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CHAPITRE XIII.

doté : la douceur, la courtoisie, un charme irrésistible; il ne tarda pas à y
joindre la souplesse. Quand Jules II mourut, le jeune maître possédait une
parfaite connaissance des hommes et des choses. Lié à Pérouse avec des bour-
geois et des ecclésiastiques, il s’était formé aux belles manières, lors de son
retour à Urbin. A Florence, il avait appris à connaître les intrigues du monde
artiste; à Rome, sous la discipline de Bramante, celles de la cour pontificale.
Les quatre années passées au service de ce despote qui s’appelait Jules II
l’avaient habitué à plier quand il le fallait, à tourner les obstacles, à rechercher
pour toute chose la solution la plus spirituelle. Il lui en coûtait si peu de se
montrer aimable, conciliant, de faire plaisir à tout le monde ! L’obligeance était
innée en lui. Cependant ce jeune homme si doux, si affable, ayant toujours le
sourire sur les lèvres, savait à l’occasion se faire craindre. Hâtons-nous d’ajouter
que l’arme dont il se servait n’était autre que la plaisanterie. Ses reparties
étaient aussi vives que spirituelles; elles fermèrent la bouche à plus d’un
grand seigneur. Les contemporains n’ont pas dédaigné de recueillir quelques-
uns de ses bons mots. On connaît sa réponse à Michel-Ange, qui lui disait
d’un ton sarcastique : « Vous marchez entouré d’une suite comme un général.
— Et vous, seul, comme le bourreau ». Une dame romaine, ayant critiqué
certain détail de costume dans une des peintures de la Farnésine, reçut de lui
une réponse non moins vive, qui fit rire tout le monde, excepté l’interlocutrice.
Vis-à-vis d’un souverain tel que Léon X, les qualités dont il fallait avant
tout faire preuve étaient la complaisance et la célérité. Le successeur de Jules II
accablait Raphaël de travaux. Un jour l’artiste devait improviser la décoration
d’un théâtre; le lendemain, faire le portrait d’un éléphant. Puis on lui deman-
dait d’esquisser le plan de quelque construction, de fournir des croquis pour
une médaille, etc., etc. Se figure-t-on le pape adressant une demande pareille à
Michel-Ange ? Avec quelle indignation le fier sculpteur florentin n’aurait-il pas
refusé ! Raphaël, et il n’eut pas à le regretter au point de vue de ses intérêts
matériels, prenait plaisir à satisfaire ces fantaisies, à peine exprimées. Mais la
postérité est en droit de se montrer plus sévère; elle reproche à Léon X d’avoir
trop souvent abusé d’une si noble intelligence.
A cet égard, la mort de Bramante, arrivée peu de temps après l’avènement
.du nouveau pape, en mars 1014, fut pour Raphaël le plus grand des malheurs.
Elle ne le priva pas seulement d’un ami sûr, dévoué, d’un conseiller plein de
finesse et d’expérience, d’un second père; elle l’obligea encore d’accepter le
fardeau presque surhumain de la direction de Saint-Pierre. Mais ce ne fut pas
tout. Raphaël devint, comme son maître, surintendant général des beaux-arts.
Il dut à la fois manier le crayon, le pinceau et le compas, ordonner les fêtes,
surveiller les fouilles. Seul, parmi les artistes modernes, le peintre favori de
Louis XIV, Charles Le Brun, a été investi de fonctions aussi multiples. Plein
de confiance dans sa jeunesse, dans sa prodigieuse facilité, Raphaël accepta
d’un cœur léger la tâche immense qui s’imposait à lui. Jamais on ne vit athlète
 
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