Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 8.1912)

LES « TRÈS RICHES HEURES » DU DUC JEAN DE RERRY 199

celles de la Grâce, les coudes viennent se coller aux hanches sans
qu’on puisse soupçonner une soudure.

On ne saurait vraiment alors récuser l’identité parfaite de ces
deux sujets, qui ne présentent ainsi aucune différence et peuvent,
par un décalque, se superposer.

11 est un détail, bien petit en apparence, mais qui n’en est pas
moins fort caractéristique. La chevelure des deux femmes du Zo-
diaque est surmontée d’une boucle
de cheveux très accusée; elle est
tout à fait spéciale à l’art grec. Or,
dans le groupe de Sienne, cette
mèche frisée est nettement appa-
rente. Ce n’est pas un point à négli-
ger : on la chercherait vainement,
en effet, dans les autres figures de
femmes du xive et du xv° siècle;
c’est donc que bien probablement
l’artiste qui a fait le Zodiaque
l’a copiée sur un modèle grec.

Mais je sens immédiatement
ce qu’on va m’opposer : ce sont les
bras du Zodiaque lui-même, ces
bras tout à fait extraordinaires,
que je soude pour ma restitution.

Une démonstration tout à fait
scientifique devrait montrer, au
contraire, où l’artiste a pu les pren-
dre pour composer son Zodiaque.

J’ai cherché une explication; j’avoue que j’ai désespéré assez
longtemps de pouvoir la donner.

On trouve bien, dans une représentation des Grâces sur une
pierre gravée1, — et l’on sait le rôle des pierres gravées dans la
transmission des modèles, — une Grâce dont le bras gauche tombe,
en tenant une rose dans la main, tandis que dans les autres groupes,
le bras est, au contraire, replié, comme dans l’admirable médaille
Tornabuoni; on voit bien, dans un bas-relief reproduit par O. Jahn2,
une Grâce dont le bras droit tombe dans un mouvement presque iden-
tique à celui du Zodiaque', mais ces bras appartiennent à des groupes

1. Roscher's Lexikon, 1.1, p. 884.

2. Archàologische Bcitrâge, Berlin, 1847, in-8, pl. IV,

LES TROIS GRACES
GROUPE ANTIQUE (REVERS)
(Librairie du Dôme de Sienne.)