DOI issue:
Nr. 14 (8 Avril)
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.19754#0131
N» 14. — 1899
BUREAUX : 8, RUE FAVART
8 Avril
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉAIENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LE SAMEDI MATIN
Les abonnés à une année, entière de la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement
la Chronique des Arts et de la Curiosité.
PARIS ET DÉPARTEMENTS :
Un an.........12 fr. | Six mois........8 fr.
PROPOS DU JOUR
e marquis de Chennevières, qui
vient de mourir, touchant à sa
quatre-vingtième année, appar-
tenait à la forte génération d'au-
trefois qui regardait avec une sorte de curio-
sité sourcilleuse les efforts des temps et des
régimes nouveaux et se taisait dans la
retraite. Ne soyons pas ingrats pour de tels
hommes.
La Gazelle des Beaux-Arts rendra, le mois
prochain, au marquis de Chennevières, un
hommage intégral. Nous voulons seulement,
aujourd'hui, marquer le point saillant de sa
carrière et souligner ce qui fut la grande
déception de son œuvre.
Lorsqu'au lendemain do nos désastres il
prit la direction des Beaux-Arts, il voulut
attacher un nom à l'achèvement du Pan-
théon en formulant le programme d'une
décoration homogène qui devait être exé-
cutée par Puvis de Chavannes. Nous avons
raconté, ici même, ce qu'étaient les plans
antérieurement proposés par Chenavard pour
l'édifice de Soulllot : la pensée de Chenne-
vières était tout autre, limpide, explicite,
poétique et historique, humaine et artistique
surtout à ne jamais vieillir. L'artiste de
cinquante ans auquel il voulait s'adresser
avait derrière lui des œuvres sans tache, la
fleur de la Renaissance de l'art français.
Fermons les yeux : figurons-nous les dix
fresques de beauté qui auraient accompagné
les deux grandes scènes peintes par le
maître; imaginons le charme unique d'un
pareil Campo Sanlo, l'impérieuse domina-
tion qu'un tel monument eût donnée à notre
pays dans le royaume de l'art...
Hélas! un lolle général s'éleva; c'était le
concert de toutes les médiocrités se levant
en armes pour réclamer leur part au butin.
Et voilà ce qui en est résulté. M. de Chen-
nevières céda, parce qu'un galant homme
cède toujours ; treize artistes furent appelés
à faire l'œuvre d'un seul. Trois moururent
insolvables. Toutes les candidatures, tous
les bas manèges se donnèrent carrière. A
peine s'ils se sont arrêtés hier.
Nous dirons volontiers des hommes tels
que M. de Chennevières : c'étaient des auto-
ritaires. Non, et plût à Dieu qu'ils l'eussent
été. Mais aujourd'hui, que l'œuvre manquée
de Chennevières demeure là devant nous —
et qu'il n'est plus là pour défendre ses pre-
mières et si pures intentions — qu'il nous
soit permis de laisser échapper un mouve-
ment de colère contre ceux qui ont retiré le
Panthéon à Puvis de Chavannes — contre
ces éternels ennemis de l'art que l'Académie
des Beaux-Arts discipline et fait marcher en
rangs serrés dès qu'il s'agit d'essor et de li-
berté. Voilà la triste machine de guerre
contre laquelle nous attendons encore un
vengeur.
NOUVELLES
Le musée Condé, à Chantilly, est rouvert
depuis le samedi 1er avril. Il sera accessible
gratuitement aux visiteurs les dimanche et
jeudi de chaque semaine, de 10 h. à 4 h. 1/2,
'jusqu'au 15 octobre, à l'exception des 21, 25 et
28 mai, jours de courses à Chantilly, et tous
les samedis, avec droit d'entrée de 1 fr., jus-
qu'au 14 octobre, de 1 h. à 5 h..
BUREAUX : 8, RUE FAVART
8 Avril
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉAIENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LE SAMEDI MATIN
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PARIS ET DÉPARTEMENTS :
Un an.........12 fr. | Six mois........8 fr.
PROPOS DU JOUR
e marquis de Chennevières, qui
vient de mourir, touchant à sa
quatre-vingtième année, appar-
tenait à la forte génération d'au-
trefois qui regardait avec une sorte de curio-
sité sourcilleuse les efforts des temps et des
régimes nouveaux et se taisait dans la
retraite. Ne soyons pas ingrats pour de tels
hommes.
La Gazelle des Beaux-Arts rendra, le mois
prochain, au marquis de Chennevières, un
hommage intégral. Nous voulons seulement,
aujourd'hui, marquer le point saillant de sa
carrière et souligner ce qui fut la grande
déception de son œuvre.
Lorsqu'au lendemain do nos désastres il
prit la direction des Beaux-Arts, il voulut
attacher un nom à l'achèvement du Pan-
théon en formulant le programme d'une
décoration homogène qui devait être exé-
cutée par Puvis de Chavannes. Nous avons
raconté, ici même, ce qu'étaient les plans
antérieurement proposés par Chenavard pour
l'édifice de Soulllot : la pensée de Chenne-
vières était tout autre, limpide, explicite,
poétique et historique, humaine et artistique
surtout à ne jamais vieillir. L'artiste de
cinquante ans auquel il voulait s'adresser
avait derrière lui des œuvres sans tache, la
fleur de la Renaissance de l'art français.
Fermons les yeux : figurons-nous les dix
fresques de beauté qui auraient accompagné
les deux grandes scènes peintes par le
maître; imaginons le charme unique d'un
pareil Campo Sanlo, l'impérieuse domina-
tion qu'un tel monument eût donnée à notre
pays dans le royaume de l'art...
Hélas! un lolle général s'éleva; c'était le
concert de toutes les médiocrités se levant
en armes pour réclamer leur part au butin.
Et voilà ce qui en est résulté. M. de Chen-
nevières céda, parce qu'un galant homme
cède toujours ; treize artistes furent appelés
à faire l'œuvre d'un seul. Trois moururent
insolvables. Toutes les candidatures, tous
les bas manèges se donnèrent carrière. A
peine s'ils se sont arrêtés hier.
Nous dirons volontiers des hommes tels
que M. de Chennevières : c'étaient des auto-
ritaires. Non, et plût à Dieu qu'ils l'eussent
été. Mais aujourd'hui, que l'œuvre manquée
de Chennevières demeure là devant nous —
et qu'il n'est plus là pour défendre ses pre-
mières et si pures intentions — qu'il nous
soit permis de laisser échapper un mouve-
ment de colère contre ceux qui ont retiré le
Panthéon à Puvis de Chavannes — contre
ces éternels ennemis de l'art que l'Académie
des Beaux-Arts discipline et fait marcher en
rangs serrés dès qu'il s'agit d'essor et de li-
berté. Voilà la triste machine de guerre
contre laquelle nous attendons encore un
vengeur.
NOUVELLES
Le musée Condé, à Chantilly, est rouvert
depuis le samedi 1er avril. Il sera accessible
gratuitement aux visiteurs les dimanche et
jeudi de chaque semaine, de 10 h. à 4 h. 1/2,
'jusqu'au 15 octobre, à l'exception des 21, 25 et
28 mai, jours de courses à Chantilly, et tous
les samedis, avec droit d'entrée de 1 fr., jus-
qu'au 14 octobre, de 1 h. à 5 h..