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GAZETTE DES BEAÜX-AIITS.
touchantes. M. Hawkins, sous prétexte d’opposer le matérialisme et
l'idéalisme, a peint un tableau étrange, d’une expression un peu
cherchée, mais d’un dessin très savant et très pur. J’aime beaucoup
aussi les cinq allégories de M. Ary Renan : ce sont de nobles
et beaux poèmes, comparables seulement à ceux de M. de Chavannes
pour l’élégante harmonie de leurs lignes et de leurs couleurs.
M. Hébert ira jamais rien peint déplus jeune et de plus gracieux
que cette belle Lavandière qui est à mon avis, avec l'Innocence de
M. Bouguereau, un des meilleurs morceaux du Salon de cette année
dans un style aujourd’hui un peu démodé, et d’ailleurs tout à fait char-
mant. Et sans admirer autant le Buste de jeune femme de M. Henner,
je ne puis manquer de le nommer en passant : peut-être l’ad-
mirerais-je davantage si je n’avais l’impression de l’avoir déjà trop
souventadmiré, auxSalons desannées précédentes. M. Henner manque
un peu de variété, mais il ne manque ni de savoir, ni de talent, ni
même d’un certain génie. Peut-être lui pardonnera-t-on, dans
cinquante ans, de s’être si obstinément confiné dans un style qui
était tout de même bien à lui, et qui de plus était un beau style.
Parmi les compositions historiques et mythologiques je citerai
seulement : les Pirates normands et la Mort de Brunehaut de M. Rumi-
nais, les Troyens à Carthage de M. Fantin-Latour, la Pénélope de
M. Leroy, la Mort d'Orphée de M. Lauth, le Conte de fées de M. Jean
Veber, le Défilé de la Hache de M. Buffet, la Fuite de Marie Stuart
de M. Lavery et la Lécla de M. Dabadie.Vous connaissez suffisamment
M. Luminais : sa Mort.de Brunehaut est une de ses meilleures
peintures. Le tableau de M.Fantin-Latourestaussi l’un des meilleurs
qu’ait peints cet excellent maître, dans le genre spécial où il parait
désormais s’être retiré. M. Leroy imite Cabanel avec un remar-
quable talent; M. Lauth parait avoir un grand sentiment de la
composition; M. Jean Veber est un fantaisiste ingénieux et spirituel ;
M. Buffet recherche et trouve une certaine expression d'horreur
tragique à la fois très profonde et très simple; M. Lavery est un
coloriste intéressant de la nouvelle école des peintres écossais ; enfin
M. Dabadie s’inspire assez agréablement de M. Gustave Moreau
et des primitifs italiens. Le grand et macabre triptyque de M. Fré-
déric, Tout est mort, est un extraordinaire exemple de ce qu’un peintre
peut employer de talent et de science pour rebuter les yeux.
Les compositions religieuses sont beaucoup plus nombreuses
au Salon que les tableaux d’histoire et de mythologie. Mais comme
GAZETTE DES BEAÜX-AIITS.
touchantes. M. Hawkins, sous prétexte d’opposer le matérialisme et
l'idéalisme, a peint un tableau étrange, d’une expression un peu
cherchée, mais d’un dessin très savant et très pur. J’aime beaucoup
aussi les cinq allégories de M. Ary Renan : ce sont de nobles
et beaux poèmes, comparables seulement à ceux de M. de Chavannes
pour l’élégante harmonie de leurs lignes et de leurs couleurs.
M. Hébert ira jamais rien peint déplus jeune et de plus gracieux
que cette belle Lavandière qui est à mon avis, avec l'Innocence de
M. Bouguereau, un des meilleurs morceaux du Salon de cette année
dans un style aujourd’hui un peu démodé, et d’ailleurs tout à fait char-
mant. Et sans admirer autant le Buste de jeune femme de M. Henner,
je ne puis manquer de le nommer en passant : peut-être l’ad-
mirerais-je davantage si je n’avais l’impression de l’avoir déjà trop
souventadmiré, auxSalons desannées précédentes. M. Henner manque
un peu de variété, mais il ne manque ni de savoir, ni de talent, ni
même d’un certain génie. Peut-être lui pardonnera-t-on, dans
cinquante ans, de s’être si obstinément confiné dans un style qui
était tout de même bien à lui, et qui de plus était un beau style.
Parmi les compositions historiques et mythologiques je citerai
seulement : les Pirates normands et la Mort de Brunehaut de M. Rumi-
nais, les Troyens à Carthage de M. Fantin-Latour, la Pénélope de
M. Leroy, la Mort d'Orphée de M. Lauth, le Conte de fées de M. Jean
Veber, le Défilé de la Hache de M. Buffet, la Fuite de Marie Stuart
de M. Lavery et la Lécla de M. Dabadie.Vous connaissez suffisamment
M. Luminais : sa Mort.de Brunehaut est une de ses meilleures
peintures. Le tableau de M.Fantin-Latourestaussi l’un des meilleurs
qu’ait peints cet excellent maître, dans le genre spécial où il parait
désormais s’être retiré. M. Leroy imite Cabanel avec un remar-
quable talent; M. Lauth parait avoir un grand sentiment de la
composition; M. Jean Veber est un fantaisiste ingénieux et spirituel ;
M. Buffet recherche et trouve une certaine expression d'horreur
tragique à la fois très profonde et très simple; M. Lavery est un
coloriste intéressant de la nouvelle école des peintres écossais ; enfin
M. Dabadie s’inspire assez agréablement de M. Gustave Moreau
et des primitifs italiens. Le grand et macabre triptyque de M. Fré-
déric, Tout est mort, est un extraordinaire exemple de ce qu’un peintre
peut employer de talent et de science pour rebuter les yeux.
Les compositions religieuses sont beaucoup plus nombreuses
au Salon que les tableaux d’histoire et de mythologie. Mais comme