Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Winckelmann, Johann Joachim
Histoire de l'art chez les anciens: avec des notes historiques et critiques de différens auteurs (Band 1) (II[1793/94]) — Paris, 1794

DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.11575#0730
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
624 Additions

d'être laid dans l'imitation, mais seulement parce que nous avons la faculté de faire
abstraction de cette laideur , pour ne considérer que le talent du peintre.

La peinture peut-elle se servir de formes désagréables pour faire naître le ridi-
cule et le terrible-?

Je ne me hasarderai point à répondre , pour le moment, d'une manière négative
à cette question. Il est incontestable que la laideur , qui n'est pas nuisible , peut
devenir ridicule dans la peinture , principalement quand l'affectation de paroître
beau ou d'être considéré s'y trouve liée à cette idée. Il est également incontestable
que la laideur nuisible inspire de l'effroi, tant dans l'art que dans la nature; et
que ce ridicule et ce terrible qui, par eux-mêmes , sont des sentimens mixtes , de-
viennent, par l'imitation , plus intéressans et plus satisfaisans.

Je dois néanmoins faire remarquer que la peinture ne se trouve pas ici tout-à-fait
dans le même cas que la poésie. Dans la poésie, la laideur des formes perd , comme
je l'ai déjà observé , presqu'entièrement son effet désagréable par le changement
qu'éprouvent ses parties coexistantes clans le tems ; elle cesse également , sous ce
même point de vue , d'être laideur , et peut par conséquent se lier d'autant
mieux avec d'autres objets , pour produire un nouvel effet. Dans la peinture , au
contraire, la laideur conserve toute sa force réunie , et son effet n'est guère moins
sensible que dans la nature même. La laideur innocente ne peut donc demeurer
long-tems ridicule ; le sentiment désagréable triomphe bientôt ; et ce qui , dans le
premier moment , avoit paru risible , devient, par la suite , révoltant. Il en est
de même de la laideur nuisible : le terrible s'évanouit insensiblement, et la lai-
deur demeure seule d'une manière invariable.

D'après ces considérations , le comte de Caylus a eu raison de ne point admettre
l'épisode de Thërsite parmi les tableaux d'Homère. Riais avoit-on pour cela raison
de vouloir rejetter cette épisode de Y Iliade même ? Je ne le pense pas ; et c'est
ttvec peine que je vois qu'un savant , qui d'ailleurs s'est distingué par un goût fin
et délicat, a été de cette opinion (i).

Le dégoûtant peut renforcer le ridicule ; c'est-à-dire, que des objets de dignité et
de bienséance , mis en contraste avec le ridicule, deviennent ridicules, Aristophane
nous en fournit un grand nombre d'exemples.

Pour ce qui est des objets dégoûtans dans la peinture , il est incontestable que ,
quand même il n'y auroit pas d'objets véritablement dégoûtans pour la vue , des-
quels il faudroit que la peinture , comme art d'agrément, s'abstînt nécessairement,
elle seroit néanmoins toujours dans l'obligation d'éviter , en général , la représenta-
tion de pareils objets , à cause que , par l'enchaînement des idées , le sujet qu'on
traite devient dégoûtant par de pareils objets. Pordenone , clans son tableau de \En-
terrement du Christ, a représenté un des personnages qui tient quelque chose de-
vant le nez. Richardson (2) critique cette idée, à cause qu'il n'y a pas assez long-

( 1 ) KiotZi Epistolae Homericac, p. 53. (2) Richardson , Traité de la Peinture ,
scq. tome 1. page 74•

tems
 
Annotationen