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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 6.1922

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Nr. 1
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Henriot, Émile: Le décor de la vie sous le Second Empire
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https://doi.org/10.11588/diglit.24937#0111

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

d’un caractère en quelque sorte familial ; la sévérité du goût n’y peut pas
jouer. On n’eut jamais une plus excellente occasion de constater, en matière
d’art comme ailleurs, que la seule beauté n’est pas ce qui détermine toujours
notre choix, et que la raison n’est pas d’accord avec le cœur lorsqu’il s’agit
de délimiter ce qui plaît.

Bien que, par l’abus qu’on en fait, le mot ait beaucoup perdu de son
sens, le plus certain qu’on puisse dire de cette gracieuse exposition, c’est
qu’elle est surtout amusante. Amusante comme une page de mémoires, le
contenu varié d’une vitrine ou d’une étagère. Chaque goût particulier y a
pu trouver de quoi se satisfaire, selon sa spécialité, sa manie. De belles
toiles émouvantes, honneur de la grande école française, voisinent avec les
menus tableautins de petits maîtres encore parfaitement ignorés : le tableau
des mœurs abolies avec les touchantes reliques des personnages de l’histoire ;
là, des meubles, des bijoux, des robes et des bibelots. Tous ont servi, presque
tous rappellent encore la main qui les a maniés, le beau corps qui les a
portés ; si atténuée qu’elle soit, la chaleur de la vie n’en est pas complète-
ment éteinte. Parce qu’ils étaient utiles il n’y a pas longtemps encore, ces
objets conservent un reflet de cette personnalité que nous conférons aux
choses que nous faisons nôtres, qui nous survivra par eux un moment et
s’effacera peu à peu, jusqu'au jour où ces bibelots rendus à l’anonymat des
choses matérielles, iront prendre leur place dans les vitrines, comme les
témoins devenus inutiles d’un temps qui n’a plus besoin d’eux. Ceux que
l’on peut admirer au pavillon de Marsan, ce n’est pas encore de la vitrine
des collectionneurs qu’on les a tirés, mais des tiroirs et des commodes où ils
sommeillaient. Les bibelots ont, eux aussi, leur purgatoire : c’est le temps qu’ils
sont démodés. Puis un jour vient où l'on s’aperçoit que l’âge les a rendus
vénérables, et de vieux qu’ils étaient devenus en a fait des objets anciens.
On les trouve aussitôt charmants. N’avons-nous pas vu de la sorte les petits
meubles et les bibelots du temps du roi Louis-Philippe conquérir assez
récemment cette grâce nouvelle, qu’ils avaient si longtemps perdue? Voici
le tour de ceux que nous a légués le Second Empire. Les nôtres, un jour,
dans un demi-siècle, connaîtront la meme fortune.

#

* *

On n’a pas à tenter ici de reviser le procès fait au Second Empire. On
peut avoir la faiblesse de l'aimer, de regretter en lui et la dernière cour et le
dernier éclat de la vieille société française et certaine douceur de vivre, plus
apparente peut-être à la veille des grands cataclysmes ; il est même permis
de rappeler que ce Second Empire si léger, si vain, si artificiel, est néan-
moins l’époque qui a été honorée, spirituellement, parla plus haute produc-
 
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