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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
bières), dit Montaigne1, la grande presse est dans la saison du prin-
temps, en may.... A Bade, au logis où nous logeâmes, il s’est vu,
pour un jour, trois cents bouches à nourrir». « Pougues est la source
la plus célèbre de toute la France; tu y trouveras rassemblées dans
la saison, quantité de personnes illustres qui viennent soigner
leur santé2. » A Balaruc, Flatter rencontre « grande affuence de
beau monde venu de Montpellier, de Nîmes, de Toulouse ou d’ail-
leurs 3 4 ».
Des bandes de pèlerins, riches et pauvres, jeunes et vieux,
grands seigneurs et petites gens, sains et malades, sillonnent
constamment les grands chemins. Car le pèlerinage n’est pas seule-
ment Taccomplissement d’un vœu, c’est encore une manière de voir
du pays et de changer d'air, une partie de plaisir, d’hygiène et de
dévotion tout à la fois. Chaque année, la partie se renouvelle, elle
devient obligatoire comme pour nous, le déplacement aux bains de
mer ou à la montagne. « Lorsque le temps nouvel approche, les
femmes emprennent à aller en quelque pèlerinage et, quelque
besogne que les mariz aient à faire, il ne leur en chault L» Parents,
amis, voisins et voisines se concertent, « on se départ ensemble, et
fait-on bonne chère ». La troupe, accrue de ville en ville et de vil-
lage en village, gagne lentement, tantôt Rocamadourou Notre-Dame
du Puy, tantôt Saint-Michel au péril de la mer ou Notre-Dame de
Liesse, Saint-Martin de Tours ou Sainte-Geneviève de Nanterre; et,
chacun est « bien déboutté (bousculé) et foulé en la presse », pour
faire toucher aux reliques les ceintures et les patenôtres des
femmes.
Entre la France et l’étranger, la circulation n’est pas moins
active. L’Europe se donne déjà rendez-vous à Paris. « Les voyageurs
y accourent en foule, non seulement ceux de la province qui vien-
nent pour leur plaisir ou pour voir la Cour, mais les Allemands,
Flamands, Septentrionaux, Ecossais, Anglais, Italiens, Espagnols,
Portugais et autres. C’est un pêle-mêle et une confusion5 ». Orléans,
Bourges, Poitiers, Montpellier, Toulouse sont pleins d’étudiants
étrangers, venus des quatre coins de l’Europe pour apprendre le
droit, la médecine et le français. A Orléans, la colonie allemande est
1. Voyage en Italie. (Bd. 1774.)
2. Iodoci Sinceri itinerarium.
3. Félix et Thomas Flatter, Montpellier, 1892.
4. Les quinze joyes du mariage.
3. Relations des Ambassadeurs Vénitiens, Lippomano.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
bières), dit Montaigne1, la grande presse est dans la saison du prin-
temps, en may.... A Bade, au logis où nous logeâmes, il s’est vu,
pour un jour, trois cents bouches à nourrir». « Pougues est la source
la plus célèbre de toute la France; tu y trouveras rassemblées dans
la saison, quantité de personnes illustres qui viennent soigner
leur santé2. » A Balaruc, Flatter rencontre « grande affuence de
beau monde venu de Montpellier, de Nîmes, de Toulouse ou d’ail-
leurs 3 4 ».
Des bandes de pèlerins, riches et pauvres, jeunes et vieux,
grands seigneurs et petites gens, sains et malades, sillonnent
constamment les grands chemins. Car le pèlerinage n’est pas seule-
ment Taccomplissement d’un vœu, c’est encore une manière de voir
du pays et de changer d'air, une partie de plaisir, d’hygiène et de
dévotion tout à la fois. Chaque année, la partie se renouvelle, elle
devient obligatoire comme pour nous, le déplacement aux bains de
mer ou à la montagne. « Lorsque le temps nouvel approche, les
femmes emprennent à aller en quelque pèlerinage et, quelque
besogne que les mariz aient à faire, il ne leur en chault L» Parents,
amis, voisins et voisines se concertent, « on se départ ensemble, et
fait-on bonne chère ». La troupe, accrue de ville en ville et de vil-
lage en village, gagne lentement, tantôt Rocamadourou Notre-Dame
du Puy, tantôt Saint-Michel au péril de la mer ou Notre-Dame de
Liesse, Saint-Martin de Tours ou Sainte-Geneviève de Nanterre; et,
chacun est « bien déboutté (bousculé) et foulé en la presse », pour
faire toucher aux reliques les ceintures et les patenôtres des
femmes.
Entre la France et l’étranger, la circulation n’est pas moins
active. L’Europe se donne déjà rendez-vous à Paris. « Les voyageurs
y accourent en foule, non seulement ceux de la province qui vien-
nent pour leur plaisir ou pour voir la Cour, mais les Allemands,
Flamands, Septentrionaux, Ecossais, Anglais, Italiens, Espagnols,
Portugais et autres. C’est un pêle-mêle et une confusion5 ». Orléans,
Bourges, Poitiers, Montpellier, Toulouse sont pleins d’étudiants
étrangers, venus des quatre coins de l’Europe pour apprendre le
droit, la médecine et le français. A Orléans, la colonie allemande est
1. Voyage en Italie. (Bd. 1774.)
2. Iodoci Sinceri itinerarium.
3. Félix et Thomas Flatter, Montpellier, 1892.
4. Les quinze joyes du mariage.
3. Relations des Ambassadeurs Vénitiens, Lippomano.