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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 6.1922

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Champion, Claude: Croquis d'Alsace, 5, Sélestat
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https://doi.org/10.11588/diglit.24937#0126

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I 12

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

anciennes maisons dont les pignons aigus déferlent autour de dômes, de
clochers, de tours, qui surgissent, rigides et massifs, aigus ou bulbeux, de
celte marée de toits. Là, sous le surplomb des encorbellements, le long de
murs aveugles bordant de leur faîtage un liseré de ciel, on perçoit, malgré
les mutilations et les restaurations, le caractère intime, le charme évanoui de
la cité qui vil éclore, au xve siècle, la plus radieuse floraison intellectuelle
de l’Europe centrale.

Car Sélestat n’eut pas seulement pour apanage la gloire belliqueuse que
s’acquirent, dans la conquête de leur indépendance, dans la farouche défense
de leurs libertés municipales, la plupart des villes d’Alsace; engagée dans
toutes les luttes qui forgèrent le monde féodal et préparèrent les temps
modernes, elle sut néanmoins développer en elle, à l’abri de ses remparts,
grâce à des circonstances particulièrement favorables, un foyer spirituel
tellement ardent que la vie littéraire, artistique, philosophique et religieuse
des pays germaniques en fut illuminée et, souvenles fois, fécondée.

Ce rayonnement d’érudition, qui valut à Sélestat une renommée quasi
universelle, provint sans doute de l’installation dans la cité, dès le haut Moyen
âge, de nombreux ordres religieux qui, par leur enseignement, par l'in-
fluence qu’ils acquirent, répandirent dans la population le goût des belles-
lettres. La ville ne fut, en effet, pendant près de six siècles, du xie au xvne,
qu’un vaste couvent : Bénédictins, Dominicains et Dominicaines, Johannites,
Franciscains, plus lard Jésuites, sans compter les tiers-ordres et les confré-
ries pieuses, y fondèrent des établissements dont l’importance est attestée
non seulement par les écrits du temps, mais par les vestiges subsistants des
bâtiments conventuels. De ce flux monastique, les Bénédictins constituèrent
les premières vagues. Une heureuse trame d’événements leur permit d’ins-
taurer dans la cité un véritable fief.

Villa regia agrandie sous les Mérovingiens, Sélestat était devenue une des
résidences favorites de Charlemagne qui, notamment, « y célébra la fête de
Noël en 776, lorsqu’il allait en Italie porter ses armes contre le roy des Lom-
bards: celebravit natale Domini in villa Seladistat' ». A la mort du grand
empereur, ce domaine fut morcelé : la majeure partie en échut, au xie siècle,
à la famille de Hohenstauffen, du chef d'IIildegarde, noble Alsacienne,
femme de Frédéric de Buren, duc de Souabe. A leur retour de Terre Sainte,
les fils de cette princesse firent construire sur la propriété de leur mère une
église inspirée du Saint-Sépulcre et en confièrent la garde à des religieux
bénédictins de l’abbaye de Conques-en-Rouergue. La charte de donation,
datée de 1 og4, dit en effet : « ...ecclesiam in Sleztat, ad instar Domini 1

1. P. Laguille, Histoire de la province d'Alsace, Strasbourg, Doulsuker 1727, p. 106.
 
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