CORRESPONDANCE DE BELGIQUE.
175
La Bibliothèque royale, par une circonstance vraiment curieuse, s’est trouvée
mise en possession d’une série de lettres de Rubens, d'un intérêt extrême pour
l'histoire de l'illustre peintre dans ses relations avec les graveurs.
Au mois de décembre se faisait à Gand la vente d'un ensemble d'études et
d'estampes, provenant de la succession d'un artiste très oublié, M. Isidore van
lmschoot, décédé il va plus de trente ans. On ne se serait pas attendu, assurément,
à rencontrer parmi des objets de si secondaire importance, un lot de lettres de
Rubens, annoncées comme écrites en espagnol et qui, vérilicalion faite, se trou-
vèrent contenir la solution d'un certain nombre de problèmes dont les iconophiles
s’étaient grandement préoccupés.
Écrites en italien, et tout le monde sait que Rubens se servit presque exclusi-
vement de cette langue dans sa correspondance, les lettres dont il s’agit sont
datées d'Anvers, de 1019 à 1022, cl adressées à Pierre van Yecn, pensionnaire de
la ville de hallage, le frère du peintre Otto Vœnius, le maître de Rubens. Le point
clc départ de la correspondance est l’obtention, en Hollande, d'un privilège destiné
à garantir le célèbre artiste contre l’entreprise des contrefacteurs des estampes dont
il se donnait un mal extrême pour assurer la réussite.
Un privilège analogue fut accordé il Rubens par le roi de France et, naturel-
lement, par les archiducs Albert et Isabelle.
Bien que de fort bonne heure le peintre anversois eût fait paraître des repro-
ductions de scs tableaux et que même un graveur français, Michel Lasne, ait été
parmi les premiers interprètes de ses œuvres, la gravure ne prit une importance
réelle, sous sa direction, qu'à dater du jour où il fut à même de s’assurer les
services de Yorsterman.
Les quatre lettres que vient d’acquérir la Bibliothèque royale sont d'un vif intérêt
pour cette période d’association de deux artistes si bien faits pour la collaboration
dont il s'agit. Rubens assure que les estampes s'exécutent sous ses yeux par un
jeune homme travaillant avec une réelle conscience et dont il lui semble préférable
de diriger le burin que de laisser la bride sur le cou à des maîtres de réputation
procédant à leur guise, allusion assez transparente à Lierre Soutman. graveur
brillant mais quelque peu fantaisiste, qui lui avait fourni récemment de fort belles
reproductions de ses grandes Chasses.
J'ai eu l’occasion de raconter ailleurs le peu de succès initial des premières
démarches de Rubens en Hollande, pour l’obtention de scs privilèges. On invoqua
contre le grand peintre sa qualité d’étranger, et il fallut l'intervention de l’ambas-
sadeur d’Angleterre à La Haye, sir Dudley Carleton, pour vaincre la résistance des
Ltats. En Hollande, on n'ignorait pas l'intervention du peintre des Archiducs pour
amener les Provinces Unies à rentrer sous la domination espagnole, et l'on ne fut
peut-être pas fâché de trouver une occasion de lui tenir rigueur.
Rubens, au surplus, s'y prenait assez irrégulièrement, car au moment même où il
sollicitait des privilèges, ses estampes n’étaient pas achevées cl il ne tenait pas à les
produire hâtivement. Aussi se bornait-il à fournir à van Ycen une liste des pièces
qu'il se proposait de publier. Ces pièces, au nombre de dix-huit, ne furent pas toutes
gravées par Yorsterman, et même bien des années s'écoulèrent avant que d'autres
graveurs fussent en état de les entreprendre. Ges maîtres furent plus tard Pontius,
Witdocek et Marinus, tous élèves de Yorsterman.
Parmi les sujets mentionnés figure la Fable de Héro et Léandre, tableau dont
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La Bibliothèque royale, par une circonstance vraiment curieuse, s’est trouvée
mise en possession d’une série de lettres de Rubens, d'un intérêt extrême pour
l'histoire de l'illustre peintre dans ses relations avec les graveurs.
Au mois de décembre se faisait à Gand la vente d'un ensemble d'études et
d'estampes, provenant de la succession d'un artiste très oublié, M. Isidore van
lmschoot, décédé il va plus de trente ans. On ne se serait pas attendu, assurément,
à rencontrer parmi des objets de si secondaire importance, un lot de lettres de
Rubens, annoncées comme écrites en espagnol et qui, vérilicalion faite, se trou-
vèrent contenir la solution d'un certain nombre de problèmes dont les iconophiles
s’étaient grandement préoccupés.
Écrites en italien, et tout le monde sait que Rubens se servit presque exclusi-
vement de cette langue dans sa correspondance, les lettres dont il s’agit sont
datées d'Anvers, de 1019 à 1022, cl adressées à Pierre van Yecn, pensionnaire de
la ville de hallage, le frère du peintre Otto Vœnius, le maître de Rubens. Le point
clc départ de la correspondance est l’obtention, en Hollande, d'un privilège destiné
à garantir le célèbre artiste contre l’entreprise des contrefacteurs des estampes dont
il se donnait un mal extrême pour assurer la réussite.
Un privilège analogue fut accordé il Rubens par le roi de France et, naturel-
lement, par les archiducs Albert et Isabelle.
Bien que de fort bonne heure le peintre anversois eût fait paraître des repro-
ductions de scs tableaux et que même un graveur français, Michel Lasne, ait été
parmi les premiers interprètes de ses œuvres, la gravure ne prit une importance
réelle, sous sa direction, qu'à dater du jour où il fut à même de s’assurer les
services de Yorsterman.
Les quatre lettres que vient d’acquérir la Bibliothèque royale sont d'un vif intérêt
pour cette période d’association de deux artistes si bien faits pour la collaboration
dont il s'agit. Rubens assure que les estampes s'exécutent sous ses yeux par un
jeune homme travaillant avec une réelle conscience et dont il lui semble préférable
de diriger le burin que de laisser la bride sur le cou à des maîtres de réputation
procédant à leur guise, allusion assez transparente à Lierre Soutman. graveur
brillant mais quelque peu fantaisiste, qui lui avait fourni récemment de fort belles
reproductions de ses grandes Chasses.
J'ai eu l’occasion de raconter ailleurs le peu de succès initial des premières
démarches de Rubens en Hollande, pour l’obtention de scs privilèges. On invoqua
contre le grand peintre sa qualité d’étranger, et il fallut l'intervention de l’ambas-
sadeur d’Angleterre à La Haye, sir Dudley Carleton, pour vaincre la résistance des
Ltats. En Hollande, on n'ignorait pas l'intervention du peintre des Archiducs pour
amener les Provinces Unies à rentrer sous la domination espagnole, et l'on ne fut
peut-être pas fâché de trouver une occasion de lui tenir rigueur.
Rubens, au surplus, s'y prenait assez irrégulièrement, car au moment même où il
sollicitait des privilèges, ses estampes n’étaient pas achevées cl il ne tenait pas à les
produire hâtivement. Aussi se bornait-il à fournir à van Ycen une liste des pièces
qu'il se proposait de publier. Ces pièces, au nombre de dix-huit, ne furent pas toutes
gravées par Yorsterman, et même bien des années s'écoulèrent avant que d'autres
graveurs fussent en état de les entreprendre. Ges maîtres furent plus tard Pontius,
Witdocek et Marinus, tous élèves de Yorsterman.
Parmi les sujets mentionnés figure la Fable de Héro et Léandre, tableau dont