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Institut Français d'Archéologie Orientale <al-Qāhira> [Hrsg.]; Mission Archéologique Française <al-Qāhira> [Hrsg.]
Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes: pour servir de bullletin à la Mission Française du Caire — 37.1915

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Nr. 1-2
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Boussac, Hippolyte: Commentaire sur un passage d'Hérodote: (Liv. II, 18)
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https://doi.org/10.11588/diglit.12744#0032
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26

COMMENTAIRE SUR UN PASSAGE D'HÉRODOTE

base un phénomène naturel. Mais, si, pour se former, un mythe n'exige point le
support d'un fait semblable, il n'en résulte pas forcément qu'il ne puisse pas s'ac-
corder avec l'existence d'un tel fait. Aussi, tout en reconnaissant un caractère my-
thique à la tradition rapportée par Hérodote, peut-on se demander si elle est purement
mythologique ou si, au contraire, elle ne contient pas, en même temps, la mention d'un
phénomène naturel.

Il y a, dans l'interprétation purement mythologique du texte d'Hérodote, telle
que M. Maspero nous la présente, un fait qu'elle n'explique pas; c'est la localisation du
mythe à Éléphantine. Ce n'est certainement pas au hasard que les Égyptiens avaient
placé les sources du Nil dans cette localité plutôt qu'ailleurs. Il y a tout lieu de croire,
au contraire, qu'ils y furent entraînés par une raison fortement motivée. Et cette
raison, si invraisemblable que cela paraisse, pourrait bien tirer son origine d'un phé-
nomène naturel.

Un de nos compatriotes, M. Chélu, ingénieur en chef du Soudan égyptien, chargé
par le gouvernement khédivial, d'explorer le cours du Nil sur toute sa longueur, en
vue d'un projet d'aménagement du fleuve, irrigations et autres travaux hydrauliques,
a publié, en un volume, le résultat de ses recherches1. Dans ce recueil, il décrit les
divers aspects des bords du Nil, les accidents de terrain, les produits qu'on y rencontre.
Chaque cataracte, chaque rapide est l'objet d'une étude spéciale et minutieuse. Mais
c'est surtout le chapitre relatif à la cataracte d'Assouan qui, pour nous, offre un intérêt
immédiat et tout particulier. L'auteur nous révèle qu'en amont de la première cata-
racte, il existe, sur la rive gauche du Nil, un contre-courant très violent, dont la lon-
gueur est d'environ cent kilomètres. Les barques qui se rendent en Égypte évitent
cette rive avec le plus grand soin, pour n'être point renvoyées vers le sud; celles qui,
au contraire, viennent du nord, utilisent ce phénomène, resté inexpliqué, pour être
plus vite rendues à Kalabché. Donc, rien de plus rationnel que les Égyptiens aient con-
sidéré comme étant la source du fleuve, l'endroit même où ils voyaient ses eaux prendre
deux directions différentes; ils ont expliqué le phénomène en attribuant à chaque cours
d'eau un gouffre distinct. De nos jours, beaucoup de gens ne raisonneraient pas diffé-
remment.

Cette tradition, plaçant à la première cataracte les source's du Nil, est probable-
ment fort ancienne et peut remonter aux premières dynasties, époque où l'Éthiopie ne
faisait pas encore partie de l'Égypte. Par la suite, lorsque les rapports entre les deux
pays furent plus étroits, les relations plus suivies, les Égyptiens ne manquèrent point,
sans doute, de reconnaître combien entachée d'erreur était une pareille croyance. Mais,
étant fort traditionalistes, et cette tradition ayant pour elle le prestige d'une haute
antiquité, ils la respectèrent. Elle s'est, peut-on dire, perpétuée jusqu'à nos jours, car
nous la retrouvons encore vivace, dans un document officiel en date du 24 septem-
bre 1800.

Depuis le IXe siècle, c'est Maçoudi qui nous l'apprend2, on savait, chez les Ara-

1. A. Chélu, Le Nil, le Soudan, l'Egypte, p. 67 (Paris, 1891).

2. Les Prairies d'or.
 
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