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ADDITION
c.
Des limites de la Peinture et de la Poésie , et de ce que ces deux
arts peuvent emprunter l'un de l'autre.
Page 73 , note (i).
Celui qui le premier compara la peinture à la poésie étoit un homme d'un
goût fin et délicat , dont l'ame éprouvoit un même effet des deux arts. Il étoit
convaincu que l'un et l'autre nous représentent avec une égale force , comme
actuellement sous nos yeux , les choses qui n'existent plus, ou qui sont loin de
nous ; enfin, que l'un et l'autre nous trompent , et que ce prestige nous fait
plaisir.
Le second chercha à connoître la cause secrette de la satisfaction que nous
procure la magie de ces deux arts ; et il trouva que dans tous les deux elle vient
de la même, source , savoir , la beauté ; laquelleen faisant abstraction des objets
matériels , a des règles générales qui s'appliquent aussi bien à d'autres choses ,
telles que les manières , les idées , qu'aux formes mêmes.
Un troisième , qui fixa sa pensée sur la valeur et sur la division de ces
règles générales , remarqua qu'il y en a quelques-unes qui sont plus propres à
la peinture, et que d'autres appartiennent davantage à la poésie ; que par con-
séquent celles-ci peuvent fournir des éclaircissemens et des exemples relativement
à la poésie de la peinture , et que celles-là sont destinées à rendre le même
service à la peinture de la poésie.
Le premier étoit l'amateur , le second le philosophe , et le troisième le juge
de l'art ou l'artiste.
Si , dans leurs écrits perdus , Apelle et Protogène ont éclairci et développé
les règles de la peinture par celles de la poésie , il faut croire qu'ils l'ont fait avec
la même circonspection et la même exactitude avec lesquelles Aristote, Cicéron ,
Horace et Quintilien ont enseigné l'usage de la peinture dans l'éloquence et
( i ) Ce morceau est un extrait de l'excel-
lent livre allemand de Lessing , intitulé :
Laocoon , ou des limites de la peinture ,
et de la poésie.
ADDITION
c.
Des limites de la Peinture et de la Poésie , et de ce que ces deux
arts peuvent emprunter l'un de l'autre.
Page 73 , note (i).
Celui qui le premier compara la peinture à la poésie étoit un homme d'un
goût fin et délicat , dont l'ame éprouvoit un même effet des deux arts. Il étoit
convaincu que l'un et l'autre nous représentent avec une égale force , comme
actuellement sous nos yeux , les choses qui n'existent plus, ou qui sont loin de
nous ; enfin, que l'un et l'autre nous trompent , et que ce prestige nous fait
plaisir.
Le second chercha à connoître la cause secrette de la satisfaction que nous
procure la magie de ces deux arts ; et il trouva que dans tous les deux elle vient
de la même, source , savoir , la beauté ; laquelleen faisant abstraction des objets
matériels , a des règles générales qui s'appliquent aussi bien à d'autres choses ,
telles que les manières , les idées , qu'aux formes mêmes.
Un troisième , qui fixa sa pensée sur la valeur et sur la division de ces
règles générales , remarqua qu'il y en a quelques-unes qui sont plus propres à
la peinture, et que d'autres appartiennent davantage à la poésie ; que par con-
séquent celles-ci peuvent fournir des éclaircissemens et des exemples relativement
à la poésie de la peinture , et que celles-là sont destinées à rendre le même
service à la peinture de la poésie.
Le premier étoit l'amateur , le second le philosophe , et le troisième le juge
de l'art ou l'artiste.
Si , dans leurs écrits perdus , Apelle et Protogène ont éclairci et développé
les règles de la peinture par celles de la poésie , il faut croire qu'ils l'ont fait avec
la même circonspection et la même exactitude avec lesquelles Aristote, Cicéron ,
Horace et Quintilien ont enseigné l'usage de la peinture dans l'éloquence et
( i ) Ce morceau est un extrait de l'excel-
lent livre allemand de Lessing , intitulé :
Laocoon , ou des limites de la peinture ,
et de la poésie.