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422

CHRONIQUE DES ARTS.

(n° 32) et Heller (n° 61) reproduisent cette
description.

Depuis cinquante ans le clair-obscur men-
tionné par Bartsch fait le désespoir de tous
les amateurs grandset petits. Les marchands
l’ont recherché avec passion et ont tout
tenté pour le découvrir; mais aucun n’est
seulement arrivé à en apercevoir l’ombre.
Les collections de M. Cornill d’Orville, de
Francfort, et de M. de Rettberg, si riches en
ouvrages de Dürer, ne le possèdent même
pas, et déplorent cette lacune. Qu’importent
les défauts de l’œuvre, son travail si rude,
ses têtes si vides, son dessin si irrégulier? Elle
est de Dürer, elle est rare, il faut l’avoir à
tout prix.

Le seul et unique exemplaire connu, celui
qui a servi à Bartsch, se trouve à Y Alberlina
de Vienne. Il est d’un ton jaunâtre, il porte
le fameux monogramme au milieu d’en
bas. Mais il n’est même pas complet, il lui
manque le coin droit inférieur, arraché par
une main profane et restauré tant bien que
mal. Néanmoins, il fait l’envie de tous les
collectionneurs, et jusqu’à ces derniers temps
il était entouré de ce respect dû à toute pro-
duction rarissime d’un grand maître.

Unique et introuvable, l’exemplaire de
VAlbertina l’est en effet, et il l’a toujours été,
car jamais autre épreuve de la même plan-
che n’est sortie de l’atelier de Dürer. Gela
résulte d’un travail ingénieux que M. Thau-
sing, directeur de Y Alberlina, auquel nous
devons déjà tant de découvertes relatives à
Dürer, a publié dans Y Annuaire de l’Histoire,
de l'Art (Leipzig, Seemann). M. Thausing y
prouve, et lors de notre passage à Vienne
nous avons pu nous convaincre de la vérité
de son assertion, que la marque du milieu
d'en bas ne fait nullement partie de la gra-
vure, qu’elle est tracée à la main et à l’encre
de Chine, — elle est en relief, tandis que les
tailles d’à côté sont profondément impri-
mées dans le papier, — et que le vénérable
Bartsch a commis une erreur bien pardon-
nable en faveur de ses immenses travaux.

Il s’appuie, en outre, sur diverses considé-
rations pour enlever la paternité de la pièce
à Dürer.

L’opinion de Bartsch et de ses succes-
seurs Ottley et Heller ainsi ébranlée, la faus-
seté du monogramme établie, l’attribution
à Dürer contestée, il fallait substituer un
autre auteur à l’auteur détrôné, et trouver
la véritable origine de cette pièce énigma-
tique. M. Thausing y est arrivé, grâce aux
recherches que M. Woltmann a faites au
BritishMuséum et qu’il lui a communiquées.
En effet, sous le nom de Boldung Grien , un
artiste que l’on est aujourd’hui porté à en-
richir d’une foule d’ouvrages anonymes,
comme on le fait aussi en ce moment pour
Jan Van der Meer Van Delft, le British
Muséum conserve un Christ à la croix de tous
points identique à celui de YAlbertina h sauf
qu’il n’offre point la marque du milieu d’en
bas, et que le coin droit inférieur y figure en
entier. Un calque de l’exemplaire de YAl-
bertina s’est parfaitement appliqué sur son ri-
val du British Muséum, et cette expérience a
prouvé que, si le premier était unique dans
les conditions indiquées par Bartsch, il ne
l’était pas comme composition et comme
détails. Bien plus, dans l’angle droit infé-
rieur de l’épreuve du British Muséum appa-
raît, cette fois imprimé, et non plus tracé au
pinceau, le H. G. B, bien connu des ama-
teurs de l’art allemand du xvie siècle, et bien
d’accord avec le caractère de l’œuvre. Le
Christ à la croix est donc l’ouvrage de Hans
Boldung Grien, et voilà pourquoi la gravure
sur bois deDürer (Bartsch, n° 57) a été jus-
qu’ici introuvable.

M.

1. C’est par erreur que M. Thausing l’appelle clair-
obscur, il est purement et simplement imprimé sur
papier blanc avec une seule planche.

L’HÉLIOGRAVURE ÀMAND-DURAND L

Nous avons déjà, à propos du catalogue
de la collection Dutuit, saisi au passage
le prétexte de citer les résultats surprenants
de l’Héliogravure Amand-Durand. On se rap-
I pelle que M. Dutuit avait prêté à l’expo-
sition de l'Union centrale la fleur de son
incomparable collection de gravures. Il
voulut que le souvenir imprimé survécût à
l’occasion qui lui avait été offerte d’être
utile et agréable an public. Il fit reproduire
plusieurs des états les plus rares et les plus
beaux de ses eaux-fortes, entre autres le
portrait de Rembrandt, dit le Rembrandt
appuyé.

Je retrouve dans la première livraison de
la publication de M. Amand-Durand ce
Rembrandt qui est du premier état, c’est-à-
dire avant que le cordon qui borde la partie
inférieure de la toque n’ait été prolongé
par-dessus les cheveux. Donc, en achetant
ce fac-similé, on a non-seulement un des
plus cavaliers et des plus pittoresques por-
traits du maître, mais encore la reproduc-
tion textuelle d’une des plus hautes raretés
que puisse convoiter un iconophile.

La Photographie va faire pour la gravure
ce que fit l’Imprimerie en venant au secours
des copistes et des enlumineurs de manu-
scrits débordés par la demande. Elle va dé-
mocratiser le beau et le rare comme l’autre,
quatre siècles auparavant, démocratisa le
livre, privilège des classes riches ou des
moines. C’est toute une révolution dans nos
bibliothèques publiques et dans nos écoles.
Grâce aux reproductions de dessins de
M. Braun, grâce à l’Héliogravure, il sera
bientôt permis de feuilleter l’histoire de
l’Art dans les siècles passés de même qu’on
lit ses auteurs grecs ou latins.

C’est une source d’une incomparable fraî-
cheur que l’on ouvre au peuple. Il ne con-
naissait les maîtres, Marc-Antoine ou Rem-
brandt, Claude Geilée ou Albert Dürer, Van
Dyck ou Ruysdaël, Ostade ou Schôngauer,
que par des épreuves usées ou d’infidèles
reproductions. L’esprit, l’esprit subtil qui
s’évente au tirage-, comme un flacon trop
longtemps débouché, l’ensemble des rap-
ports entre les tons, la finesse de la touche,
l’ardeur de la taille, ce tout mystérieux
qui compose l’expression absolue de l’in-
tention et de la volonté du graveur, tout
cela disparaît dans les états inférieurs. Puis,
dans la série des temps, vient la retouche,
qui remplace le travail usé aussi ironique-
ment qu’un œil de verre se substitue à un
œil crevé. Quant à la copie, il n’en faut
plus parler, puisqu’un instrument, neutre
dans la question d’enthousiasme ou de dé-
nigrement, substitue son travail à celui d’un
artiste qui était d’autant moins fidèle qu’il
était doué d’un talent plus original.

M. Amand-Durand ne nous donnera donc
que des pièces d’un intérêt d’art bien établi
et les états considérés comme les plus par-
faits. Pour pousser au plus loin l’illusion, il fait
tirer ses héliogravures sur un papier vergé,
fabriqué à la main, et d’un ton jauni qui se
rapproche de bien près de celui des épreuves
originales. Par prudence, il impose son mo-
nogramme sur le revers de chaque épreuve.

M. Amand-Durand s’est assuré le con-
cours de M. Édouard Lièvre. Celui-ci, par
ses travaux antérieurs, s’est conquis les plus
honorables relations et par ses publica-
tions actuelles se montre un éditeur de plus
en plus sérieux. Ce n’est ni l’activité, ni le
goût qui lui feront faute.

M. Georges Duplessis, bibliothécaire du
département des Estampes à la Bibliothèque
impériale, rédige les courtes notices qui ac-
compagnent les épreuves. Ces notices ga-

1. Eaux-fortes et gravures des Maîtres anciens ti-
rées des collections les plus célèbres et publiées avec
le concours de M. Édouard Lièvre. Notes par Georges
Duplessis, du Cabinet des Estampes. Paris, in-folio,
chez l’éditeur, et à la Cazette des Beaux-Arts.

gneraient à être un peu plus développées,
eu égard au public d’artistes, de gens du
monde, d’écoliers auquel s’adresse cette
publication. Un iconophile seul doit s’en
contenter, et ce sont les moins intéressés
dans cette utile et féconde publication. En-
fin, des notices biographiques succinctes sur
chaque maître représenté nous paraissent,
outre l’introduction substantielle qu’on an-
nonce, d’une nécessité absolue.

Une série de dix planches paraîtra tous les
trois mois.

Nous trouvons dans celle-ci deux Rem-
brandt : le :'Rembrandt appuyé, 1er état, col-
lection A.-Firmin Didot, et le Mariage de
Jason et de Creuse, 1er état, collection Du-
tuit ; — deux Marc-Antoine, les Grimpeurs,
d’après Michel-Ange, collection Dutuit, et
Amadée, 1er état, collection É. Galichon ; —
deux Albert Dürer, le Chevalier de la Mort,
collection A.-Firmin Didot, et la Vierge
assise au pied d'une muraille, collection Gat-
teaux ; — un Van Dyck, le portrait de Fran-
çois Snyders, 2e état, collection Dutuit; —
un Claude Geilée, le Troupeau en marche
par un temps orageux, 2° état, collection
Bailly , et un Martin Schôngauer, Sainte
Agnès, collection A.-Firmin Didot.

Je n’insiste pas sur le mérite du choix de
morceaux si connus et si admirés. Quant à
la fidélité de la reproduction, elle est trop
éclatante pour qu’il soit possible aussi de
s’y arrêter. Le tirage a été exécuté avec un
soin qu’apprécieront tous les amateurs de
bonnes épreuves, par M. A. Salmon. Le nom
de ce modeste imprimeur méritait bien de
figurer dans le prospectus, car quiconque
recueille ces précieux morceaux de papier,
où les artistes mettent tant d’eux-mêmes,
sait que, dans un tirage suivi, tant vaut
l’imprimeur, tant vaut la planche.

Ph. Rurty.

y *

CORRESPONDANCE DE DOUAI.

La Société des Amis des Arts de Douai
vient de faire ses premières acquisitions à
l’Exposition, ouverte en ce moment dans
cette ville. Elle a complété la liste des œu-
vres choisies l’année dernière par une Vue
de Trëbizonde, de F. Brest, une Marine de
Gudin fils, des Coqs et poules de Couturier,
et Y Album des peintures de Corot, lithogra-
phiées par Vernier.

Cette année ont déjà été achetées par la
Société les toiles suivantes :

Moutons dans les dunes, par Woutermaer-
tens, Abreuvoir en Algérie, par Huguet, Clair
de lune, par Chevalier (de Bruxelles), Na-
ture morte, par Fürst, les Rives de l’Yerre,
par Lecocq, la Fin du Repas, par Constant
Petit, directeur du cours de dessin de figure,
à Douai.

Les œuvres acquises sont réparties par la
voie du sort entré les sociétaires, qui reçoi-
vent en outre chaque année une lithogra-
phie ou gravure exécutée pour eux seuls,
d’après l’un des tableaux acquis. L’année
dernière, 1869-70 , la prime offerte par la
Société à ses membres était la très-belle li-
thographie d’Achille Sirouy, d’après le Char-
meur de Coninck.

Le musée de Douai a acheté la Réflexion,
par Courbet, une Marine, par Ponson (de
Marseille) et la Négresse, buste de Carpeaux.

De ce même artiste, né, comme on le sait, à
Valenciennes, des amateurs du pays ont ac-
quis le Printemps, YEspiègle, une Mater do~
lorosa; la Napolitaine, buste en terre cuite,
est devenue la propriété de M. de La Pha-
lecque.

Grâce à la libéralité d’un citoyen de la
ville, M. Portier, qui a légué une somme
considérable au musée pourêtre employée en
acquisitions de tableaux de maîtres, la Com-
mission vient d’acquérir , au prix de
25,000 francs, deux toiles authentiques :
l’une, Pan et Gérés, figures de Rubens,
paysage de Breughel, provenant de la gale- !

rie Francken de Lokeren ; l’autre, un Pay
sage capital de Van Everdingen. A.

--

L’EXPOSITION INTERNATIONALE

DE LONDRES.

La commission de l’Exposition internatio-
nale qui doit s’ouvrir à Londres en 1871
vient de publier, en anglais et en français,
les instructions relatives à cette grande fête
de la paix et de l’art. Elle les a fait précéder
de ces quelques considérations générales.

U REMARQUE SPÉCIALE SUR LA DIVISION DES

BEAUX-ARTS.

u Messieurs les artistes et manufacturiers
sont priés de donner toute leur attention à
la division n° I, concernant les sujets choi-
sis pour la première des expositions inter-
nationales annuelles. Jusqu’à présent l’ex-
position des beaux-arts, se bornant à la
peinture et à la sculpture, est demeurée
trop étrangère au but d’utilité, et il est per-
mis de douter qu’une peinture sur émail ou
sur faïence, destinée à être appliquée sur
un meuble, ou qu’une sculpture sur bois
pour un cadre de tableau, quel qu’en soit
le mérite, trouverait place dans les exposi-
tions de l’Académie royale de Londres ou
dans toute autre des nombreuses exposi-
tions d’œuvres d’artistes. Un châle de Ca-
chemire ou un tapis de Perse, dont l’excel-
lence consiste dans la combinaison des
couleurs, y serait encore plus difficilement
admis.

u On peut dire qu’une séparation si com-
plète entre les œuvres artistiques et les ob-
jets d’utilité ne se rencontre que dans les
temps modernes; car dans les temps an-
ciens et au moyen âge on trouve l’art le
plus élevé appliqué aux plus simples pro-
duits. Les Étrusques peignaient sur leurs
vases de terre des sujets qui nous charment
encore par la beauté de lacomposition etl’ha-
bile exécution du dessin, et les plus belles
œuvres de Raphaël étaient destinées à servir
de décorations sous forme de tapisseries de
laine.

a Ces expositions sont créées pour stimu-
ler les artistes à donner un cachet de beauté
et d’élégance à toute espèce d’objets d’uti-
lité, soit d’un caractère domestique, soit
d’un caractère monumental. Un catalogue
spécial prouvera à quel nombre infini d’ob-
jets variés peuvent être appliqués les beaux-
arts.

« On verra par ce catalogue que dans
les prochaines expositions annuelles toute
œuvre dont le caractère dominant aura trait
aux beaux-arts pourra trouver aisément une
place convenable. Une peinture, quelles
qu’en soient la nature ou les dimensions,
une sculpture, quelle que soit la matière
employée pour son exécution , les gravures
de toute espèce, un plan d’architecture
comme œuvre d’art, tous les genres de tis-
sus ayant un caractère qui les rattache aux
arts , en un mot, toute œuvre, soit d’utilité
ou d’agrément, qui méritera d’être considé-
rée comme œuvre d’excellence sous un
point de vue artistique, pourra figurer à ces
expositions dans la division des beaux-arts.
En même temps que les arts et métiers,
qui sont classés dans la division II, seront
soumis à l’examen pendant une série de
sept années, la division des beaux-arts re-
viendra annuellement, de solde que le pro-
grès de l’application de l’art aux objets
d’utilité recevra tous les encouragements pos-
sibles.

« De plus, tout ouvrier artiste pourra ex-
poser un travail de mérite dont il sera l’au-
teur, et tout manufacturier se distinguer
comme un patron de l’art par sa liaison
avec le talent artistique du pays. Dans la di-
vision des beaux-arts l’artiste pourra expo-
ser un vase pour la beauté de la peinture,
ou pour sa forme, ou pour son invention
artistique; pendant qu’un vase de même
 
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