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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 4
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Escholier, Raymond: Angèle Delasalle: peintres-graveurs contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0348

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336

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

magnifiquement brossés, — comme le visage est bien celui d'un
artiste! Quel laisser-aller dans ces cheveux souples d’argent bruni!
quelle ténacité dans ce menton à fossette! quelle sérénité de vision
derrière le monocle, dans cet œil sur lequel la paupière s’alourdit!
Il y a bien un peu de couperose dans ces chairs chaudement colorées,
mais le front est demeuré pur et jeune; on y devine une intelligence
facile, abondante, alerte, — celle du vrai Méridional que fut Benja-
min Constant.

D’autres figures d’artistes. — Ici, Jules Adler. En vareuse, la
pipe à la main, il se repose dans un rocking. On dirait qu’il écoute
une causerie spirituelle. Le corps est de profil; le visage, de trois
quarts, se modèle dans le jour frisant. Sous le sourcil en bataille,
l’œil cligne, malicieux; le nez se busqué très légèrement sur la
moustache en croc; la broussaille de la barbe se perd dans l’ombre.
Malgré l’expression gouailleuse du sourire, il y a de la bonté épanouie
sur les joues. Nous nous trouvons devant le peintre des Hâleurs, des
laborieux, des misérables... et des gavroches. — Là, le sculpteur
Bernstamm : visage méphistophélique, tout en pointes, aigu, incisif.
— Plus loin, Pierre Mille1, pétillant d’esprit, prêt, semble-t il, à
nous conter, avec l’humour que l’on sait, les derniers exploits de
Barnavaux sur la vaste terre.

La physionomie accusée, ravinée, doit/, le Docteur L... fournit
à l’artiste l’occasion d’étudier la physionomie d’un homme de science.
Ce n’est point là le praticien de salon, le bellâtre quinquagénaire
qui, entre deux opérations, s’en va marivauder dans quelque cénacle
à la mode; non, c’est plutôt l’empirique et le biologiste, le médecin
tel qu’il nous apparaît dans Ibsen. Ce portrait, debout, la barbe
blanche balayant la pelisse, les cheveux en broussaille enfouis
sous la toque de fourrure, le regard d’un bleu intense, le visage
coloré, portant les stigmates de la lutte de la vie, est sans doute
l’une des œuvres les plus parfaites d’Angèle Delasalle.

A l’un des derniers Salons des Artistes français fut exposé le
Portrait de M. B..., l’antiquaire bien connu. Le contraste était curieux
entre ces sculptures gothiques, ce haut-relief représentant la Cruci-
fixion, cette statuette de Madone, et le propriétaire de ces mer-
veilles, à la fois massif et rusé. Le jour où elle peignit M. B...,
Mlle Delasalle fixa pour l’avenir la physionomie d’une profession dont
le rôle n’est point négligeable dans une société engouée de curiosités.

Salon des Artistes français, 1912,
 
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