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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
reste vain ; suivons Puvis de Chavannes là où il lui plaît de nous mener.
11 avait pensé d’abord, dans son traité avec la Ville de Lyon, au Campo
Santo de Pise ; puis il préféra un monastère dont il pourrait laisser voir
l’entrée avec, par-dessus le mur de clôture, la pente d’une colline et quel-
ques arbres. Sur le premier plan est disposé le peu qui nous est montré des
bâtiments conventuels : une galerie de cloître d’où un escalier descend
dans la cour, puis de grands murs avec pilastres supportant la retombée
des arceaux. Dans ces murs sont ménagés de larges renfoncements, qu’un
moine artiste, un Fra Angelico, s’occupe à décorer de peintures. L’une des
fresques est terminée ; on la voit de face tout entière. Celle d’à côté, dont
on n’aperçoit qu'une figure, est en voie d’achèvement ; un rustique échafau-
dage se trouve dressé contre le mur, avec une échelle pour y monter, et le
moine, palette et pinceau en mains, vient d’en descendre et il juge à
distance de l’effet de son travail. Près de l’échelle, un petit escabeau supporte
un livre et une de ces hautes lampes, dites romaines, en cuivre jaune. Der-
rière le peintre, un groupe de trois disciples, l’un assis et les deux autres
debout, sont absorbés dans une contemplation silencieuse de l’œuvre nou-
velle. Vers le milieu de la scène, près d’un petit banc avec un vase d’où
s’élance une tige de lys, un quatrième disciple se courbe pour ramasser des
dessins épars, qu’il va rentrer dans un carton. Et, plus loin, un cinquième
encore, tout de bleu vêtu, est debout, groupé avec un moine blanc, encapu-
chonné de noir, tous deux regardant un dessin. Enfin, à l’extrémité gauche
du tableau, il y a deux moines qui ne s’occupent, ceux-là, ni de dessins, ni de
peinture. L’un, ayant la robe blanche et le camail noir à capuchon, assis sur
un banc de pierre contre le mur, tient en main un livre fermé et médite la
lecture pieuse qu’il a faite. L’autre, ne portant que sa robe blanche, la tête nue,
est monté debout sur le même banc, et il fixe une veilleuse allumée devant un
grand relief qui est attaché au mur et qui représente la Madone avec 1 Enfant.
Au second plan, fort rétréci par l’avancée des bâtiments conventuels à
droite et à gauche, voici ce que nous voyons. De la galerie du cloître, un
escalier qu’accompagne une rampe de fer, descend dans une cour rustique
où l’herbe pousse. Elle est close du côté de l’extérieur par de hauts murs nus,
peints du même ton que les colonnes et les arceaux du cloître ; dans un angle
à gauche, sous un petit corps de logis couvert en tuiles rouges et percé d’une
étroite fenêtre, il y a la porte, une grande porte charretière, qui est fermée,
mais dans un des panneaux de laquelle s’ouvre la petite porte pour piétons.
Des piétons, en effet, viennent de la franchir : des voyageurs, des pèlerins
peut-être, en tout cas des malheureux qui ont besoin de secours ; et ce secours,
pour parler le langage des immortels, qu’elle soit « moins noble» que lltalie... » (Ph.
Burty, loc. laud.y
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
reste vain ; suivons Puvis de Chavannes là où il lui plaît de nous mener.
11 avait pensé d’abord, dans son traité avec la Ville de Lyon, au Campo
Santo de Pise ; puis il préféra un monastère dont il pourrait laisser voir
l’entrée avec, par-dessus le mur de clôture, la pente d’une colline et quel-
ques arbres. Sur le premier plan est disposé le peu qui nous est montré des
bâtiments conventuels : une galerie de cloître d’où un escalier descend
dans la cour, puis de grands murs avec pilastres supportant la retombée
des arceaux. Dans ces murs sont ménagés de larges renfoncements, qu’un
moine artiste, un Fra Angelico, s’occupe à décorer de peintures. L’une des
fresques est terminée ; on la voit de face tout entière. Celle d’à côté, dont
on n’aperçoit qu'une figure, est en voie d’achèvement ; un rustique échafau-
dage se trouve dressé contre le mur, avec une échelle pour y monter, et le
moine, palette et pinceau en mains, vient d’en descendre et il juge à
distance de l’effet de son travail. Près de l’échelle, un petit escabeau supporte
un livre et une de ces hautes lampes, dites romaines, en cuivre jaune. Der-
rière le peintre, un groupe de trois disciples, l’un assis et les deux autres
debout, sont absorbés dans une contemplation silencieuse de l’œuvre nou-
velle. Vers le milieu de la scène, près d’un petit banc avec un vase d’où
s’élance une tige de lys, un quatrième disciple se courbe pour ramasser des
dessins épars, qu’il va rentrer dans un carton. Et, plus loin, un cinquième
encore, tout de bleu vêtu, est debout, groupé avec un moine blanc, encapu-
chonné de noir, tous deux regardant un dessin. Enfin, à l’extrémité gauche
du tableau, il y a deux moines qui ne s’occupent, ceux-là, ni de dessins, ni de
peinture. L’un, ayant la robe blanche et le camail noir à capuchon, assis sur
un banc de pierre contre le mur, tient en main un livre fermé et médite la
lecture pieuse qu’il a faite. L’autre, ne portant que sa robe blanche, la tête nue,
est monté debout sur le même banc, et il fixe une veilleuse allumée devant un
grand relief qui est attaché au mur et qui représente la Madone avec 1 Enfant.
Au second plan, fort rétréci par l’avancée des bâtiments conventuels à
droite et à gauche, voici ce que nous voyons. De la galerie du cloître, un
escalier qu’accompagne une rampe de fer, descend dans une cour rustique
où l’herbe pousse. Elle est close du côté de l’extérieur par de hauts murs nus,
peints du même ton que les colonnes et les arceaux du cloître ; dans un angle
à gauche, sous un petit corps de logis couvert en tuiles rouges et percé d’une
étroite fenêtre, il y a la porte, une grande porte charretière, qui est fermée,
mais dans un des panneaux de laquelle s’ouvre la petite porte pour piétons.
Des piétons, en effet, viennent de la franchir : des voyageurs, des pèlerins
peut-être, en tout cas des malheureux qui ont besoin de secours ; et ce secours,
pour parler le langage des immortels, qu’elle soit « moins noble» que lltalie... » (Ph.
Burty, loc. laud.y