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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 11.1894

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Thorel, Jean: L' exposition de Marie-Antoinette et son temps
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https://doi.org/10.11588/diglit.24664#0503

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484

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

été désigné par le hasard, puisque tous ces objets ont tous pour but
d’éveiller le même souvenir, de servir au même rêve. Que l’on
considère le plus royal de ces bureaux, ou la plus petite de ces
miniatures, et, le souvenir de lectures ou de visites à des musées
nous venant en aide, il suffira d’un peu d’imagination pour faire
revivre aussitôt par la pensée cet étrange passé mort, si fascinant
pour nous, qu’est la fin du xvni0 siècle. Et à nous dire que des gens,
dont le pire défaut ne fut jamais autre chose que la même indolence
et la même ignorance qui est la nôtre, ont vécu gais et rieurs au
milieu de tout cela, l’esprit aimable et l’àme sans souci, alors que se
préparait le grand cataclysme qui devait tous les emporter, nous
aurons le même frisson qui nous prendrait à voir rire et folâtrer
quelqu’un dont nous saurions avec certitude que l’heure suivante va
sonner la mort.

N’eût-on pas l’ombre d’imagination. Userait d’ailleurs impossible
de ne pas se laisser gagner tout de suite par cette impression faite à
la fois de regret et de charme douloureux qui se dégage d’une visite
à cette exposition. 11 n’y a pour cela qu’à s’approcher des vitrines qui
contiennent en grand nombre des souvenirs personnels de la mal-
heureuse reine. L’authenticité de ces souvenirs nous est garantie par
leur provenance dont un court historique nous indique chaque fois la
filiation, que nous pouvons suivre depuis l’origine jusqu’à aujour-
d’hui, et pour lesquels la parfaite honorabilité des premiers posses-
seurs, comme celle des légataires et des possesseurs actuels, ne
laisse presque jamais place à aucun doute. Et pour les rares choses
au sujet de l’authenticité desquelles le moindre doute pourrait
subsister, le fait est toujours scrupuleusement indiqué. Ce sont
surtout ces vitrines, vers quoi le public se trouve tout spéciale-
ment attiré; et j’ai remarqué que plus d’une visiteuse, après
être restée longtemps à en regarder le contenu, s’éloignait ensuite
tout attristée de n’avoir pu prendre entre ses mains telle dentelle ou
tel éventail ayant appartenu à Marie-Antoinette, ou encore baiser un
médaillon ayant reposé sur sa poitrine, comme on baise une médaille
de sainte. Il semblerait que de cette manière la communion avec
le souvenir de la reine-martyre eût pu être plus intime et plus
profonde que par la simple vue de ces reliques ainsi enfermées
et gardées de tout contact. Mais ce sont là nécessités d’exposition
publique auxquelles il faut savoir se soumettre, sinon se résigner;
et au moins cela reste-t-il encore infiniment précieux cette occasion
 
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