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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 11.1894

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Nr. 6
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Bonnaffé, Edmond: Voyages et voyageurs, 2: études sur la Renaissance
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https://doi.org/10.11588/diglit.24664#0512

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492

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tard il parle encore de l’Angleterre, mais avec d’autres préoccupa-
tions. Ce ne sont plus ses belles filles qui l’intéressent, mais l’hygiène
de ses maisons périodiquement visitées par la peste. « D’abord, dit-
il 1. les Anglais ne prennent aucun soin de l’orientation des portes et
des fenêtres; ensuite, presque toutes leurs chambres sont construites
de telle façon qu’elles ne sont jamais aérées. La plupart sont éclai-
rées par des carreaux de verre, qui admettent la lumière de manière
à se garantir du vent; mais les fentes laissent infiltrer les courants
d’air d’autant plus pernicieux que l’air séjourne longtemps dans la
pièce. Le sol est garni tantôt de carreaux, tantôt de joncs renouvelés
de temps à autre, de sorte que le dessous reste quelquefois vingt ans
à entretenir les crachats, les vomissements, l’urine des chiens et des
hommes, la bière qu’on y a jetée avec les restes de poissons et
d’autres ordures innommées. Quand le temps change, le sol dégage
des émanations qui ne peuvent être salutaires au corps humain. »

Erasme termine sa lettre par quelques conseils pratiques sur la
construction des chambres. Il voudrait encore que le peuple anglais
fût plus sobre et moins amateur de salaisons; enfin « le nettoyage
des boues et des ordures dans la rue et les faubourgs devrait être
une charge publique confiée aux magistrats de la ville ».

Avec ces idées tellement en avance sur son siècle, et sa délica-
tesse maladive qui lui faisait, jusqu’à la fin de sa vie, garder rancune
au collège de Montaigu de « sa vermine et de ses œufs pourris »,
Erasme devait être plus que tout autre sensible à la bonne tenue et
à la propreté. Son idéal, c’est une certaine hôtellerie de Lyon; chaque
fois qu’il y passe, il ne peut s’en arracher; « comme les compagnons
d’Ulysse, il est retenu par des sirènes » sous la forme de l’hôtelière
et de ses filles « si gaies qu’elles réjouiraient Caton lui-même. Là je
me crois chez moi et non pas en voyage; je ne cause pas avec des
inconnus, mais avec de vieilles connaissances, avec des amis. La table
est somptueuse.et je m'étonne qu’on puisse traiter ses hôtes à si bas
prix. Il y a des salles pour se déshabiller, pour se nettoyer, se chauffer
et même se reposer, si l’on veut. Dans les chambres, on ne voit que
des jeunes filles riant et folâtrant; elles viennent nous demander
si nous avons du linge sale, elles le lavent et nous le rendent blanc.
Lorsque les voyageurs s’en vont, elles les embrassent et les quittent
avec autant de tendresse que des frères et des proches parents 2. »

U Epist. familiares.

2. Erasnlë, Diversoria.
 
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