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La chronique des arts et de la curiosité — 1906

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Nr. 20 (19 Mai)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19761#0169
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ET DE LA CURIOSITE 159

vre. L'un est une peinture encore timide et incer-
taine de prime jeunesse, datée de 1 '35 (Chassériau
avait seize ans, quand il l'exécuta), qui, sous l'in-
lhienco d'Ingres, contient déjà mieux que des pro-
messes et révèle, dans l'exécution et le sentiment,
les germes d'un s'yle personnel on train d; se for-
mer. C'est un Portrait de Mttrilhat, tout jeune
alors, revenu récemment d'Egypte. L'œuvre, qui
a malheureusement beaucoup souffert des détério-
rations fatales entraînées par l'abus des bitumes,
a figuré, en 1885, à la seconde Exposition des Por-
traits du siècle, à l'École des Beaux-Arts. Elle
vient d'être offerte aux musées nationaux, au nom
et en exécution des désirs de M"'" Cathrein, née
Atarilhat, morte récemment; et on ne peut qu'être
reconnaissant à la famille do ce don.

Plus remarquable, et plus avancé d'époque, d'ail-
leurs, dans la carrière de Chassériau, est le second
portrait acquis presque en morne temps par le
Louvre, avec la participation aussi aimable que
généreuse de M. Arthur Chassériau, toujours si
dévoué à la mémoire de son parent. C'est le Por-
trait de Laeordaire, que Chassériau exécuti à
Rome, en 1840, au couvent de Sainte-Sabine, au
moment où le grand orateur venait d'y prendre
l'habit dominicain, et qui figura au Salon de 1841.
On put l'admirer, en 1885, à la seconde Exposition
des Portraits du siècle, à l'Ecole des Beaux-Arts,
non loin du portrait précédent. Lî progrès est
.surprenant d'une œuvre à l'autre. C'est une effigie
émouvante, de silhouette et d'aspect inoubliables,
conçue dans des tonalités et une large facture de
fresque, qui représentera tout à fait à son avan-
tage au Louvre un maître qu'on ne saurait trop
honorer.

Dans le Département des objets d'art, on a com-
plété une garniture de trois pièces de Chine mon-
tées en bronze du xvni" siècle ; le vase, qui était
au Palais de l'Elysée, est venu rejoindre au Lou-
vre les deux aiguières qui appartenaient au mus'.o
depuis longtemps. Au mè:ne Département, M. Ke-
lekins vient de faire don d'une coupe de faïence
persane à décor géométrique.

PETITES EXPOSITIONS

GUSTAVE MOREAU — FANTIN-LATOUR

Organisée dans un dessein charitable, l'ex-
position Gustave Moreau à la galerie Georges
Petit offre un ensemble d'une richesse magni-
fique et imprévue. Il semblait diflicile de ren-
dre un hommage à Gustave Moreau sans
emprunter d'œuvres au musée où il avait lui-
même réuni les meilleurs témoignages de sa
pensée, et pourtant des collections particu-
lières sont sorties des pages assez nombreu-
ses pour donner l'impression d'une activité
complète; créations capitales, variantes pré-
cieuses de conceptions longtemps caressées,
indications de tendances peu connues, pres-
que insoupçonnées.

Le Jeune homme et la Mort, Jacob el
l'Ange, Jason et Médce, parmi les œuvres
plus anciennes ; Galalhée, Hélène sur les
murs de Troie, se rangent au nombre des

toiles les plus significatives et les plus par-
faites du maître. Les aquarelles pour les
Fables de La Fontaine, célèbres et igno-
rées, se présentent pour la première fois au
public. Sans entreprendre la tâche impossible
do signaler les plus dignes d'intérêt des deux
cent neuf numéros, dont pas un n'est négli-
geable, sans chercher à redire, clans un rac-

I courci nécessairement imprécis, les louanges
données d'une façon si pénétrante par Ary
Renan, il paraîtra préférable de signaler
•quelques morceaux secondaires par eux-
mêmes, importants par leur caractère. Tels
sont ce Break à quatre chevaux (n° 36) et ce
Cavalier (n° 37), tous deux de 1854, que l'on
dirait d'un élève de Decamps. Une étude
de paysage est également décevante. Le
Jugement de Paris (n° 18) et YEnlève-
ment d'Hélène sont, des compositions con-

! eues avant l'éc'.osion de la personnalité.
Une aquarelle d'après la ballade de Biirger
(no 63), nous montre une inspiration peu
familière à l'artiste; l'Enfant Jésus bénissant
sa mère nous offre un sujet qu'il n'a presque
jamais repris; la Naissance de Vénus (n° 82),
un Saint Sébastien (n° 14), traitent, au con-
traire, d'une façon insolite, des thèmes
favoris.

Ainsi nos admirations se renouvellent et
s'enrichissent dans une manifestation dont
l'écho se prolongera.

On imaginerait difficilement l'impression
prenante qui se dégage de l'exposition dédiée
ii la mémoire de Eantin-Latour. Toutes ces
œuvres, qui furent, une à une, longuement
contemplées et admirées, reçoivent de leur
réunion une signification nouvelle et intense.
Malgré la solennité du cadre, elles gardent
une allure intime et discrète; elles ont l'air,
non pas d'être rassemblées par hasard, mais
de se retrouver. On ne saurait désirer une
unité plus complète.

Elles disent la force puisée clans l'admira-
tion des maîtres, clans le commerce des
meilleurs contemporains ; la persévérance
dans lè chemin jugé le meilleur parce qu'il
est celui vers lequel conduisent les instincts
personnels; le labeur sincère, acharné, sans
une page abandonnée, sans un morceau sacri-
fié à la hâte des marchands. Elles disent
surtout le bonheur que l'artiste a trouvé dans
son art et ce qu'il y a mis de son cœur.

Il a peint pour lui-même, ce qui est la plus
parfaite méthode pour parler à la postérité.
Il à fixé sa propre image, celle des êtres chers
qui l'entouraient. Avec leur physionomie, il
retraçait aussi leur existence unie et simple,
et l'on reconnaît dans ces toiles, auprès des
figures souvent.répétées, le mobilier familier,
les fauteuils d'acajou revêtus de velours
rouge.

L'hommage qu'il offrit à ses amis, pour
solennel qu'il apparaisse à notre admiration,
n'eut pas moins de simplicité. Il les groupait
dans un atelier, autour d'une table, près du
portrait d'un maître et d'un précurseur.

Aux demi-teintes de cette existence calme
se superposait le rêve infini. Le culte de la
musique se traduisait en images exquises.
 
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