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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 4
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Escholier, Raymond: Angèle Delasalle: peintres-graveurs contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0343

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ANGÈLE DELASALLE

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superflues, la simplification, parfois même excessive, des plans et
des couleurs, démontraient qu’elle avait acquis ces facultés généra-
lisatrices sans lesquelles il n’est point de véritable artiste.

L’exode vers les pays du Nord, vers ces terres blondes et aqueuses
où, le plus souvent, la valeur supplée à la couleur, et dont la
palette avare d’un van Goyen ou d’un van der Neer traduit si
lidèlement la monochromie, ne pouvait manquer de fortifier l’anti-
pathie de Mlle Delasalle pour la lumière crue, son goût pour les jus
qui fournissent les souples demi-teintes, sa tendresse native pour
les oppositions d’éclairage.

Tout d’abord, elle voulut revenir vers cette Angleterre à
laquelle l’attachaient des souvenirs d’enfance. Elle brûlait de con-
naître Reynolds, Raeburn, Romney, Lawrence, Gainsborough ; et,
certes, les maîtres de l’école anglaise ne laissèrent pas de l’impres-
sionner, presque à l’égal de Rembrandt : le Portrait de Benjamin
Constant en témoigne. Mais Turner, le magique visionnaire, trou-
bla, entraîna cette robuste santé française.

En 1902, lors d’une importante exposition des œuvres de Mlle De-
lasalle à la galerie Grafton, M. Dufernex écrivait judicieusement
dans le Magazine of Art : « Ses vues de Londres sont plus anglaises
que l’Angleterre elle-même. » — Charing Cross à l’heure crépus-
culaire, Saint-Paul, Le Parlement, La Tamise au soleil couchant,
les ponts, les docks brumeux, enfumés, balayés de nuées et de
rayons, tous ces puissants paysages évoquent la capitale de
l’Empire, la colossale cité, souveraine des mers, qu’a célébrée
orgueilleusement Rudyard Kipling. Ainsi que chez Turner, il y a
là comme une transposition du monde antique dans le monde mo-
derne. Les piliers majestueux de ce pont démesuré n’ont-ils pas
été arrachés à quelque temple phénicien, et ces hautes construc-
tions dont l’ombre s’enfonce dans l’eau glauque n’évoquent-elles
point les palais légendaires de Ninive et de Rabylone?

Il ne faudrait pas pousser plus loin l'effet synthétique. Turner
peut être un dangereux conseiller pour un disciple trop enthou-
siaste.

Heureusement, la Hollande attire Mlle Delasalle, « la Hollande
d’eau et de ciel, la Hollande infiniment verte, infiniment gris-
perle1 ». Ce séjour automnal nous vaudra des pages ambrées, peintes
en pleine pâte, dans la lumière centralisée chère à Rembrandt.

1. Octave Mirbeau, La 62S E S.

viu.

4e PÉRIODE.

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