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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 4
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Escholier, Raymond: Angèle Delasalle: peintres-graveurs contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0340

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320

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

les héros de son drame, apprenant son métier de sculpteur qu’elle
ne devait jamais oublier dans ses toiles les meilleures.

Le Retour de la chasse allait marquer la dernière incursion de
Mlle Delasalle dans le domaine de la préhistoire. Désormais, ses
yeux s’ouvriront à la vie présente, pour ne plus se reporter vers un
passé imaginaire, et nécessairement artificiel.

Un jour, comme la jeune artiste rentrait chez elle, à Grenelle,
elle dut traverser le Champ-de-Mars, qu’on déblayait pour préparer
l’Exposition Universelle. Le soir tombait. Les équipes de travail-
leurs quittaient les vastes espaces crevassés de rigoles. Soudain, à
quelques pas de la promeneuse, sur le ciel jaune où se profilaient
le Trocadéro et la tour Eiffel, une robuste silhouette de terrassier
s’avança. La main gauche dans la poche du large pantalon de ve-
lours, l’autre main retenant sur l’épaule la pioche et la pelle, un
foulard noué autour du cou, veste de coutil et gilet de velours
ouverts sur la chemise, l’homme aux traits rudes, aux joues creuses,
au front têtu ombragé par le feutre, apparaissait gigantesque dans le
contre-jour.

Son costume — celui de tous les terrassiers — était, en somme,
infiniment plus pittoresque que le vêtement des bourgeois, étriqué
et volontairement dépouillé de tout caractère. Qui n’a remarqué,
parmi les artistes, que, de nos jours, seuls les gens de métier
savent s’habiller? Si un Constantin Meunier ou un Dalou s’accom-
modèrent toujours mal du « Monsieur » à statufier en redingote,
quelles belles images ne nous ont-ils pas laissées, en revanche, du
paysan et du mineur!

Depuis, comme son ami Adler, dont elle nous a donné un por-
trait si savoureux, l’artiste, qui, rue Dupleix, était environnée
d'usines, consacra bien des fois sa palette à évoquer la morne beauté
de la vie ouvrière.

Dans la Forge, où elle trouva matière à de beaux éclairages
contrastés, dans le Couvreur, dont la forte carrure tranche magni-
fiquement sur le ciel orageux dominant la grande ville embrumée;
dans son Travailleur de la terre, dans toute une série de croquis et
d’eaux-fortes, Mlle Angèle Delasalle poursuivit son étude recueillie
de cette masse prolétarienne qui offrait à son male talent le
spectacle d’une force grave.

Lorsqu’en 1899 une bourse de voyage fut allouée à MUe Dela-
salle, celle-ci n’était plus une élève paralysée par l’abondance des
détails. La suppression, toute spontanée, des lignes et des taches
 
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