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JOURNAL DES BEAUX-ARTS

Et DE LA LITTÉRATURE.

PEINTURE, SCULPTURE, GRAVURE, ARCHITECTURE, MUSIQUE, ARCHÉOLOGIE, BIBLIOGRAPHIE, BELLES-LETTRES, ETC
PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE M. A. SIRET, MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.

Paraissant deux fois par mois.

N° 20.

sommaire : Art industriel, lettre de M. Gérard. —
Correspondances particulières : Paris (Exposition des arts
industriels. — Berlin (nouvelle Bourse). — Cologne. —
Dusseldorf.—Bruxelles.-— Sur les ossements de De Craeycr.
— Les Graveurs Belges. — Vente Abel et Wilhelmi à Colo-
gne. — Nouvelles d'atelier, chronique.

ART INDUSTRIEL.

Nous recevons la lettre suivante de M. J.
Gérard. Nous la faisons suivre des réflexions
qu'elle nous suggère.

Monsieur le Directeur,

Dans votre numéro du \5 de ce mois, vous
avez bien voulu vous occuper d'un article que
j'ai publié dans le Journal l'Indépendance.

Je ne sais avec quelle singulière préoccu-
pation vous avez lu mon travail, ni comment
j'ai pu être si mal compris par vous ; ce que
je sais, c'est que l'exposé que vous faites de
mes idées est, dans les points fondamen-
taux, entièrement inexact.

Après avoir loué les principes que j'émets,
vous en critiquez les déductions et, vous me
faites demander l'organisation, en Belgique,
d'un enseignement industriel. Puis, comme je
suis amené, par les développements que
comportait mon sujet, à parler des établisse-
ments d'instruction d'art et d'art appliqué à
l'industrie, de France et d'Angleterre, vous
en concluez, arbitrairement, que je demande
à les voir imiter chez nous. Je le répète, cette
appréciation est doublement inexacte.

Ce qui est vrai, c'est qu'après avoir exa-
miné, dans les temps anciens et dans les
temps modernes, les conditions sous les-
quelles ilorissaient et fleurissent les arts ap-
pliqués à l'industrie, j'établis que là où il
n'y a pas d'art qui procède de la pensée et de
la forme, c'est-à-dire, un art où l'architec-
ture, la sculpture et la peinture se prêtent
un mutuel appui, il n'y a pas de salut pour
l'industrie de luxe. En examinant les œuvres
de natures si diverses des anciens, je crois
y découvrir la preuve qu'ils recevaient une
éducation et une culture intellectuelle bien
supérieure à la nôtre, et j'attribue à cette édu-

Belgique. — 28 Octobre 1863..

cation supérieure les merveilleux résultats
auxquels ils sont arrivés. En continuant cet
examen dans notre époque, je trouve que
les nations qui se rapprochent le plus de
cette culture intellectuelle des anciens, sont
aussi celles-là qui excellent le mieux dans les
productions des choses qui empruntent leur
principal mérite à la forme. En comparant
l'enseignement de nos voisins avec le nôtre,
j'établis notre infériorité, je critique les me-
sures que l'on préconise pour y obvier, com-
me étant insuffisantes, je demande que si on
veut faire quelque chose de sérieux dans
cette matière, l'on organise un enseignement
d'art supérieur, mais que l'on s'entoure d'abord
de toutes les lumières que l'expérience de
nos voisins peut nous fournir à ce sujet; je
demande aussi que l'on ne procède point par
demi-mesures, que l'on n'endorme pas la
nation dans une fausse sécurité, qu'on lui
indique franchement et ouvertement le che-
min à suivre et les sacrilices que le pays doit
s'imposer s'il veut atteindre un bon résultat.

Telles sont les idées fondamentales de
mon travail.

L'infériorité de notre enseignement supé-
rieur, par rapport aux autres nations, est un
point incontestable; vouloir y remédier me
semble naturel, et, demander qu'avant de rien
faire l'on se munisse de tous les renseigne-
ments, me paraît prudent. Est-ce à dire que
je propose d'imiter servilement ce qui se fait
ailleurs, sans consulter le tempérament du
pays, ses institutions et ses ressources? En
vérité, Monsieur, jamais je n'ai pensé autant
de sottises que vous m'en laites dire dans ce
peu de mots.

Quant à vos idées particulières sur cette
question, de l'application de Part à l'indus-
trie, permettez-moi de n'être point de votre
avis lorsque vous invitez la nation à une
prudente modestie, sous prétexte que l'inven-
tion nous manque, et pareeque nous ne
pourrons jamais, selon vous, lutter avec des
nations de 20, 38 et 40 millions d'habitants
renommés par la forme, la grâce ou l'excellence
de leurs produits d'art industriel.

Je vous avoue que je suis très étonné d'en-
tendre émettre cette opinion par un homme

Cinquième Année.

qui a écrit une histoire de la peinture fla-
mande, que notre école est dépourvue d'in-
vention. J'avais toujours pensé que cette
assertion était un lieu commun comme en
débitent tant sur notre compte les écrivains
exotiques. J'avais toujours pensé que des
maîtres comme Hemling, Van Eyck, Rubens,
avaient quelque mérite sous ce rapport. Ma
croyance à cet égard était si profonde, que je
les considérais comme les égaux des plus
illustres inventeurs des écoles étrangères.
Faut-il, pour appuyer cette opinion, retracer
les caractères et les qualités de leur talent et
de leur génie? je pense que ce serait faire
injure aux connaissances de vos lecteurs.
Mais, en pénétrant un peu plus au fond des
choses, si je vous demandais quels sont ces
grands mérites d'invention que possèdent nos
voisins et qui semblent tant vous effrayer?
Quel est, par exemple, le contingent des in-
venteurs de la France en matière d'art? Que
répondriez-vous ? Rien, ou presque rien;
vous me répondriez probablement que cette
nation excelle à appliquer, à façonner, à ré-
pandre les idées des autres, que depuis trois
siècles elle s'efforce à refaire les écoles grec-
ques, italiennes et flamandes sans rien ajouter
toutefois aux découvertes que ces écoles ont
faites , que son industrie de luxe suit naturel-
lement les errements de ses écoles d'art. Et
si vous êtes obligé de convenir de ce point,
vous me permettrez d'en conclure que si son
invention dont vous avez si peur, n'est pas à
craindre, il n'y a pas grande présomption à
supposer que nous pourrons tout aussi bien
qu'elle, puiser dans le fonds commun des
connaissances générales que les siècles nous
ont léguées, pourvu que l'on mette à notre
disposition les moyens d'éducation et les res-
sources nécessaires.

Si je vous posais la même question pour
l'Angleterre, vous seriez obligé de me dire
que le fondateur de l'école anglaise est Van
Dyck et que les principes esthétiques de ce
grand Flamand ont formé la base sur laquelle
les Reynolds et les Thomas Lawrence ont
construit la gloire de l'école anglaise. Je le
répète, je ne vois rien dans ces deux écoles
qui, comme invention, soit de nature à jus-
tifier votre craintive timidité.
 
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