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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 2.1920

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Nr. 1
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Dorbec, Prosper: Deux expositions de petits maîtres du XVIIIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.24919#0047

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DEUX EXPOSITIONS DE PETITS MAITRES DU XVIIIe SIÈCLE 35

sont pas moins des artistes en herbe, ayant ces doigts fins et déliés
qu’appelle le maniement du crayon, aimant leur métier, s’y appliquant :
tout à l’heure chacun d’eux sera à son poste sous la surveillance indulgente
du « patron » remonté sur son échelle et donnant le coup de pinceau final à
sa grande Assomption. Jeaurat a moins cherché ici à compenser par des
intentions spirituelles son infériorité d’exécutant devant Chardin, son
modèle ; il n’en a même jamais si bien suivi la leçon que demeurant ainsi
lui-même et « peignant avec son sentiment1 ».

Ces cadres modestes ont le mérite, en ramenant au sentiment familierdes
choses, de les présenter dans leur ambiance, qui fait leur principal intérêt.
Un intérieur n’a de prix que par elle ; un paysage simple est tout dans la
qualité de son atmosphère ; une rue de Paris tire presque tout son charme
du jour qui glisse sur les toits, coule en transparences colorées, modèle les
formes, donne à la perspective de la chaussée ses tons dégradés. On ne
regrettera jamais assez que Joseph Vernet n’ait pas eu la curiosité d’y diriger
ce regard d’analyste qu il arrêta un jour sur le calme spectacle du Tibre au
pied du Ponte Rotto et du fort Saint-Ange. On disait que Raguenet, dont se
voyait une vue du Pont-Neuf allongeant dans une fine tonalité de gris une
amusante suite de boutiques abritées sous des bâches, aurait pu être pour le
Paris de Louis XV notre Canaletto. Niais notre Canaletto, nous l'avons
possédé sous Louis XVI en cet artiste anonyme qui a peint la place du
Carrousel devant le Louvre (collection de M. Edouard Kann). Ce doit être
avec un rare plaisir qu’il reproduisit dans leur exacte atmosphère ces maisons
basses qu’il avait à sa gauche. Le site, avec son vaste espace animé de passants
et de voitures, bordé de cette enfilade de pittoresques toitures, avait de quoi
séduire un œil d’artiste. Aussi sous le Consulat, après la paix d’Amiens,
quand se trouvait là une station de ces « coucous » alors en usage dans la
capitale, un étranger du nom de Jadelo à son tour l’interpréta en insistant
sur les tons rosés des briques et les tons bleutés des ardoises baignés d’argent
par l’atmosphère, en cédant à une vision qui pouvait bien s’être formée de
l’autre côté de la Manche, au milieu de cette école de paysagistes qui comptait
des talents si indépendants et parfois bien inattendus.

Les environs de Paris aussi, jamais peut-être le charme n’en fut-il mieux
exprimé que par de petits maîtres de la fin du xvme siècle. Corot en traduirait
les coins de solitude et de rêverie. Mais les promenades, les élégances? Ce
fut la part de Moreau l'aîné. Mais les réjouissances dominicales, patronales,

i. L Atelier d'un peintre ne passa pas inaperçu, du reste, au Salon de 1^55 où il figura ;
voici sur ce tableau l’opinion exprimée dans la Lettre à an partisan du bon goût : « Il doit
être mis dans le rang de ce que Jeaurat a produit de mieux fait pour l’invention,
l’expression, le dessin et la couleur ».
 
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