ET DE LA CURIOSITE 11
aussi les directeurs de musées consciencieux
marchent d'accord avec le temps. Les très sérieux
efforts réalisés pour la plus grande part en de-
hors du personnel officiel portent enfin leurs
fruits, et chaque nouvelle édition des catalogues
autorisés dans nos collections nationales témoi-
gnent des perfectionnements apportés.
A la National Gallery, les changements sont
peu nombreux sans doute — c'est à des réformes
et non à des révolutions que l'Angleterre doit ce
qu'elle a de meilleur, —mais ils sont symptoma-
tiques de l'esprit présent. Par exemple, le droit
de Vincenzo Catena à occuper une place de haut
rang dans l'école vénitienne lui est officielle-
mont confirmé, depuis qu'on a tardivement re-
connu sa main dans le superbe Guerrier adorant
l'Enfant et dans le joli petit Saint Jérôme lisant
dans sa chambre, dont on lui niait obstinément
la paternité depuis longtemps pour l'attribuer à
son maître Jean Bellin. Nous félicitons le direc-
teur du musée, non point tant de sa clairvoyance
dans un cas de pareille évidence, que de son cou-
rage à vaincre les obstructions d'une certaine
critique.
Deux autres changements de dénomination
nous paraissent, en revanche, moins heureux,
dans la salle de l'école vénitienne : il s'agit d'un
nouveau Giorgione et d'un nouveau Jean Bellin,
autrefois munis d'une étiquette plus modeste les
rapportant à l'école de ces deux grands maîtres.
Ge sont deux bons morceaux représentant : l'un,
VAdoration des Mages ; l'autre, une Madone.
Nous craignons que le directeur du musée
n'éprouve quelque peine à justifier le paiii qu'il
a pris.
Le curieux voyage que vient de faire un
Paysage pour passer do la salle vénitienne à la
salle flamande, où on a pu l'inscrire sous le nom
de Patinir, montre combien les anciennes attri-
butions étaient élastiques.
Dans la salle ombrienne, le Saint Michel a été
retiré au problématique Fra Carnevale pour être
attribué à Piero délia Francesca : sage repentir,
identique à celui qu'a éprouvé la direction du
musé». Brera en face du tableau d'autel de la même
main. La National Gallery est le seul musée qui
possède trois œuvres authentiques de Piero délia
Francesca, et chacune de celles-ci monlre com-
bien est insoutenable l'attribution qu'on a faite à
ce peintre de la magnifique Madone récemment
achetée par le Louvre.
Dans la même salle, on a prudemment retiré,
sous les absurdes panneaux représentant l'Sis-
toire de Griselda, le nom de Pinturicchio poul-
ies assigner à un anonyme de l'école ombrienne.
Nous ne pouvons accepter le nouveau nom de
Zenobio Machiavelli qu'on a placé sous le grand
triptyque de la salle des Primitifs, jadis attribué
à Fra Filippo. Zenobio est peu connu ; mais le
style du tableau de la National Gallery n'a pas
de rapport avec les œuvres signées de ce peintre
que l'on rencontre à Pise, à Dijon (et non au
Louvre, comme l'affirme le nouveau catalogue) et
à Dublin. Nous ne doutons pas que le directeur,
après mûre réflexion, ne revienne sur cette ques-
tion.
Enfin, le nom de Zurbaran a été substitué à
celui de Velazquoz sous la grande Nativité de la
salle espagnole. Nous ne sommes pas absolu-
ment persuadés de la justesse de ce nouveau
baptême, mais on a bien fait de retirer le nom
de Velazquez.
Ces changements sont l'indice de l'esprit de
raison qui souffle et grâce auquel on a reconnu
combien la tradition est inadmissible quand elle
n'est pas corroborée par des certitudes tirées de
l'œuvre même. Comme champ d'études, la Na-
tional Gallery compte déjà parmi les musées
d'Europe les plus dignes de confiance ; avec quel-
ques amendements de plus, elle deviendra nulli
secunda.
H. G.
Académie des Inscriptions
Séance du 6 janvier
M. de Mély, dans une lettre, signale à l'Acadé-
mie un document historique important, qui, bien
qu'imprimé, a passé jusqu'ici inaperçu. Il s'agit
de la pancarte du cierge pascal de la Sainte-Cha-
pelle, de l'année 1327. Il nous donne trois dates
de notre histoire qu'on ne connaissait pas encore :
la date de 1248, très probablement le 25 mars,
pour l'apport du troisième envoi des reliques de
Gonstantinople cédées par Baudouin à saint Louis ;
la date de 1240, pour la pose de la première pierre
do la Sainte-Chapelle; celle de janvier 1295 pour
la naissance du roi Charles IV. Enfin la mention
de l'apport du chef de saint Louis à la Sainte-
Chapelle explique un passage des Chroniques de
Sicile relatant une translation des reliques de ce
roi de Monreale à Paris vers 13/8.
M. S. Beinach annonce à l'Académie que M. De-
grand, consul de France à Scutari, a fait don aux
musées nationaux d'une importante collection
d'antiquités découvertes clans une nécropole de
l'Albanie, à l'est de Scutari. Une bague en argent,
dont le chaton est orné d'une figure de Mercure,
permet d'affirmer que cette nécropole appartient
à une époque voisine des premiers temps de
l'empire. Parmi les autres objets, il y en a beau-
coup qui présentent un caractère tout particulier et
constituent une série très curieuse qui se ratta-
che à cslles dont on est redevable à l'exploration
des nécropoles de la Bosnie. L'Albanie était en-
core, au point de vue archéologique, une région
complètement inexplorée ; on peut signaler dès à
présent, et sous bénéfice d'études ultérieures,
l'importance de la donation Degrand, qui est ve-
nue enrichir le musée de Saint-Germain.
Société des Antiquaires de France
Séance du 4 janvier
M. Vauvillé, associé correspondant, entretient
la Société des fouilles opérées à Paris, rue de la
Colombe.
M. Héron de Villefosse invite ses confrères à
visiter les restes des murs de la vieille enceinte
de Paris mis au jour en cet endroit, car ils vont
disparaître.
M. le baron de Baye présente une bague en or
rapportée de sa dernière mission au Caucase.
Ce bijou, trouvé à l'élaf, en Géorgie, est antérieur
au xvi" siècle.
aussi les directeurs de musées consciencieux
marchent d'accord avec le temps. Les très sérieux
efforts réalisés pour la plus grande part en de-
hors du personnel officiel portent enfin leurs
fruits, et chaque nouvelle édition des catalogues
autorisés dans nos collections nationales témoi-
gnent des perfectionnements apportés.
A la National Gallery, les changements sont
peu nombreux sans doute — c'est à des réformes
et non à des révolutions que l'Angleterre doit ce
qu'elle a de meilleur, —mais ils sont symptoma-
tiques de l'esprit présent. Par exemple, le droit
de Vincenzo Catena à occuper une place de haut
rang dans l'école vénitienne lui est officielle-
mont confirmé, depuis qu'on a tardivement re-
connu sa main dans le superbe Guerrier adorant
l'Enfant et dans le joli petit Saint Jérôme lisant
dans sa chambre, dont on lui niait obstinément
la paternité depuis longtemps pour l'attribuer à
son maître Jean Bellin. Nous félicitons le direc-
teur du musée, non point tant de sa clairvoyance
dans un cas de pareille évidence, que de son cou-
rage à vaincre les obstructions d'une certaine
critique.
Deux autres changements de dénomination
nous paraissent, en revanche, moins heureux,
dans la salle de l'école vénitienne : il s'agit d'un
nouveau Giorgione et d'un nouveau Jean Bellin,
autrefois munis d'une étiquette plus modeste les
rapportant à l'école de ces deux grands maîtres.
Ge sont deux bons morceaux représentant : l'un,
VAdoration des Mages ; l'autre, une Madone.
Nous craignons que le directeur du musée
n'éprouve quelque peine à justifier le paiii qu'il
a pris.
Le curieux voyage que vient de faire un
Paysage pour passer do la salle vénitienne à la
salle flamande, où on a pu l'inscrire sous le nom
de Patinir, montre combien les anciennes attri-
butions étaient élastiques.
Dans la salle ombrienne, le Saint Michel a été
retiré au problématique Fra Carnevale pour être
attribué à Piero délia Francesca : sage repentir,
identique à celui qu'a éprouvé la direction du
musé». Brera en face du tableau d'autel de la même
main. La National Gallery est le seul musée qui
possède trois œuvres authentiques de Piero délia
Francesca, et chacune de celles-ci monlre com-
bien est insoutenable l'attribution qu'on a faite à
ce peintre de la magnifique Madone récemment
achetée par le Louvre.
Dans la même salle, on a prudemment retiré,
sous les absurdes panneaux représentant l'Sis-
toire de Griselda, le nom de Pinturicchio poul-
ies assigner à un anonyme de l'école ombrienne.
Nous ne pouvons accepter le nouveau nom de
Zenobio Machiavelli qu'on a placé sous le grand
triptyque de la salle des Primitifs, jadis attribué
à Fra Filippo. Zenobio est peu connu ; mais le
style du tableau de la National Gallery n'a pas
de rapport avec les œuvres signées de ce peintre
que l'on rencontre à Pise, à Dijon (et non au
Louvre, comme l'affirme le nouveau catalogue) et
à Dublin. Nous ne doutons pas que le directeur,
après mûre réflexion, ne revienne sur cette ques-
tion.
Enfin, le nom de Zurbaran a été substitué à
celui de Velazquoz sous la grande Nativité de la
salle espagnole. Nous ne sommes pas absolu-
ment persuadés de la justesse de ce nouveau
baptême, mais on a bien fait de retirer le nom
de Velazquez.
Ces changements sont l'indice de l'esprit de
raison qui souffle et grâce auquel on a reconnu
combien la tradition est inadmissible quand elle
n'est pas corroborée par des certitudes tirées de
l'œuvre même. Comme champ d'études, la Na-
tional Gallery compte déjà parmi les musées
d'Europe les plus dignes de confiance ; avec quel-
ques amendements de plus, elle deviendra nulli
secunda.
H. G.
Académie des Inscriptions
Séance du 6 janvier
M. de Mély, dans une lettre, signale à l'Acadé-
mie un document historique important, qui, bien
qu'imprimé, a passé jusqu'ici inaperçu. Il s'agit
de la pancarte du cierge pascal de la Sainte-Cha-
pelle, de l'année 1327. Il nous donne trois dates
de notre histoire qu'on ne connaissait pas encore :
la date de 1248, très probablement le 25 mars,
pour l'apport du troisième envoi des reliques de
Gonstantinople cédées par Baudouin à saint Louis ;
la date de 1240, pour la pose de la première pierre
do la Sainte-Chapelle; celle de janvier 1295 pour
la naissance du roi Charles IV. Enfin la mention
de l'apport du chef de saint Louis à la Sainte-
Chapelle explique un passage des Chroniques de
Sicile relatant une translation des reliques de ce
roi de Monreale à Paris vers 13/8.
M. S. Beinach annonce à l'Académie que M. De-
grand, consul de France à Scutari, a fait don aux
musées nationaux d'une importante collection
d'antiquités découvertes clans une nécropole de
l'Albanie, à l'est de Scutari. Une bague en argent,
dont le chaton est orné d'une figure de Mercure,
permet d'affirmer que cette nécropole appartient
à une époque voisine des premiers temps de
l'empire. Parmi les autres objets, il y en a beau-
coup qui présentent un caractère tout particulier et
constituent une série très curieuse qui se ratta-
che à cslles dont on est redevable à l'exploration
des nécropoles de la Bosnie. L'Albanie était en-
core, au point de vue archéologique, une région
complètement inexplorée ; on peut signaler dès à
présent, et sous bénéfice d'études ultérieures,
l'importance de la donation Degrand, qui est ve-
nue enrichir le musée de Saint-Germain.
Société des Antiquaires de France
Séance du 4 janvier
M. Vauvillé, associé correspondant, entretient
la Société des fouilles opérées à Paris, rue de la
Colombe.
M. Héron de Villefosse invite ses confrères à
visiter les restes des murs de la vieille enceinte
de Paris mis au jour en cet endroit, car ils vont
disparaître.
M. le baron de Baye présente une bague en or
rapportée de sa dernière mission au Caucase.
Ce bijou, trouvé à l'élaf, en Géorgie, est antérieur
au xvi" siècle.