DOI issue:
Nr. 2
DOI article:Du Bus, Charles: L' art à l'exposition du Cabinet des cartes
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
mode par le dégoût du faste, en viennent à s’intéresser à ia cartogra-
phie, et consentent à regarder des plans établis pour leur usage.
C’est l’heureuse époque des guirlandes à la Choffard, des Amours
embusqués à l’angle des cartouches, des masques de théâtre
alternant avec les cornes d’abondance et les trophées d’armes. Au
centre du cadre figure à l’occasion l’effigie du propriétaire : témoin
le Voltaire grimaçant, au profil houdonien, dont J.-B. Semane1
timbre en 1784 son plan de Ferney.
En même temps, pour des gens graves, dédaigneux des colifi-
chets, s’élaborent des œuvres documentaires. Un Le Rouge 2 ne se
contente pas de détailler les fabriques du parc Monceau où Philippe-
Egalité promène les belles impures et leurs philosophes; il éclaire
son tracé de vues précises : jardin d’hiver, naumachie, pavillon
central avoisiné de communs déjà gothiques que de faux créneaux
veulent déguiser en débris d’autrefois. C’est l'idée moderne de nos
cadres parlants, et l’on pense aux Arcs de triomphe, aux Notre-
Dame, aux Louvre, des plans de Paris destinés aux promeneurs
d’agences. C'est la même chose..., avec la grâce en plus.
Après, il n’y a plus rien.
Des Russes attardés ont beau souligner de traîneaux, de
barques, de patins à neige, une petite carte de Sibérie3 : l’art est
étranger à leur dessein. Des Japonais4 peuvent encore, de nos jours,
symboliser l’empire des tsars par une pieuvre aux tentacules
étendus sur toutes les nations, tandis que l’intrépide soldat du
mikado, cramponné aux îles natales, la foudroie d’un pistolet
meurtrier : l’esprit d’Hokousaï n’y est pour rien. La Révolution, la
science austère, ont sonné le glas du décorateur de cartes; la vapeur,
les explorations, les sondages bientôt et l’océanographie ont brisé
le charme des pays sans nom, détruit I’Eden des monstres inouïs,
maîtres des mers inviolées. Partout des tracés, partout des nomen-
clatures, partout des camaïeux, ocrés ou bleuâtres, accentuant les
altitudes, les profondeurs chaque jour mieux repérées.
1. Cat., n° 233.
2. Cat., n° 324. (Bib. Nat., Cartes, G 2094.)
3. Cat., n° 181. Don du prince P. Labanofï. (Bib. Nat., Cartes, Bf XIX.)
4. Cat., n° 234. Don de M. de Fleurieu. (Bib. Nat., Cartes, Ge D 3894.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
mode par le dégoût du faste, en viennent à s’intéresser à ia cartogra-
phie, et consentent à regarder des plans établis pour leur usage.
C’est l’heureuse époque des guirlandes à la Choffard, des Amours
embusqués à l’angle des cartouches, des masques de théâtre
alternant avec les cornes d’abondance et les trophées d’armes. Au
centre du cadre figure à l’occasion l’effigie du propriétaire : témoin
le Voltaire grimaçant, au profil houdonien, dont J.-B. Semane1
timbre en 1784 son plan de Ferney.
En même temps, pour des gens graves, dédaigneux des colifi-
chets, s’élaborent des œuvres documentaires. Un Le Rouge 2 ne se
contente pas de détailler les fabriques du parc Monceau où Philippe-
Egalité promène les belles impures et leurs philosophes; il éclaire
son tracé de vues précises : jardin d’hiver, naumachie, pavillon
central avoisiné de communs déjà gothiques que de faux créneaux
veulent déguiser en débris d’autrefois. C’est l'idée moderne de nos
cadres parlants, et l’on pense aux Arcs de triomphe, aux Notre-
Dame, aux Louvre, des plans de Paris destinés aux promeneurs
d’agences. C'est la même chose..., avec la grâce en plus.
Après, il n’y a plus rien.
Des Russes attardés ont beau souligner de traîneaux, de
barques, de patins à neige, une petite carte de Sibérie3 : l’art est
étranger à leur dessein. Des Japonais4 peuvent encore, de nos jours,
symboliser l’empire des tsars par une pieuvre aux tentacules
étendus sur toutes les nations, tandis que l’intrépide soldat du
mikado, cramponné aux îles natales, la foudroie d’un pistolet
meurtrier : l’esprit d’Hokousaï n’y est pour rien. La Révolution, la
science austère, ont sonné le glas du décorateur de cartes; la vapeur,
les explorations, les sondages bientôt et l’océanographie ont brisé
le charme des pays sans nom, détruit I’Eden des monstres inouïs,
maîtres des mers inviolées. Partout des tracés, partout des nomen-
clatures, partout des camaïeux, ocrés ou bleuâtres, accentuant les
altitudes, les profondeurs chaque jour mieux repérées.
1. Cat., n° 233.
2. Cat., n° 324. (Bib. Nat., Cartes, G 2094.)
3. Cat., n° 181. Don du prince P. Labanofï. (Bib. Nat., Cartes, Bf XIX.)
4. Cat., n° 234. Don de M. de Fleurieu. (Bib. Nat., Cartes, Ge D 3894.)