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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 2.1920

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https://doi.org/10.11588/diglit.24919#0373

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

bres fresques de la Garde-robe 1, et précise aux environs de 13/jo la date de leur exécution.
L’importance de ces fresques est capitale, en raison de leur caractère, de leur date et de la
rareté, pour ne pas dire de l’absence totale, d’œuvres analogues de la même époque. La
discussion de leur origine est des plus délicates et nous nous y arrêterons un instant.

Les points principaux qui constituent leur originalité sont: les sujets profanes, l’emploi
exclusif et très réaliste des costumes contemporains et la disposition des fonds constitués
par des berbes, des fleurs, des arbustes et des arbres formant ensemble un tapis inin-
terrompu de verdure. Nous pensons que tous ces points sont des apports de l’influence
française : rien d’analogue, en effet, ne se rencontre dans les œuvres italiennes de cette
époque, qui pourtant nous sont restées en si grand nombre.

Le caractère religieux de la peinture italienne du irecenio est bien connu et les sujets
profanes ne s’y rencontrent pour ainsi dire pas. Au point de vue des costumes, nous ne
trouvons chez Giotto et ses élèves que des draperies à la romaine, des robes monacales, ou
ces longues tuniques différant à peine des draperies; les seules concessions au costume
moderne sont parfois la coiffure. Enfin, l’examen des fonds employés dans les œuvres
italiennes est particulièrement caractéristique : les fonds monochromes sont fréquents, et
plus nombreux encore les fonds architecturaux : les fonds de paysage sont plus rares et ils
ont toujours comme éléments dominants des rochers où sont disposés quelques arbres
isolés ; de fonds de verdure point, ou presque. Nous citerons pourtant la célèbre fresque
du Triomphe de la Mort au Campo Santo de Pise, sensiblement postérieure il est vrai aux
fresques d’Avignon, où nous trouvons dans le charmant groupe des Heureux du Monde,
réunis les trois caractères du sujet profane, du costume moderne et des fonds de feuillages.

Mais ce qui n’est qu’une rare exception dans l’art italien semble avoir été la règle dans
la peinture française. En France, la peinture, chassée des églises où elle avait été détrônée
par le vitrail, avait trouvé un refuge dans les châteaux forts, et elle s’y était orientée vers
les sujets profanes. Ce sont par des scènes de guerre et de chasse que les seigneurs féo-
daux font décorer, soit en fresques soit en tapisseries, les salles de leurs châteaux.
Malheureusement il ne nous est pour ainsi dire rien parvenu de ces peintures : les châ-
teaux transformés ou réparés par leurs habitants successifs, ruinés et rebâtis au cours des
luttes incessants du Moyen âge n’ont pas comme les églises su conserver des œuvres aussi
fragiles que les peintures murales. Quelques vestiges subsistant du début du xive siècle, et
même du xme suflisent pourtant pour nous montrer des représentations très réalistes de
chevaliers dans leur armure ; à défaut de peintures, des tapisseries nous montrent le goût
des verdures et des fleurs, et la série de l’Apocalypse en présente des exemples bien signi-
ficatifs. Enlin, comment ne pas citer cette description par Sauvai du décor de l’hotel
Saint-Pol, postérieur de quelques années aux fresques de la Garde-Robe ? «... Une
grande forêt pleine d’arbres et d’arbrisseaux, de pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers
et autres semblables, chargés de fruits et entremêlés de lys, de roses, de flambes et de
toutes sortes d’autres fleurs... enfin le tout était d’un beau vert gai, fait d’orpin et de
florée fine. »

Tout cela nous conduit à considérer comme d’inspiration française les fresques de la
Garde-robe. Nous devons ajouter pourtant que, par la sûreté du dessin, l’habileté de
l’exécution, ces fresques paraissent très supérieures au peu que nous connaissons de la
peinture française à cette époque et rappellent plutôt les œuvres de cette école qui après
Duccio et Giotto venait de prendre en Italie un si éclatant développement. En définitive,
et bien que donnant peut-être un peu plus d’importance à l’apport français, nous nous rallie-
rons volontiers à cette formule de Robert André-Michel que la France, par sa civilisation
plus raffinée, sa richesse, son goût de luxe, semble donner à la peinture naturaliste qui va
triompher partout « la matière » tandis que, par la technique de ses maîtres, l’Italie lui
donnerait « la forme ».

i. Ce chapitre du volume a paru ici même (août 1916).
 
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