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La chronique des arts et de la curiosité — 1899

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Nr. 17 (29 Avril)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19754#0161
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ET DE LA CURIOSITÉ

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en 1481. Or, le panneau de. Lille a gardé à son.
revers trois échancrures, traces encore visibles
d'une serrure et de deux gonds ou charnières. Le
tout a été arraché, Dieu sait quand, et indique
bien le volet de droite d'un triptyque (gauche du
speelateur).

Quant à la question des dimensions de l'en-
semble de Louvain, elle r este quelque peu obscure
et ardue. Un compte postérieur nous donne bien
six pieds de haut sur quatre de large. Mais
étaient-ce là les mesures de la planche telle
qu'elle vint d'Anvers par eau et lut livrée à
Bouts, peu après 14t>8? Ces mesures furent elles
prises sur la planche dressée, mise debout dans
sa plus grande dimension, ou couchée dans
l'autre sens? Oubienavons nous là les dimensions
du triptyque tel qu'il se présentait, soit ouvert,
soit fermé, avec ou sans les cadres et le « bâti »
qui enchâssaient les parties et l'ensemble, avec
ou sans cette sorte d'armoire pourvue d'une
toile ou rideau destiné à pré-errer de tout génie
d'atteinte la précieuse, l'admirable œuvre d'art,
et dont il est parlé dans les comptes ? Autant de
questions qui ne se peuvent éluder, et qui restent
encore en suspens.

On le voit, les difficultés surgissent à mesure
qu'on étudie de plus près ce cas particulier. Et
que d'autres points d'interrogation se posent !
Quelle était la valeur exacte du pied, à cette
époque, en Brabant et à Louvain '? Le manuscrit
qui donne la mesure est-il nn original ou une
copie? L'inscription première fut-elle exacte? La
transcription, la lecture de celte transcription et
de son contHxte furent-elles fidèles, rigoureuse-
ment conformes à la teneur vérilable?... Toutes
ces objections, encore sans léponse, ne rendent
point aisée la solution, dans un sens ou dans
l'autre, do cette partie intéressante du problème.

En passant : une rectification me parvient au
sujet du panneau de Lille, laquelle a son petit in-
térêt. La date d'achat, 1 64, donnée par les der-
niers catalogues du musée, est erronée. Il résulte
des procès-verbaux de la commission que l'achat
eut lieu en janvier lKti3. Le lableau provenait de
la vente de Niouvvenhuys père, sous le nom de
Hugo van der Goes.

Quelques considérations, maintenant, sur les
figures qu'on peut envisager comme des "portraits
dans les compositions du maîire de Louvain.
Parmi elles, citons, en première ligne, le person-
nage debout à droite du spectateur dans la Cène
de l'église Saint-Pierre. Il se tient là, ainsi qu'un
étranger non invité, fort à l'écart do la sainte
table, raide et grave, le haut bonnet sur la tète,
presque hors cadre, comme s'il n'était là que par
l'accident d'une admission fuitiveou par la grâce
d'un rapide passade- tel Parsifal introduit pour la
première l'ois à l'office du Uraal. Onadéjà remar-
qué la ressemblance de ce laïque avec le portrait
gravé par Wiericx (?), dans le recueil dos distiques
épigrainmatiqucs de Dominique Lampsonius,
publié à Anvers en 1572. Assurément, il y a en-
tre les deux portraits des analogies, marquées,
que ne parvient point à faire disparaître la diver-
sité des conditions où chacun d'eux fut exécuté.
La gravure du recueil de Lampsonius est, en effet,
une traduction libre, fabe d;ins cet esprit du
xvi* sb cle que dominaient, inconsciemment ou
non, des préoccupations différentes de celles du
xv". Là, l'extrême allongement des proportions de

tout le corps et de la face, particulier à Bouts en
cette période encore plus qu'il n'est propre atout
son temps, était forcément accru, exagéré, par la
forme même et la hauteur du long bonnet pres-
que en pain de sucre qui le coitfe. Le portrait
fait au xvi" siècle, au contraire, nous montre le
peintre la tète nue, et ses proportions en tous
sens se trouvent inévitablement ramenées au
genre de «canon» mis à la mode par les roma-
nistes. L'âge apparent du personnage do la Cène
concorde avec l'âge probable de Bouts en 14J3K.

Dans le panneau des Élus de Lille, je crois
saisir aussi une ressemblance avec le portrait de
la Cène (mais plus fugitive) chez le dernier Élu,
un vieillard presque de face au premier plan,qui
se délache, un peu en arrière et à l'écart du
groupe plus jeune des deux femmes et des deux
hommes, avec une expression de piélé fervente,
d'indicible aspiration au bonheur céleste, que
souligne encore le geste des mains jointes. Là
encore, il faut tenir compte des changements de
position, d'attitude, de coiffure, de costume, d'âge,
d'état d'âme, elc. Le personnage parait certaine-
ment plus âgé encore qu'à Louvain.

Dans le même tableau de la Cène, les deux
têtes d'adolescents qu'on entrevoit au fond, à tra-
vers l'embrasure par où se passent les mets —
car nous sommes bien dans le « réfectoire » d'un
couvent ou d'une congrégation—pourraient bien
être les deux jeunes fils de Bouts, Thierry de
Louvain et Albert. L'aîné des deux, le plus rap-
proché du portrait présumé de son père, a bien
un air de famille, en tous cas, avec ledit person-
nage. L'âge apparent des deux jeunes gens sem-
ble conforme aux données des documents. Quant
à l'autre personnage, un ecclésiastique sans
doute, debout tête nue près du Christ, comme
admis à l'honneur de le servir, ne pourrait-ce
pas être, soit maître Gérard, directeur des écoles,
qu'on suppose avoir commandé le Saint Érasme,
soit le docteur en théologie, maître Jan van
Haechl, professeur de l'Université de laviiL, dont
j'ai eu déjà à citer le nom à propos du Jugement
dernier'!... N'oublions pas dans quel milieu sa-
vant, intellectuellement raffiné, se mouvait notre
arliste pendant toute sa maturité et jusqu'à sa
fin. Imaginons sans peine combien aisément son
âme méditative trouvait alors sa naturelle pâture
dans les hautes conceptions environnantes. Com>
prenons combien puissamment il devait se sentir
incité à captiver et à toucher, par ses images, une
ébte difficile à satisfaire.

Encore un mot se rapportant à l'histoire de
son tableau du Jugement. La dernière mention
qui en soit faite remonte à 1541 On sait qu'à
celte date, Jan Willems, peintre de la ville, eut
à restaurer, pour la somme de deux livres, cer-
taines parties de L'œuvre. C'est là, à de multiples
égards, un point intéressant à retenir et à ne
pas perdre de vue. Il y aurait lieu, à ce propos,
d'étudier maintenant de plus près la parlie de
l'histoire de Louvain postérieure à cette date.
Peut-être, en cette période agitée du xvic siècle,
la mention de certains troubles, de certaines dis-
cordes civiles, expliquerait elle la disparition du
célèbre Jugement dernier, objet de curiosité, de
respect et d'effroi. Peut-être trouvera-t-on des
points de repère permettant de supposer la mise
à l'abri, en lieu sûr, de ce -palladium de la cité,
qui symbolisait la justice divine dans la maison
 
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