44 Voyages d'Antesoe
que l'insouciance et l'égoïsme de Théramène
le rendent nul à la chose publique ». — Nul ?
je n'en conviens pas. Les agrémens de son
esprit, son atticisme, l'élégance de ses mœurs
suppléent l'absence de ses vertus politiques, et
répandent dans le monde ce ton de bonne com-
pagnie , cette aménité qui tempérant l'amour-
propre et la férocité des hommes, font d'un
être rustique et dur, un être compatissant et
sociable. De plus, il est peut-être plus difficile
de boire, et chanter comme Théramène, que
de philosopher comme Diogène, et peut-être
comme Platon lui-même. Vous criez au para-
doxe ? doucement, ne vous emportez pas,
et écoutez. Pourquoi donne-t-on à Anacréon
l'épithéte de sage, lui qui à passé sa vie dans
le sein de la paresse et des plaisirs ? C'est que
pour vivre comme lui, il faut avoir purgé son
ame des passions immodérées, lui avoir donné
une trempe qui lui fasse braver les orages et
les peines de la vie ; il faut s'être élevé au-
dessus de l'ambition et de l'avarice ; voila ce
que je crois plus difficile que de composer
de beaux traités de morale ou de rhétorique.
Mais le long raisonner ennuie : parlons un
peu de votre dernière lettre , dont un article
mérite que je vous gronde. Après m'avoir dit
des injures, et avoir calomnié mes intentions
que l'insouciance et l'égoïsme de Théramène
le rendent nul à la chose publique ». — Nul ?
je n'en conviens pas. Les agrémens de son
esprit, son atticisme, l'élégance de ses mœurs
suppléent l'absence de ses vertus politiques, et
répandent dans le monde ce ton de bonne com-
pagnie , cette aménité qui tempérant l'amour-
propre et la férocité des hommes, font d'un
être rustique et dur, un être compatissant et
sociable. De plus, il est peut-être plus difficile
de boire, et chanter comme Théramène, que
de philosopher comme Diogène, et peut-être
comme Platon lui-même. Vous criez au para-
doxe ? doucement, ne vous emportez pas,
et écoutez. Pourquoi donne-t-on à Anacréon
l'épithéte de sage, lui qui à passé sa vie dans
le sein de la paresse et des plaisirs ? C'est que
pour vivre comme lui, il faut avoir purgé son
ame des passions immodérées, lui avoir donné
une trempe qui lui fasse braver les orages et
les peines de la vie ; il faut s'être élevé au-
dessus de l'ambition et de l'avarice ; voila ce
que je crois plus difficile que de composer
de beaux traités de morale ou de rhétorique.
Mais le long raisonner ennuie : parlons un
peu de votre dernière lettre , dont un article
mérite que je vous gronde. Après m'avoir dit
des injures, et avoir calomnié mes intentions