Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 8.1912)

LES ACCROISSEMENTS

DU DÉPARTEMENT DES SCULPTURES

(MOYEN AGE, RENAISSANCE ET TEMPS MODERNES)
AU MUSÉE DU LOUVRE

(deuxième article1)

l faut avoir essayé d’enseigner ou d’esquis-
ser l’histoire de notre sculpture française
pour savoir à quel point nous devons nous
humilier de notre ignorance. Les dévasta-
tions qui, depuis le xvie siècle, nous en
ont, comme périodiquement, supprimé les
témoins essentiels nous ont laissé peu
d’espoir de la reconstituer jamais complè-
tement. Et pourtant la production de nos
imagiers avaitété si abondante et si diverse,
le sol de la vieille France avait donné une si riche floraison
d’œuvres, tant de mains d’artisans, bien avant l’invasion des
marbres étrangers, avaient d’âge en âge rendu vivantes les pierres
de nos carrières (componebat lapides vivos, dit un vieux texte de
l’un d’entre eux), qu’en dépit des destructions systématiques et
répétées, des centaines, des milliers de statues et de bas-reliefs,
aux portails de nos églises, sur les autels de leurs chapelles ou sur
les dalles de leurs tombeaux, auraient pu faire, à qui eut su les
interroger, d’émouvantes confidences. Mais les changements du
goût, les partis pris exclusifs — et alternativement contradictoires —
des esthéticiens, ont eu, dans la méconnaissance de notre passé,
une part de responsabilité au moins égale à celle des démolisseurs.
Le goût, « le bon goût », fut lui aussi un grand iconoclaste. Le

i. V. Gazette des Beaux-Arts, 1912, t. I, p. 257.

VIII.

4e PÉRIODE.