i5o Voyages d'Astïnob
ne réjouis plus mon ame ! Les saisons, le»
années reviennent, le jour ne revient plus
pour moi. Le printemps ramène la verdure,
la rose se colore, et pare le printemps ; l'au-
rore, au bord de l'horison, déployé ses bril-
lantes couleurs, s'enioure de légers nuages;
c'est en vain, tout est perdu pour moi ! J'ai près
de moi mes enfans, je les touche, je les presse
sur mon sein -, j'entends leur douce voix, mais
je ne les vois plus ; une nuit éternelle m'en-
vironne ! 6 privation ! o cécité! ô dieu suprême !
J'ai joui quatre-vingt-deux ans de la beauté y
de la splendeur de tes sublimes ouvrages :
hélas ! je n'ai plus que mes souvenirs » ! Noua
cherchâmes alors à diminuer l'amertume de
ses regrets. « Croyez, dit-il, que je supporte
cette perte avec patience ; il en est de plus
douloureuses. Je me rappelle qu'un roi, je
ne sais lequel, donna l'option à un coupable
d'avoir les mains coupées ou les yeux crevés :
le criminel demanda qu'on lui permît de faire
l'essai des deux supplices. Pendant trois jours
il se fit lier les mains, et pendant trois autres
on lui banda les yeux ; et d'après cette épreuve
il préféra d'avoir les yeux crevés. Mais donnez-
moi mon bâton, et conduisez-moi sur cette
petite colline où l'air est si pur et si frais :
là je vous commencerai le récit de mes aven-
ne réjouis plus mon ame ! Les saisons, le»
années reviennent, le jour ne revient plus
pour moi. Le printemps ramène la verdure,
la rose se colore, et pare le printemps ; l'au-
rore, au bord de l'horison, déployé ses bril-
lantes couleurs, s'enioure de légers nuages;
c'est en vain, tout est perdu pour moi ! J'ai près
de moi mes enfans, je les touche, je les presse
sur mon sein -, j'entends leur douce voix, mais
je ne les vois plus ; une nuit éternelle m'en-
vironne ! 6 privation ! o cécité! ô dieu suprême !
J'ai joui quatre-vingt-deux ans de la beauté y
de la splendeur de tes sublimes ouvrages :
hélas ! je n'ai plus que mes souvenirs » ! Noua
cherchâmes alors à diminuer l'amertume de
ses regrets. « Croyez, dit-il, que je supporte
cette perte avec patience ; il en est de plus
douloureuses. Je me rappelle qu'un roi, je
ne sais lequel, donna l'option à un coupable
d'avoir les mains coupées ou les yeux crevés :
le criminel demanda qu'on lui permît de faire
l'essai des deux supplices. Pendant trois jours
il se fit lier les mains, et pendant trois autres
on lui banda les yeux ; et d'après cette épreuve
il préféra d'avoir les yeux crevés. Mais donnez-
moi mon bâton, et conduisez-moi sur cette
petite colline où l'air est si pur et si frais :
là je vous commencerai le récit de mes aven-