ESTAMPES, IMAGES ET AFFICHES DE GUERRE A L’ÉTRANGER 269
une sorte d'image populaire, le combat qui se livra, dans les rues de Louvain,
entre les envahisseurs et les gardes civiques. Déjà dans le ciel montent des
flammes ardentes; encore un moment et la Bibliothèque flambera! Cette
image procure une impression de vécu qui en fait l’illustration d’un des plus
stupides forfaits des débuts de la guerre et qui annonçait Reims :
Quelque crime toujours précède les grands crimes.
C’est à peu près tout, avec quelques rares affiches, pour ce pays, dont les
artistes étaient dispersés aux quatre vents de l’horizon, comme les Hébreux
après le sac de Jérusalem par Titus.
Grande-Bretagne. — Quatre « directives » se rencontrent. La pre-
mière est qu’il faut vaincre et pour cela créer une armée, développer la
marine, les outiller l’une et l’autre, — d’où les affiches d’enrôlement, les
estampes nombreuses représentant le travail des usines et des chantiërs
navals, les ateliers de chargement, — et, pour faire suite, la bataille, l’infir-
merie, les prisonniers, etc. La seconde est qu’il faut savoir clairement
pourquoi l’on se bat : pour délivrer les peuples opprimés, c’est-à-dire pour la
justice; de là des allégories sans nombre. La troisième est qu’il faut
concourir et secourir ; concourir à la santé et à l'équilibre moral du com-
battant ; secourir ceux qu’il laisse ; les affiches surtout répondent à ce
dessein. La quatrième, enfin, est qu’il faut « financer la guerre », apporter
à l’Etat le moyen de la soutenir ; ce sont les affiches d'emprunts ; tous les
pays les ont connues — et les connaissent encore.
M. Frank Brangwyn a suivi plusieurs de ces directives. Nul n’ignore son
génie tumultueux. Il a crayonné de larges estampes où s’avèrent son lyrisme,
sa fougue, sa puissante personnalité. La réalité lui sert de tremplin pour se
lancer tout en haut, dans l’idéal. Gomme Rembrandt, il sait faire éclater des
lumières inattendues, parfois capricieuses, qui grandissent les objets, leur
donnent des dimensions surnaturelles. On peut penser, avec de telles
qualités, ce que devient l'affiche entre ses mains : une œuvre magnifique,
en noir et blanc, parfois rehaussée de quelque teinte, et qui parle autant à
l’imagination qu’à la raison. Avec cela, il est véridique autant qu’on le puisse
être. Manieur de foules ici (Belgian and Allies aid league ; Pipes and tobacco
league ; Sailors’ and Soldiers’ tobacco fund) ; là, il est symbolique (Orphe-
linat des Arméesl) ; plus loin, peintre d’intérieurs (autre affiche pour Y Or-
phelinat des Armées) ; ailleurs, il brosse de parlantes allégories (La Reconsti-
tution de la Belgique ; La Liberté des mers) ; enfin, il sait être simplement
1. Affiche reproduite dans la Gazette des Beaux-Arts, 1917, p. 5o3.
une sorte d'image populaire, le combat qui se livra, dans les rues de Louvain,
entre les envahisseurs et les gardes civiques. Déjà dans le ciel montent des
flammes ardentes; encore un moment et la Bibliothèque flambera! Cette
image procure une impression de vécu qui en fait l’illustration d’un des plus
stupides forfaits des débuts de la guerre et qui annonçait Reims :
Quelque crime toujours précède les grands crimes.
C’est à peu près tout, avec quelques rares affiches, pour ce pays, dont les
artistes étaient dispersés aux quatre vents de l’horizon, comme les Hébreux
après le sac de Jérusalem par Titus.
Grande-Bretagne. — Quatre « directives » se rencontrent. La pre-
mière est qu’il faut vaincre et pour cela créer une armée, développer la
marine, les outiller l’une et l’autre, — d’où les affiches d’enrôlement, les
estampes nombreuses représentant le travail des usines et des chantiërs
navals, les ateliers de chargement, — et, pour faire suite, la bataille, l’infir-
merie, les prisonniers, etc. La seconde est qu’il faut savoir clairement
pourquoi l’on se bat : pour délivrer les peuples opprimés, c’est-à-dire pour la
justice; de là des allégories sans nombre. La troisième est qu’il faut
concourir et secourir ; concourir à la santé et à l'équilibre moral du com-
battant ; secourir ceux qu’il laisse ; les affiches surtout répondent à ce
dessein. La quatrième, enfin, est qu’il faut « financer la guerre », apporter
à l’Etat le moyen de la soutenir ; ce sont les affiches d'emprunts ; tous les
pays les ont connues — et les connaissent encore.
M. Frank Brangwyn a suivi plusieurs de ces directives. Nul n’ignore son
génie tumultueux. Il a crayonné de larges estampes où s’avèrent son lyrisme,
sa fougue, sa puissante personnalité. La réalité lui sert de tremplin pour se
lancer tout en haut, dans l’idéal. Gomme Rembrandt, il sait faire éclater des
lumières inattendues, parfois capricieuses, qui grandissent les objets, leur
donnent des dimensions surnaturelles. On peut penser, avec de telles
qualités, ce que devient l'affiche entre ses mains : une œuvre magnifique,
en noir et blanc, parfois rehaussée de quelque teinte, et qui parle autant à
l’imagination qu’à la raison. Avec cela, il est véridique autant qu’on le puisse
être. Manieur de foules ici (Belgian and Allies aid league ; Pipes and tobacco
league ; Sailors’ and Soldiers’ tobacco fund) ; là, il est symbolique (Orphe-
linat des Arméesl) ; plus loin, peintre d’intérieurs (autre affiche pour Y Or-
phelinat des Armées) ; ailleurs, il brosse de parlantes allégories (La Reconsti-
tution de la Belgique ; La Liberté des mers) ; enfin, il sait être simplement
1. Affiche reproduite dans la Gazette des Beaux-Arts, 1917, p. 5o3.