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Winckelmann, Johann Joachim
Histoire de l'art chez les anciens: avec des notes historiques et critiques de différens auteurs (Band 1) (II[1793/94]) — Paris, 1794

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https://doi.org/10.11588/diglit.11575#0729
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POUR L E PREMIER V O L U M E. 6:^5

animi) Ci) il y a dans les sourcils. Peut-être aussi que l'artiste s'instruisit parla à
porter plus de soin dans l'exécution des cheveux , et à exprimer , en quelque
sorte, ce qu'Homère appelle une chevelure d'ambroisie ; car on sait qu'avant Phi-
dias les artistes mettoient peu d'expression dans leurs têtes , et qu'ils négligeoient sur-
tout beaucoup les cheveux. Myron même mérita encore des reproches dans ces deux
parties , ainsi que le remarque Pline (2) ; et, suivant ce même écrivain , Pythagore
Léontinus fut le premier qui se distingua parla manière de traiter les cheveux (3).

Mais d'où vient qu'il a été permis à Homère de peindre dans Thersite toutes les
parties qui concourent à former la laideur, tandis que cette ressource lui a été dé-
fendue relativement à la beauté , par la nature de la chose même ? L'effet de la
laideur ne se trouve-t-il pas aussi bien éludé par une énumération des élémens qui
la composent, que l'effet de la beauté est anéanti par une pareille énumération de
ses parties intégrantes ? Certainement ; mais c'est en cela même qu'Homère se voit
justifié. C'est parce que dans la peinture de la laideur corporelle , cette laideur de-
vient moins frappante, et perd , en même - tems , de l'effet qu'elle doit produire
comme laideur , que le poète peut en faire usage ; et l'objet qu'il ne peut em-
ployer par lui-même , il s'en sert comme d'un moyen pour produire , et pour ren-
forcer des sentimens mixtes , pour en occuper notre esprit au défaut de percep-
tions plus pures et plus agréables.

Ces sentimens mixtes sont le ridicule et le terrible. Homère a rendu Thersite
laid et non pas ridicule ; et ce n'est pas par sa seule laideur qu'il devient un
objet risible ; car la laideur est une imperfection ; et pour exciter le ridicule il
faut un concours de perfections et d'imperfections (4). Il est en outre nécessaire
que cette opposition ne soit ni trop sentie , ni trop tranchante ; il est même
essentiel que ces qualités contradictoires se fondent , pour ainsi dire , les unes dans
les autres.

Voilà l'emploi que le poète peut faire de la laideur des formes. Quel parti est-il
maintenant permis au peintre d'en tirer ?

La peinture, comme art d'imitation , peut exprimer la laideur ; mais comme bel
art, elle ne doit pas la rendre. Sous le premier point de vue , tous les objets visibles
appartiennent sous son domaine ; mais , considérée sous le second aspect , elle ne
peut s'occuper que des objets visibles qui font naître des sensations agréables. La
laideur des formes blesse notre vue , révolte notre goût, comme contraire à l'ordre
et à l'harmonie des parties ; et elle inspire de l'aversion, sans que pour cela nous
ramenions notre pensée sur l'existence réelle de l'objet dans lequel nous !a remar-
quons. Thersite est également un objet révoltant pour nous , tant dans la nature que
dans l'art ; et si dans l'art, son image nous déplaît moins , ce n'est pas qu'il cesse

( 1 ) Plin. Lib. x , sect. 5i , p. 616. édit.
Hard.

(2) Idem, lib. xxxiv , sect. 19. p. 651.

( 3 ) Idem , ibidem.

( 4 ) Philos. Schriften von Moses Men-
delssohn. II. th. p. 23.
 
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