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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 1
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Koechlin, Charles: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0089

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CHRONIQUE MUSICALE

THÉÂTRE DU CHATELET : LES BALLETS RUSSES

Ne faut-il voix’ ici que la réunion fortuite et passagère de quelques incom-
parables chercheurs, un Bakst, un Fokine, un Stravinsky, ou plutôt ne
serait-ce pas tout un art ancien qui ressuscite, parce que les temps
sont révolus? J’aimerais à le croire. Peut-être les civilisés vont-ils dé-
couvrir l’antique beauté, celle des lignes harmonieuses du corps humain, après
tant de siècles d’une morale basée sur la honte du nu et la crainte du « péché ».
On ne saurait nier l’influence des sports, de la gymnothérapie, des bains d’air
ou de soleil ; et il semble que chaque jour nous comprenons mieux le miracle
grec, — l’aimant enfin, cet équilibre admirable de la raison sereine qu’on y ren-
contre d’abord et de la vive sensibilité qu’on a le bonheur ensuite d’y retrouver.
Est-ce par hasard, par mode ou par snobisme, qu’on a pu voir des salles entières
parcourues d’un frisson de joie et d’attendrissement à la révélation d’une beauté
nouvelle? Les premiers essais de Loïe Fuller, instinctifs, et rappelant curieuse-
ment les statuettes de Myrina, l’art plus érudit mais non moins vivant d’Isadora
Duncan, les études de M. Jaques-Dalcroze sur la « gymnastique rythmique »,
toutes ces tentatives furent caractérisées par la recherche d’une plastique du nu
plus naturelle, plus harmonieuse, plus libre, expression fidèle du sentimeixt
musical, opposée à la virtuosité un peu conventionnelle (si grande qu’elle puisse
être) de nos ballerines classiques. Si je ne me trompe, M. Michel Fokine et ses
excellents collaborateurs ont poussé cette recherche encore plus avant.

On sait la magie féerique de ces spectacles; elle a rapidement conquis le
« monde » et les artistes, tout Paris enfin, ce Paris que si injustement M. Bernard
Shaw estime éternellement « en retard » de dix ou vingt ans. L’impondérable
et prodigieux Nijinsky, la très charmante Karsavina, et ces danseurs étonnants
d’agilité, de force, de conviction et de joie, et ces jeunes femmes dont la grâce
noble évoque la beauté perdue des théories de vierges grecques, qui ne se sou-
viendrait, avec une reconnaissance émue, du bonheur qu’on eut à les applaudir?
Pour les costumes, le décor, la mise en scène, on a tout dit à leur sujet; on a
loué sans réserve l’admirable unité de conception, l’audace triomphale de la
couleur, la simplification hardie et si logique du décor. Ensemble extraordinaire-
ment vivant et naturel, parfaitement hai'monieux, mais dont les moindres détails
furent étudiés et réglés avec une précision minutieuse. Présenter ainsi, en une
 
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