité; des Beaux-Arts (Numine afflatur), un Apollon
chevauchant Pégase, rentrent plus dans les données ordinaires de
ces décorations officielles, mais là encore le compositeur attentif et
savant a su raviver l’attitude banale par cette vigueur dans l’expres-
sion et le geste, par cette énergie sobre du dessin qui sont, dans ces
sortes de travaux, ses qualités propres. Ce sont des mérites du même
ordre, relevés par l’emploi judicieux et heureux de toutes les res-
sources d’un coloris plus éclatant, qu’on admire encore dans les pein-
tures murales que Delaunay eut à faire pour l’église de la Trinité
(YAssomption de la Vierge au-dessus des prophètes Isaïe et Jérémie) et
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
blaient guère de nature à inspirer particulièrement un poète, amant
de la beauté, qui avait coutume d’errer, à sa fantaisie, en com-
pagnie des Muses, des Grâces et des héroïnes amoureuses de l’Anti-
quité. Il s’agissait de symboliser les Ministères I Delaunay se tira
d’affaire avec l’habileté et la désinvolture d’un homme qui, tout en
fréquentant les maîtres de la grâce, avait aussi longuement écouté
les maîtres de la force. Quelques-unes de ces figures, toujours
préparées par des séries de beaux dessins, soit d’imagination,
soit d’après nature, compteront parmi les plus viriles et les plus
expressives qu’il ait exécutées. Toutes s’encadrent à merveille dans
les cadres étroits et contournés qui les emprisonnent, remplissant
avec une soumission intelligente, mais sans y perdre leur autorité,
le rôle qui leur est assigné dans l’ensemble architectural. La généra-
lisation de l’objet dont chaque Ministère s’occupe a permis à l’artiste le
plus souvent de les symboliser par une ou deux figures en action, d’une
signification très simple et très claire. La Marine (avec la devise Régit
aquosa) est représentée par un rameur musculeux, assis dans sa
barque, luttant contre une mer déchaînée, les Cultes (Sursum corda)
se montrent sous les traits d’un adolescent agenouillé, en prière, au
pied d’un autel ; les Finances (,Servat et auget) sous ceux de la France
même, près, de son coffre-fort, comptant son or et tenant ses registres ;
les Travaux Publics (Mens agitat molem) sous ceux d’un jeune homme
dessinant un plan, au milieu de machines et de constructions. Les
autres allégories, celles du Commerce (Mens sociat gentes), un Mercure,
assis sur des ballots; de la Guerre (Pro patria), un guerrier aux
aguets; de Y Intérieur (Caveant consules), une femme, accompagnée
d’un coq, veillant sur la ville; de VAgriculture (Alma pareils), une
moissonneuse, assise près d’une charrue; de Y Instruction publique
(Ddcet omnes), une femme, tenant un livre et éclairée par le flambeau
que porte un génie; des Affaires Étrangères (Fcedera jungit), une femme
qui déploie un traité; des Beaux-Arts (Numine afflatur), un Apollon
chevauchant Pégase, rentrent plus dans les données ordinaires de
ces décorations officielles, mais là encore le compositeur attentif et
savant a su raviver l’attitude banale par cette vigueur dans l’expres-
sion et le geste, par cette énergie sobre du dessin qui sont, dans ces
sortes de travaux, ses qualités propres. Ce sont des mérites du même
ordre, relevés par l’emploi judicieux et heureux de toutes les res-
sources d’un coloris plus éclatant, qu’on admire encore dans les pein-
tures murales que Delaunay eut à faire pour l’église de la Trinité
(YAssomption de la Vierge au-dessus des prophètes Isaïe et Jérémie) et