CHAPITRE LXI. 4^5
dans un plat de beurre, de trachana, espèce de pâte
fermentée, d'un morceau de viande rôtie que le juif
me présenta dans la paume de sa main, et d'un pain
de froment cuit sous la cendre. Comme la fatigue
m'avait ôté l'appétit, et que ces mets étaient peu
propres à l'exciter, je n'y touchai presque que des
yeux, et le festin % pour lequel le bey n'avait pas fait
grand frais, resta à-peu-près intact.
J'allais m'étendre pour dormir sur mon sopba ,
quand l'ouléma borgne, qui avait mangé avec la vora-
cité d'un derviche , dans la compagnie de ses confrères
les faquirs et les calenders, daigna m'adresser la pa-
role par l'intermédiaire du trucheman israélite. Sa
sagesse entama la conversation , en me demandant
comment j'avais trouvé le sérail du bey et son parcj
si nous avions d'aussi belles choses en France? Ma
réponse ayant été satisfaisante pour l'orgueil musul-
man , sa sagesse voulut savoir si nous avions en
France des arbres , des fontaines et du pain ; enfin s'il,
était vrai que Bonaparte fût un grand astrologue.
Tant de questions, jointes à la lassitude qui m'acca-
blait, ayant hâté le moment de mon sommeil, je fus
dispensé de répondre à ces demandes niaises et oi-
seuses.
Le lendemain, je quittai Guilan, non sans avoir
vidé ma bourse; car ici, comme dans tous les gîtes
où jetais descendu depuis Travnik, chacun tendit la
main, et la position dans laquelle je me trouvais, ne
me permettait pas de faire des mécontents.
dans un plat de beurre, de trachana, espèce de pâte
fermentée, d'un morceau de viande rôtie que le juif
me présenta dans la paume de sa main, et d'un pain
de froment cuit sous la cendre. Comme la fatigue
m'avait ôté l'appétit, et que ces mets étaient peu
propres à l'exciter, je n'y touchai presque que des
yeux, et le festin % pour lequel le bey n'avait pas fait
grand frais, resta à-peu-près intact.
J'allais m'étendre pour dormir sur mon sopba ,
quand l'ouléma borgne, qui avait mangé avec la vora-
cité d'un derviche , dans la compagnie de ses confrères
les faquirs et les calenders, daigna m'adresser la pa-
role par l'intermédiaire du trucheman israélite. Sa
sagesse entama la conversation , en me demandant
comment j'avais trouvé le sérail du bey et son parcj
si nous avions d'aussi belles choses en France? Ma
réponse ayant été satisfaisante pour l'orgueil musul-
man , sa sagesse voulut savoir si nous avions en
France des arbres , des fontaines et du pain ; enfin s'il,
était vrai que Bonaparte fût un grand astrologue.
Tant de questions, jointes à la lassitude qui m'acca-
blait, ayant hâté le moment de mon sommeil, je fus
dispensé de répondre à ces demandes niaises et oi-
seuses.
Le lendemain, je quittai Guilan, non sans avoir
vidé ma bourse; car ici, comme dans tous les gîtes
où jetais descendu depuis Travnik, chacun tendit la
main, et la position dans laquelle je me trouvais, ne
me permettait pas de faire des mécontents.