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9® Année.

N° 32

7 Août 1870.

LA CHRONIQUE

TOLITIQJJE

DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ


Paraissant tous les Dimanches

ABONNEMENTS
Paris , un an.

— six mois.

15 fr.
8 fr.

UN NUMÉRO : 2 0 CENT.

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Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux
dessins, estampes bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité^ &c., &c.

Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Etranger. —- Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger-

mm

Paraissant tous les Dimanches V \\ ].


RÉDACTION : Rue Vivienne: 55} Paris

ABONNEMENTS :
Départements, un an. .... . 18 fr.

— six mois. 10 fr,

Etranger, le port en sus.

ADMINISTRATION : Rue Vivienne} 55j Paris

LES VIERGES DE RAPHAËL G

A ceux qui aiment les arts et qu’une for-
tune restreinte ou les affaires retiennent à
Paris et empêchent d’aller ctudier les grands
peintres sur le théâtre même de leurs suc-
cès, il reste le musée du Louvre et surtout
Je Salon carré comme fiche de consolation,
le Salon carré, sanctuaire de peinture uni-
que dans le monde, où l’on voit groupée la
plus merveilleuse réunion de peintres qui
se puisse jamais rencontrer, des peintres qui
ont nom Léonard de Vinci, Corrége, Paul
Véronèse, Titien, Murillo, Rembrandt, Ru-
bens, Philippe de Ghampaigne, Poussin, Le-
sueur, Van Dyck et tant d’autres que nous
omettons volontairement. C’est dans le Sa-
lon carré que l’on peut admirer Raphaël-,
qui, malgré la brièveté de son existence,
a parcouru si glorieusement tout le cycle
de l’art, et qui, parti de la naïveté go-
thique, arrivait en quelques années aux
sommets les plus élevés du grand Art, à
cette perfection absolue qui depuis lui n’a
plus été atteinte. C’est là que l’on retrouve
son Saint Michel terrassant le démon, peint
en A518, la Sainte Famillef cette toile si
parfaite qu’après elle il n’a rien produit de
plus parfait, la Belle Jardinière, la Vierge au
voile, et dans la galerie des Sept-Maîtres le
portrait de Jeanne d’Aragon, que, comme la
Joconde de Léonard de Vinci, l’on ne peut
oublier dès qu’on l’a contemplé une fois.
Il est en outre, pour ceux qui ne peuvent
sortir de Paris, une intéressante publication
qui leur fera connaître sans frais et sans fa-
tigue l’œuvre de Raphaël disséminé dans
les principaux musées de l’Europe. Qu’ils
parcourent la récente monographie de
M. F.-A. Gruyer, et ils ne regretteront pas de
s’être confiés à un guide aussi consciencieux,
aussi fervent, aussi convaincu.

Le premier volume de ce gén éreux ou-
vrage, dont nous ne pouvons indiquer ici
que les principales divisions, est entière-
ment consacré aux images de la Vierge en
Italie, considérées en dehors des faits évan-
géliques, depuis les temps apostoliques jus-
qu’à Raphaël. Cette iconographie delà Vierge,
qui commence aux premiers cimetières
chrétiens et qui se poursuit sans relâche
jusqu’au xv® siècle, époque où l’Italie con-
centra en elle toutes les forces capables de
porter l’art à la perfection, cette iconogra-
phie, Fauteur le reconnaît lui-même, n’est
pas sans quelques lacunes inévitables. Les
preuves cherchées par lui, et remar-
quables du ier au ive siècle de l’ère chré-
tienne, demeurent sans valeur et sans signi-
fication pendant une partie du ve siècle et

1. Les Vierges de Raphaël et l’Iconographie de la
Vierge, par F.-A. Gruyer, Paris, librairie de Ve Jules
Renouard, 6, rue de Tocrnon, 1869. 3 -vol. in-8°.
Prix, 30 francs.

du xme; mais de la fin du xme siècle au
commencement du xvic, c’est-à-dire de Bo~
ni face VIII (129A-A 303) à Léon X (1513-
1523), elles redeviennent abondantes et lu-
mineuses. Et l’on s’en aperçoit de reste, car
le xve siècle fait presque tous les frais de
l’introduction. Toutes les écoles de l’Italie
sont doctement passées en revue par M.
Gruyer, qui nous conduit jusqu’au 6 avril
I/180, époque où Raphaël naissait à Urbin,
dans une modeste maison de la rue Con-
tracta del Monte, maison dont Ingres a fait
un dessin reproduit par la Gazette des Beaux-
Arts (t. XI, p. 45), et où, vers 1503, dans sa
vingtième année, après avoir copié les ta-
bleaux du Pérugin, il peignait le Rêve clu
chevalier.

Cette iconographie de la Vierge par la
peinture, par la sculpture, par la mosaïque,
par les médailles, est un majestueux portique
ouvert sur l’œuvre raphaélesque, qui ne
commence véritablement qu’avec le deuxième
volume consacré non-seulement à l’examen
des travaux de Raphaël, mais encore à ceux
de ses précurseurs. Cette deuxième partie,
en introduisant le lecteur au vif du sujet,
complète, dans des circonstances locales et
particulières, les études iconographiques
poursuivies d’abord dans un sens général
et indéterminé. L’auteur étudie la vie évan-
gélique de la Vierge dans l’œuvre de Ra-
phaël et dans les œuvres de ses devanciers.
A propos du Mariage de la Vierge, par exem-
ple, tableau commandé en 1503 au peintre
d’Urbin par les Franciscains de Città-di-Cas-
tello, M. Gruyer nous donne les récits évan-
géliques qui ont inspiré ce sujet, puis il énu-
mère tous les tableaux dans lesquels la
Renaissance, à ses différentes époques, s’est
inspirée du mariage de la Vierge. C’est ainsi
que nous voyons défiler successivement les
trecentisti Gaddo Gaddi, Giotto, Andrea
Orcagna, Bartolommeo di maestro Fredi,
Pietro Laurati, Agnolo Gaddi, les Quattro-
centisti Masolino da Panicale, Beato Ange-
lico, Domenico Veneziano, etc. Il a été fait
de même pour l’Annonciation, la Visitation,
la Nativité, la Présentation au Temple, le
Portement de croix, le Calvaire, la Mise au
tombeau.

Parce qui précède, on voit que M. Gruyer
a relevé un à un, et par date, les récits
de l’Évangile qui ont sollicité l’esprit du
Sanzio, et que l’ordre évangélique a été pré-
féré à l’ordre chronologique des productions
de Raphaël. De là une interversion complète,
et tel tableau, par exemple, peint en 1517,
vient avant tel autre peint en 1500. Cet in-
convénient, que l’auteur a signalé lui-même,
est compensé par l’avantage d’épuiser un
sujet avant d’en aborder un autre, de con-
server l’ordre et l’unité du récit évangélique
et de ne pas sacrifier à la forme l’idée et la
progression logique. En agissant différem-
ment, c’était s’exposer à commencer par la

fin l’histoire de la Vierge, à nommer l’As-
somption avant le Sposalizio, la Mise au
tombeau avant le Spasimo, etc.

Le troisième volume appartient aux Vier-
ges proprement diLes de Raphaël. Cette der-
nière étude comprend quatre divisions :
la Vierge et l’enfant Jésus, type absolu de
la maternité divine; la Vierge, l’enfant Jésus
et le petit saint Jean-Baptiste, association
de l’humanité aux bénédictions du Fils de
l’homme; la sainte Famille, centre de la fa-
mille humaine confondue et divinisée dans
la famille même de Dieu ; la Vierge glo-
rieuse , apparition de la Vierge dans toute
sa gloire, résumant, à travers les siècles et
dans la société des saints, l’économie du
plan divin.

Tel est le vaste ensemble du nouveau
travail de M. Gruyer, dont les trois parties,
que nous avons si sèchement analysées, se
tiennent et se rattachent directement l’une
à l’autre. 11 y a parallélisme entre ie com-
mencement et la fin, car à la fin les Vierges
de Raphaël sont considérées à un point de
vue abstrait, absolu, permanent, ainsi que
l’ont été, au début du livre, les images des
Madones pendant les quinze premiers siè-
cles de l’ère chrétienne. La partie intermé-
diaire complète les informations données sur
les précurseurs du Sanzio et prépare l’étude
finale exclusivement consacrée aux peintres
par excellence de la Vierge.

M. Gruyer a voué un véritable culte au
divin Sanzio. Déjà connu par deux impor-
tants ouvrages, Essai sur les Fresques de Ra-
phaël au Vatican (les Chambres, les Loges)
et Raphaël et l'Antiquité, il nous est re-
venu, après plusieurs années de pénibles
recherches , avec les Vierges de Raphaël et
l'Iconographie de la Vierge, c’est-à-dire qu’a-
près avoir étudié Raphaël dans ses rapports
avec l’histoire , avec la Bible et avec l’anti-
quité, M. Gruyer l’a considéré dans ses Vier-
ges, partie la plus intime, la plus abstraite,
la plus humble en apparence, mais aussi, et
sans conteste, « la plus divine de son œuvre
par l’exécution », Quelle ardeur, quelle pa-
tience, quelle foi, quel dévouement il a fallu
pour concevoir et pour exécuter une aussi
vaste tâche! Que de peines, que de soins,
que de déplacements onéreux pour arriver
à composer un aussi grand tout! « Raphaël,
dit le savant iconographe, est pour nous un
drapeau autour duquel nous réunissons des
légions. » Ces peintures, qui défilent chro-
nologiquement et docilement sous sa plume,
M. Gruyer n’en parle pas par ouï-dire, il
les connaît, il les sait, il lésa vues, revues,
analysées, méditées. Par ses séjours répétés
dans toutes les parties de l’Italie, et surtout
à Rome, il s’est renseigné aux vraies sour-
ces, aux sources authentiques, aux sources
qui ne peuvent être récusées. « Le seul
moyen de connaître Raphaël, écrit-il, est de
le pratiquer sans cesse. » Ainsi a-t-il fait,

joignant Faction au précepte. De nombreux
voyages dans chacun des grands centres de
l’Europe lui ont permis de compléter des
informations insuffisantes ou obscures; les
musées nationaux et les principales collec-
tions de Madrid , de Munich , de Vienne, de
Dresde, de Berlin, de Saint-Pétersbourg,
« de Paris et de la France, de Londres et
de l’Angleterre », sont devenus comme au-
tant de bibliothèques où Fauteur est allé s’in-
spirer et s’instruire, ne reculant et 11’hésitant
jamais pour posséder la vérité et pour évi-
ter les erreurs.

Un jour Napoléon Ier visitait un de nos
musées. Le conservateur qui l’accompa-r
gnait, peut-être Denon lui-même, lui faisait
remarquer des tableaux de Rembrandt, —^
« ces immortels chefs-d’œuvre », disait le
zélé cicerone. « — Combien de temps, in-
terrogea l’Empereur , pensez-vous que ces
toiles peuvent durer? — Cinq ou six siècles
peut-être, Sire. — Piètre immortalité que
celle-là, » répondit celui que l’on est con-r
venu d’appeler le plus grand capitaine des
temps modernes.

Et cela n’est que trop vrai , car les res?
taurations maladroites, le feu, l’humidité,
la matière elle-même, si limitée dans ses
forces, finiront par dévorer les chefs-d’œu?
vre de la peinture. Mais la mémoire des
grands peintres survivra à leurs œuvres pé->
rissables. On ne possède rien d’Apelles, de
Zeuxis, de Polygnote, d’Arcésilas, de Phidias,
de Scynmus ou de Theophilus, leurs noms
n’en sont pas moins arrivés jusqu’à nous,
stimulant nos regrets, nos désirs, nos aspi-
rations et nos espérances. Hélas ! une heure
sonnera où il ne restera plus rien des chefs-
d’œuvre de Raphaël, de Titien, de Rem-
brandt, de Léonard de Vinci ; mais plus heu-
reux que leurs ancêtres de la grande Grèce,
il restera de leurs œuvres d’admirables
gravures, et si ces gravures, celles de Marc-
Antoine par exemple, doivent dans un mo-
ment donné disparaître à leur tour, il
restera les livres, et surtout des livres
de critique comme ceux que M. Gruyer a
consacrés à Raphaël.

Louis Desprez.

---

UN MORCEAU

PE

CRITIQUE ARTISTIQUE DU XVIIe SIÈCLE.

Extrait cle la Préface des Œuvres de Monsieur
Sarasin, parPellisson-Fonlanier, de l’Aca-
démie française L

Essayons si nous ne pourrions pas esclair-
cir cette vérité par une comparaison. Il est

1. Les OEuvres de Monsieur Sarasin. A Paris, chez
Augustin Courbé, en la petite salle du Palais, à la
Palme, M. DC. LVI. Avec privilège du Roi/.

Ce volume, petit iii-4°, est orné du portrait de Sarasin
 
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