Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (5. Pér. 2.1920)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

doxe et qu’il ait du y renoncer. Cependant, cette même constitution
d'adolescente se révèle, sur le mur du Palais Ducal, dans une figure isolée,
cette figure d’ange, volant au milieu des Evangélistes, dont j’ai dit toute la
ferveur. En supprimant l’évocation précise de l’accompagnement musical qui
devait, suivant ses premières conceptions, s’imposer dans son oeuvre, il
semble bien que le Tintoret ait voulu réserver, dans celte figure d’ange volant,
dont on sent l’élan vers le Christ assis dans sa gloire, toute l’unité de
pensée de son inspiration et, en quelque sorte, sa myslicité. Nous saisissons la
parenté qu’elle garde, à elle seule, avec les anges musiciens de la colleclion
Sherman. La pensée du peintre se fait plus sévère et plus purement intellec-
tuelle ; elle rompt avec les recherches plus sensuelles de l’esquisse du Louvre
et même du Concert d'anges.

L’importance capitale du fragment de la collection Sherman, d’ailleurs
abondante en œuvres exceptionnelles, se révèle non seulement en ce qu’il
nous permet de suivre désormais l’évolution de la pensée du Tintoret dans
l’élaboration du Paradis, mais en ce qu’il nous fait mieux comprendre la
formule dernière : il donne pour nous sa vraie valeur à la figure qui résume
dans l’œuvre définitive toute l’expression sentimentale ; il nous livre la clef
de ses intentions.

GUSTAVE SOULIER