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— 148 —

pos de semblables questions. Il veut, préten-
tion noble et généreuse du reste, élever, pour
l'art industriel, le niveau de la Belgique à
celui de la France, de l'Angleterre et de l'Alle-
magne. Lui aussi perd le sentiment des pro-
portions et ne s'aperçoit pas que son désir
l'entraîne au-delà du possible. Comment
veut-il qu'un pays de quatre millions et demi
d'habitants, sans colonies et sans débouchés,
puisse lutter avec des nations de 58, 20 et 40
millions d'habitants renommés par la forme,
la grâce ou l'excellence de leurs produits
d'art industriel ! Quand donc comprendrons-
nous, que, sous ce rapport, nous devrions nous
borner à une prudente modestie et ne pas nous
exposer à de cruels mécomptes en donnant
cours à une présomption que rien ne justifie ;
car, disons-le, quel est le véritable point de
départ de l'art industriel, c'est l'invention,
or, il nous coûte de le reconnaître, mais,
ce point de départ, nous ne l'avons pas.

M. Gérard nous parle des établissements
de l'Angleterre et de ceux de la France. Est-
ce à dire pour cela que le tempérament belge
se prête à ce genre d'établissements? Suffit-il
de voir quelque chose de bon chez le voisin
pour s'approprier immédiatement l'idée sans
consulter le milieu où l'on vit. Si la Belgique
érigeait des établissements similaires, si elle
tendait la main à de jeunes ouvriers pour les
y faire entrer, est-elle bien assurée de pouvoir
leur donner du pain en sortant? La Belgique
n'a-t-elle pas à se reprocher quelques institu-
tions dont l'insuccès s'est lentement effacé
dans un prudent oubli? A quoi bon une école
de plus ?

Que nos académies soient défectueuses
sous le rapport de renseignement industriel,
c'est un fait notoire sur lequel nous avons
été des premiers à éclairer l'opinion pu-
blique. Là est le mal, là aussi est la possibi-
lité du remède. Il faut améliorer cet ensei-
gnement dans nos académies, il faut que les
forces vives du gouvernement, de la province
et de la commune se portent là et pas ailleurs.
La voie des améliorations est toute tracée et
ceux qui veulent en tracer une autre s'éga-
rent à plaisir, de bonne foi, sans doute, mais
ils s'égarent. La consommation intérieure
des objets d'art industriel, en Belgique, s'ac-
commodera fort bien des améliorations récla-
mées sans qu'il soit nécessaire de s'ingénier à
faire de notre pays un rival à ses puissants
voisins.

M. Gérard demande aussi que l'on étende
le bénéfice de l'enseignement du dessin aux
femmes. Nous nous sommes clairement et
franchement expliqué sur ce point dans notre
numéro du 15 Janvier. Que les femmes soient
admises, dans certaines conditions, aux clas-
ses de l'académie, soit, mais n'oublions pas

qu'il est dangereux de déclasser les individus
et de faire luire à leurs yeux des perspectives
qui, selon toutes les probabilités, ne se réali-
seront pas. Prenez garde aussi de préparer
une pépinière d'ouvrières destinées, par
manque d'ouvrage, à l'expatriation.

Et puis, à quel propos nous parlez-vous
des Gobelins et de Sèvres? Quand nous sau-
rons comment ces établissements fonctionnent,
quelle sera votre conclusion? Nous la cher-
chons en vain. Faire comme eux, peut-être?
Chercher à les imiter? Ce ne peut-être là
votre idée. Il y a des colosses qu'il faut se
borner à admirer. Bendre hommage à plus
fort que soi, c'est rendre hommage à soi-
même en reconnaissant son infériorité, mais
en témoignant de sa raison.

Pour finir, M. Gérard demande que le
Gouvernement fasse une vaste enquête admi-
nistrative et locale des établissements d'art
industriel de France, d'Angleterre et d'Alle-
magne , afin d'arriver à pouvoir fonder chez
nous un enseignement supérieur industriel.
Nous croyons que cette enquête, s'il y a lieu
de l'entreprendre, pourrait se faire par la voie
de la correspondance diplomatique. On a
assez bien usé, depuis quelque temps, de ce
genre d'enquête. Selon nous, il ne peut abou-
tir à aucun résultat digne des sacrifices qui
sont à l'ordre du jour, au département des
Beaux-Arts , depuis tantôt quinze ans.

Qu'on se persuade bien, que, si nous faisons
la guerre à des idées qui depuis quelque
temps semblent prendre le dessus, ce n'est
que par la conviction où nous sommes que le
véritable terrain de la question est déplacé
et qu'on y a substitué un terrain tout à fait
factice. Il y a vingt ans que la question
nous est familière; nous l'avons vue naître et
nous l'avons discutée à l'époque où le genre
gothique envahissait tous les systèmes possi-
bles d'ornementation et échauffait les esprits,
depuis le plus modeste atelier de serrurerie
jusqu'au plus somptueux atelier de décors.
C'était le beau temps des aspirations d'art
industriel ! Aujourd'hui ce beau temps est re-
venu, non avec le genre gothique, mais avec
ce genre bâtard, né de la Benaissance, des
styles Louis XV et Louis XVI, le tout greffé
sur le genre pompéien, ce qui fait un ensem-
ble nommé, par quelques-uns, style privé,
appellation qui pourrait bien signifier privé
dn style. Nous aussi nous voulons le progrès
de l'art industriel, quel qu'il soit, mais nous
voulons un progrès pratique, réalisable et
surtout en harmonie avec notre tempérament.

Nous craignons bien que notre langage pru-
dent ne soit pas entendu, car les esprits pa-
raissent montés, et, très probablement, nous
allons marcher de ce chef vers quelque idéal
brillant et indéterminé d'où il faudra un jour

redescendre avec confusion. Nous aurons,
quant à nous, fait œuvre de patriotisme et de
sincérité en prévenant de trop hardis imita-
teurs.

Il est une maladie qui nous dévore tous,
tant que nous sommes, et à laquelle chacun
est, suivant sa constitution, plus ou moins
condamné. C'est la maladie du progrès quand
même. Il semble que la marche ordinaire du
temps soit trop lente; nous la devançons,
nous nous jetons, par précipitation et avec
une fiévreuse ardeur, au dessus du char du
progrès, sans nous apercevoir que ses roues
vont nous passer sur le corps. Dans la ques-
tion de l'art industriel, il est possible que
certains esprits croient que le riche bourgeois
devienne moins avare, le grand seigneur plus
généreux, le puissant plus sensible, la com-
mune moins regardante et le public, en géné-
ral , mieux disposé à la commande. Quant à
nous, nous croyons qu'il ne faut point comp-
ter sur ces miracles; le siècle n'est point aux
grandeurs du sentiment et de la passion; les
convictions s'effacent, l'instruction se maté-
rialise, le goût se neutralise par la satiété,
le réalisme est entré dans l'âme et dans le
cœur. Et puis, chose étrange! a-t-on remar-
qué, en dominantdes sphères élevées l'histoire
des nations, que, depuis le Bas-Empire jus-
qu'à nos jours, l'art industriel n'a jamais été
plus florissant qu'aux époques de décadence.

On a beaucoup parlé, dans ces derniers
temps, de la liberté de l'art à propos de l'é-
diteur Keym qui avait exposé, à la vitrine de
sa maison, une certaine quantité de photogra-
phies d'après des tableaux célèbres. Cet édi-
teur a été poursuivi de ce chef, mais le tri-
bunal et la cour d'appel ont prononcé son
acquittement. Dès lors,nousnevoyons pasoù
est l'atteinte portée à la liberté de l'art. La
poursuite n'est pas même la présomption d'un
délit, aucune loi ne peut et ne pourra empê-
cher que l'on ne soit accusé, c'est aux tribu-
naux à détruire l'effet d'une poursuite injuste
ou légère par un arrêt de non-lieu ou d'ac-
quittement. On a beaucoup blâmé le parquet
de Bruxelles au sujet de cette affaire, et on
a, plus fortement encore, blâmé le ministère
public qui avait insisté avec vigueur pour
obtenir une condamnation. Il nous semble
que l'on a jugé témérairement la conduite des
magistrats. Les uns ont voulu voir dans cette
affaire ce qu'on appelle la liberté de l'art qui
n'a rien à revendiquer ici puisqu'il ne
s'agit que de la liberté d'exposer et de ven-
dre; les autres ont cru la morale publique
plus directement mise en jeu, puisque l'édi-
teur Keym avait jugé à propos d'exposer à
sa vitrine, non des tableaux que tout le
monde connaît, apprécie, ou admire, mais
 
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