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86

CHRONIQUE DES ARTS.

appuyée, d’un sentiment très-délicat et
d’une loyauté très-sereine. M. É. Boutmy
combat les systèmes opposés au sien avec
autant de mesure que de ténacité. Les épi-
grammes contre ce Vitruve qui étudia, me-
sura, jugea, condamna tous les édifices du
monde ancien sans sortir de son cabinet de
professeur d’esthétique, sont du meilleur
goût et frappent haut. Il rend justice aux
travaux spéciaux de la nouvelle école avec
la sympathie propre à ceux qui étudient
eux-mêmes avec ardeur et suite. Il a lu d’un
œil attentif les poètes, les historiens, les
géographes grecs, et c’est dans un hémi-
stiche, dans une épithète, que souvent il dé-
couvre la pensée artiste qui a présidé à la
conception de tel édifice et en a déterminé
les conditions propres.

II y a des pages savantes et fermes dans
ce livre. Presque partout la pensée revêt
cette forme, souple et sobre, de la tunique
de laine fine qui tombe en plis droits des
épaules d’un jeune garçon et modèle les
saillies. Je coupe ce passage dans un des
chapitres les mieux étudiés au point de vue
de ce qu’il faudrait appeler la psychologie
physiologique. « ... Les architectes grecs ont
su mettre la beauté expressive à son rang,
qui est le premier. Dans l’art monumental
comme en littérature, ils n’ont pas ignoré
que la grammaire n’est pas tout; que les
grands effets naissent d’une expression indi-
viduelle et spéciale, créée sur place par une
émotion intense ; que, bien loin de dépendre
de la règle inférieure qui gouverne les rap-
ports généraux et extérieurs de la forme
avec les exigences des sens, ils sont souvent
dus à une violation locale et justifiée de cette
règle. Mais il est vrai que les Grecs ont com-
mencé par déterminer, avec toute la perfec-
tion que donne une sagacité spéciale et na-
tive, la structure élémentaire de la langue
architecturale, et qu’ils ont fini par porter
partout les scrupules de puristes contractés
dans ce premier travail. En ce sens, et par
leur respect des proportions abstraites, ils
s’opposent nettement aux Gothiques, aux-
quels ils ressemblent d’ailleurs par tant
d’autres points de leur méthode. » Il con-
viendrait ici de faire remarquer à M. Émile
Boutmy, — ce qu’il paraît admettre en
mainte autre page de son livre, — que
l’emploi de matériaux infiniment dissem-
blables sur tous les points où s’est exercée
l’architecture gothique a dû la conduire à
des règles esthétiques infiniment plus variées
que celles des Grecs qui taillaient constam-
ment de vastes blocs de marbre dans les
mêmes carrières. Insister, ce serait rappeler
que l’Hellade aurait tenu à l’aise dans le dé-
partement de Seine-et-Marne. Mais pourquoi
ces inutiles comparaisons auxquelles a re-
noncé la méthode actuelle, bien plus précise
et bien mieux circonscrite ? L’olivier peut-il
mûrir aux portes de Paris?

Le chapitre vraiment éloquent de ce livre,
c’est le Temple. Là, M. Émile Boutmy
s’échauffe, et la monographie du Parthénon
est à la fois le résumé, la confirmation et le
couronnement de sa longue étude. Il fait
mieux que de nous mener au pied du
temple, mesurer les proportions, d’en noter
les détails, d’en relever les plans, coupes et
élévations, il nous en fait monter les degrés,
il nous promène sous l’ombre alternée de la
colonnade, il nous fait entrer dans le sanc-
tuaire, et c’est le cœur tout plein d’admira-
tion sacrée qu’il nous entraîne sur le cap
lumineux pour nous dire en paroles nobles
et vibrantes le génie de l’architecte qui a
su personnifier dans un édifice de marbre
les plus hautes aspirations du plus bel âge
qu’ait vécu l’humanité occidentale.

Ph. Burty.

LE NOUVEAU THÉÂTRE

DE LA VILLE d’aNGOULÊME.

Le samedi là mai, la ville d’Àngoulême a
inauguré, par une représentation du Barbier

de Séville, le théâtre monumental érigé par
M. Antoine Soudée.

« Il n’y a qu’une voix, dit le Charentais,
pour louer l’élégance de la façade princi-
pale, dont le style néo-grec, d’une coquet-
terie peut-être un peu recherchée, est bien
approprié à la destination du monument.

« La disposition intérieure de l’édifice té-
moigne également de consciencieuses étu-
des et montre que tout a été prévu et cal-
culé d’avance pour la commodité du service
et l'utilité du public. Le péristyle donne
accès à un vestibule très-spacieux où une
foule nombreuse peut stationner à l’aise ;
les couloirs sont assez larges pour qu’on y
puisse circuler trois ou quatre de front ; en-
fin à chaque catégorie de place est affecté
un vaste escalier qui mène à la sortie, de
telle sorte qu’en cas d’alerte le théâtre peut
être évacué en quelques minutes.

« Toutes ces qualités réunies font du nou-
veau théâtre une œuvre distinguée qui vau-
dra à M. Soudée le suffrage des gens de
goût et doit lui assurer une des places les
meilleures et les plus en vue parmi les ar-
tistes de notre jeune école française d’archi-
tecture.

« Quant à la salle en elle-même, elle
est l’œuvre de M. Saint-Léon, dont la com-
pétence pour ces sortes de travaux est uni-
versellement reconnue; et l’ornementation
en a été dirigée par M. Cambon, un grand
artiste, comme on sait, dont les importants
travaux et la haute réputation ont reçu der-
nièrement de la part du souverain une écla-
tante consécration. Les galeries peintes,
blanc et or sur fond rouge, sont d’un bel
effet décoratif; les deux avant-scènes, sou-
tenues par des pilastres cannelés, richement
ornées, tendues de velours cramoisi frangé
de crépines d’or, sontd’unerichesse et d’une
beauté superbes; enfin le plafond, avec ses
peintures gracieuses et légères qui brillent
aux feux du lustre, forme sur l’ensemble un
magnifique couronnement. Puisque nous
parlons de M. Cambon, disons tout de suite
que les décors qu’il a composés pour le
théâtre d’Angoulême sont admirables : ils
prouvent une habileté prodigieuse, une par-
faite entente des lois de la décoration et de
la perspective théâtrales. »

Les figures sculptées du fronton, le Drame
et la Comédie, la Musique et la Danse, sont
de M. Blanchard, statuaire, qui en avait
exposé le modèle au Salon de 1869. Les
sculptures d’ornement sont dues à M. Cussy,
élève de M. Léon Baleyre. La construction
du gros œuvre a été dirigée avec autant de
soin que d’habileté par MM. Jérôme et Désir
Seguin, entrepreneur à Angoulême.

Tous les travaux du théâtre, excepté ceux
du gaz, confiés à un spécialiste parisien,
M. Pipert, ont été exécutés par des ouvriers
d’Angoulême, et le résultat a montré qu’ils
pouvaient, même pour ce genre de monu-
ments, qu’on édifie si rarement en pro-
vince, se tirer d’affaire et rivaliser d’adresse
avec les ouvriers de Paris. Cette collabora-
tion des travailleurs et des entrepreneurs de
la localité a facilité à M. Soudée la tâche
qu’il avait acceptée dans des conditions
d’une extrême économie. Par la modicité
des devis, avec lesquels il a su atteindre à
une grande élégance de style, l’architecte
du théâtre d’Angoulême s’est montré com-
plètement affranchi du préjugé trop répandu
aujourd’hui qui confond le luxe et la prodi-
galité avec l’art.

EXPOSITION DE ROME.

La distribution solennelle des récompen-
ses aux exposants de Rome a eu lieu le
16 mai, en l’église Sainte-Marie-des-Anges.
Cette cérémonie, favorisée par un temps
magnifique, avait attiré dans les alentours
des Thermes de Dioclétien une foule consi-
dérable. A dix heures trois quarts, le pape
est arrivé en train de gala, à la grande porte

de 1 église, où se trouvaient pour le recevoir
les membres de la commission romaine, le
baron Visconti, président de la commission
d’archéologie sacrée; le comte Verpignani,
l’habile architecte; le chevalier Giacometti,
et M. Rondelet, juge au tribunal de com-
merce de Paris, l’un des commissaires fran-
çais à l’exposition romaine.

Le saint-père est allé prendre place sur un
trône disposé en avant de la grande cha-
pelle de la Vierge; à droite et à gauche
s’élevaient des estrades pour les cardinaux
et les pères du concile. Au-dessus de l’une
de ces estrades, les membres du corps di-
plomatique occupaient une vaste tribune à
laquelle faisait face une « loggia » réservée
aux princes étrangers.

Le ministre du commerce s’est avancé
jusqu’au pied du trône, et a adressé au
pape un discours auquel Sa Sainteté a répon-
du en s’étendant sur les encouragements
que l’Eglise a toujours prodigués aux arts
et aux sciences, même pendant les jours les
plus néfastes de son histoire, alors que la
barbarie et l’ignorance s’étendaient encore
sur l’Europe.

La distribution des récompenses a ensuite
commencé. La veille, la croix de comman-
deur de Saint-Grégoire avait été envoyée par
le saint-père aux deux commissaires fran-
çais, MM. Baugrand et Rondelet. Les expo-
sants, membres du jury, avaient aussi reçu
des décorations pontificales : ce sont MM.
Biais aîné fils, fabricant d’ornements d’église ;
Lusson et Didron, fabricants de vitraux ;
F. Didot, imprimeur, de Paris; L. Vanel,
fabricant de tissus, de Lyon. En outre, deux
grands diplômes d’honneur ont été spécia-
lement et par exception accordés à la ma-
nufacture impériale des Gobelins et à M. Al-
fred Marne, éditeur à Tours.

La France a obtenu aussi la plupart des
grands prix. La ville de Dieppe en a reçu
un pour son exposition d’objets sculptés
sur ivoire. Nos exposants ont encore obtenu
trente-six autres prix dits d’encouragement.
La France, en se faisant ainsi représenter à
l’exposition romaine, lui a donné en quel-
que sorte un caractère international, et est
venue compléter de la façon la plus heu-
reuse et la plus pratique la physionomie
artistique que les galeries des Thermes de
Dioclétien empri ntaient à l’étalage ingé-
nieusement disposé des trésors de Saint-
Pierre et de Saint-Jean-de-Latran, ainsi
qu’aux merveilles d’orfèvrerie religieuse
ancienne envoyées par le prince Borghèse,
le prince Torlonia et les chefs d’autres gran-
des familles romaines.

Au point de vue des intérêts du com-
merce de la France, l’exposition romaine
paraît avoir eu des résultats importants.
Les évêques, venus de tous les points du
monde pour participer aux travaux du
concile, ont été initiés dans cette circon-
stance aux splendeurs de notre industrie
nationale. On évalue à plusieurs millions
de francs les commandes qu’ils ont faites
ou se disposent à faire à nos grandes mai-
sons. (Journal officiel.)

EXPOSITIONS ET CONCOURS.

L’Académie d’archéologie de Belgique
vient de faire connaître son programme de
concours pour 1871.

Premier sujet. Prix 500 fr., fondé par le
gouvernement : faire l’histoire de la sculp-
ture en Belgique, depuis les temps les plus
anciens jusqu’à l’époque de la Renaissance.

L’auteur produira, autant que possible,
des dessins manuscrits ou des photographies
des objets de sculpture qu’il citera dans son
mémoire.

Deuxième sujet. Prix 500 fr. Présenter la
topographie des voies romaines de la Gaule-
Belgique, et déterminer les localités mo-
dernes correspondant aux stations indiquées

dans l’itinéraire d’Antonin et sur la carte de
Peutinger.

L’auteur fournira les cartes et les croquis
manuscrits nécessaires à l’intelligence de
son mémoire. 11 indiquera sur ces plans les
raccordements des voies romaines de la
Gaule-Belgique avec celles des pays voisins.

Troisième sujet. Prix 400 fr., fondé par la
province d’Anvers : Traiter une question
archéologique ou historique relative à la
province d’Anvers. Le choix du sujet est
abandonné à l’auteur.

NÉCROLOGIE.

Monvoisin (Pierre-Raymond - Jacques),

jeune , peintre-lithographe; né à Bordeaux,
le 3 août 1794, décédé à Boulogne-sur-Seine,
le 30 mars; élève de Lacour, de P. Guérin
et de l’École des Beaux-Arts, où il entra le
9 mars 1816; 2e prix au concours pour
Rome, en 1820, sur le sujet de : Achille de-
mandant à Nestor le prix de la sagesse aux
Jeux Olympiques ; à la requête de l’Académie,
le gouvernement, à cause du mérite de ce ta-
bleau, accorda à l’artiste trois années de pen-
sion à Rome; médaille delre classe en 1831 ;
il quitta la France en 1838, par suite d’en-
nuis de famille et de tracasseries adminis-
tratives; il se rendit au Chili, d’où il ne re-
vint qu’en 1854, après y avoir fondé une
école de peinture; a fait beaucoup d’élèves,
parmi lesquels on peut citer Ignacio Merino,
de Lima, et a laissé de nombreux ouvrages.

E. B. de L.

■ —oocjgl——

NOUVELLES.

L’exposition de photographie, qui avait
éprouvé quelques retards dans son installa-
tion, vient de se compléter très-heureuse-
ment par l’envoi de l’importante collection
des monuments de l’Inde, du muséum Ken-
sington, de Londres.

La communication avec les beaux-arts est
changée cette année : elle est reportée à
l’extrémité des salles de peinture qui lon-
gent la galerie des pastels.

L’entrée directe de l’extérieur est main-
tenue porte n° X du pavillon sud-est.

*

* *

Un des critiques d’art les plus savants de
notre temps, M. Hoyen, vient de mourir à
Copenhague. Cet écrivain distingué eut une
intluence considérable sur le développement
des arts, qu’il s’est efforcer de nationaliser
dans son pays. Il fut l’ami de Shorvalden,
de Freund, de Bissen, de Morstrand, en un
mot des premiers sculpteurs et des meil-
leurs peintres Scandinaves. Sa mort est une
perte irréparable pour l’académie de Co-
penhague et pour tous les artistes du Nord.
On doit aussi à son initiative, à ses travaux
et à son éloquence la conservation de ces
intéressantes églises des xn® et xme siècles
que possède le Danemark et dont il s’était
constitué le courageux défenseur.

*

* *

Le ministre des lettres, des sciences et

des beaux-arts vient de former une com-

«

mission d’artistes peintres, sculpteurs, ar-
chitectes, qui devront lui soumettre un
plan nouveau pour les expositions artisti-
ques.

Le ministre présidera cette commission,
qui sera composé de douze membres.

Les six peintres qui ont été désignés par
le vote des dix-huit membres du jury de
l’Exposition sont : MM. Meissonier, Caba-
nel, Gérome, Fromentin, Chennevières et
Dubufe.

*

M i-

M. Galbait vient d’être chargé de décorer
la salle du Christ de l’hôtel de ville de
Bruxelles; et M. Ferdinand Pauwels a été
 
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