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LÉON X.

23i

le Sage), ne négligea rien pour former son jugement. Après que Jean, à peine
âgé d’une quinzaine d’années, eut été revêtu de la pourpre cardinalice, Laurent,
auquel cet honneur avait coûté des sommes folles (les contemporains parlent
de 200 000 ducats d’or, une dizaine de millions de francs), lui écrivit une lettre
admirable, dans laquelle il lui recommandait, entre autres choses, de préférer
aux plus riches ornements, aux chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie ou de la broderie,
une belle antique. « Les bijoux et la soie, lui disait-il, ne conviennent que
rarement aux prélats tels que vous. Attachez-vous plutôt à réunir de beaux livres
et quelques pièces antiques curieuses. » Belles instructions, auxquelles il ne fut
pas toujours facile au jeune cardinal de se conformer. En effet, tout favorisait
son penchant au luxe : dès les premiers jours, la Seigneurie de Florence, pour
lui marquer la joie que lui causait son élévation, lui offrit un splendide service
d’argenterie du poids de i ooo livres et d’une valeur de i5 ooo florins.
La fortune ne tarda pas à se tourner contre les Médicis : pendant près de
quatre lustres, on put croire que leur étoile s’était éclipsée pour toujours. Leur
expulsion de Florence, le pillage de leurs trésors, la dispersion de leurs inesti-
mables collections, c’étaient là des coups propres à abattre les plus courageux.
Mais le cardinal Jean ne désespéra jamais. Fixé à Rome, il ne cessa de s’y
montrer l’ardent protecteur des lettres et des arts. Son palais se distinguait par
une sévérité de bon goût : à cette époque, du moins, il n’avait pas cessé de se
pénétrer des leçons paternelles. Ce fut un beau jour pour tous les partisans
de la famille et tous les amis des lettres que celui où Jean de Médicis racheta
la bibliothèque de son père, engagée par le gouvernement florentin aux moines
de Saint-Marc. Il s’occupait en même temps de reconstituer un cabinet d’an-
tiques et une galerie de tableaux. Une poésie latine, composée vers cette époque
par le cardinal, montre à quel point il appréciait dans les antiques la beauté
de l’expression. Cette pièce, consacrée à une statue de Lucrèce, trouvée dans le
Transtévère, est d’une fort bonne latinité. La restauration de l’église de la Navi-
cella, titre cardinalice de Jean de Médicis, acheva de mériter au fils de Laurent
le Magnifique un des premiers rangs parmi les Mécènes romains ; on a souvent
affirmé que Raphaël avait dirigé ce travail. Est-il surprenant que Jean de Médicis,
en montant sur le trône pontifical, fût criblé de dettes? Heureusement, les
trésors laissés par Jules II lui permirent de satisfaire sans retard son goût pour
la magnificence.
L’élection du nouveau pape provoqua à Rome et dans toute l’Italie un
enthousiasme indescriptible. On était fatigué de la tyrannie et de l’humeur belli-
queuse de Jules IL Son successeur, au contraire, était depuis longtemps connu
pour sa douceur et pour sa libéralité. Tous fondèrent sur lui les plus belles
espérances.
Les Romains ne s’étaient pas trompés sur le caractère de Léon X. Rarement
pape montra plus de mansuétude, de clémence, de générosité. Un de ses pre-
miers actes fut de rappeler de l’exil le principal des adversaires de sa famille,
 
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