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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 3
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Rosenthal, Léon: La peinture romantique sous la monarchie de Juillet, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0264

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244

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

nous nous sentons à la fois inquiétés et attirés; dans la coloration
même des choses, comme dans certaines pierres précieuses, comme
dans les eaux dormantes, on devine de lointaines et complexes har-^
monies. Ces tableaux ne jettent pas nos cœurs dans une agitation
tragique; ils agissent comme un charme ou comme une incantation;
selon le mot d’Ary Renan, il y règne une « belle inertie »; ils pro-
voquent le rêve qui fascine et qui engourdit.

Si le romantisme désigne vraiment des tendances subjectives, sen-
suelles et lyriques, les aspirations de Cbassériau sont toutes roman-
tiques. Est-il besoin de faire remarquer qu’en épousant des concep-
tions esthétiques analogues à celles de Delacroix Cbassériau ne tend
nullement à se confondre avec lui? Sonorités tragiques ou fanfares
lumineuses, l’art de Delacroix nous surexcite et nous aiguillonne,
tandis que Chassériau silencieux nous berce et nous enveloppe d’une
torpeur.

La révolution profonde que Chassériau subit en 1840 aurait dû,
semble-t-il, s’accompagner logiquement d’un effort total de réno-
vation technique. Nous avons déjà vu que Cbassériau ne répudia
pas le langage qu’il avait appris auprès d’Ingres. Il ne fit pas, non
plus, l’effort de créer par lui-même les expressions nécessaires pour
en compléter les ressources. 11 emprunta à ses aînés dans le roman-
tisme, et particulièrement à Delacroix, le système de ses harmonies
colorées, soit par indolence, soit par habitude de s’appuyer sur une
autorité, peut-être aussi parce qu’il était incapable de se forger ses
propres armes, ou, enfin, parce que sa vive intelligence trouvait
réalisées par Delacroix les doctrines qui, désormais, s’imposaient
à lui.

Il adopta des méthodes de pinceau, mais il ne le fit ni aveuglé-
ment ni par routine. Des notes précieuses qui nous ont été conser-
vées nous prouvent qu’il aimait la couleur comme le faisait Dela-
croix et qu’il avait la prescience des lois qu’entrevoyait son génial
aîné. « Ne pas faire mince », écrivait-il, « ne pas modeler misérable-
ment et sans amour, tout mettre naïvement, et pourtant envelopper
dans la grandeur des masses générales1 ». « Dans la peinture », disait-
il encore2, « procéder par grands tons, ne pas oublier que le blanc doit
être très sobrement employé pur; pour faire une chose d’une belle
couleur, accentuer clairement les tons, les poser frais et par facettes;

1. Valbert Chevillard, op.cit., p. 224.

2. Id., ibidem, p. 264.
 
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