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MÉLANGES D'ARCHÉLOGIE.
beaucoup de lumière en un sujet aussi obscur. Nous sommes réduits à trop peu de monuments
écrits et figurés pour former l'espoir de soulever tous les voiles des anciens mystères du
paganisme; mais plus ces mystères se sont enveloppés d'ombre, plus la curiosité est avide de
recueilbr les indiscrétions de l'art, les vestiges oubliés par le temps et les renseignements
fournis parl analogie. Ce que je puis d abord dire avec fondement, c'est que les scènes retracées
sous nos yeux appartiennent aux pratiques dune secte orientale. Outre que la forme des
vêtements de 1 hiérophante revient à ce que Strabon nous a laissé du costume des Persans ', et
à ce que nous savons des Phrygiens, des Arméniens et des Parthcs, etc. le voisinage du
tombeau sabazien de Vincentius et du tombeau mithriaque d Aurélius nous indique ici des
superstitions analogues ou même identiques sous des images différentes; car dans le syncré-
tisme du second siècle de notre ère, époque présumée de nos peintures, les mystères de Saba-
zius et de Mithras ne se distinguaient plus par rien d'essentiel, spécialement en Pbrygie, et se
confondaient avec les cultes où le rit capital était l'expiation solennelle du ùmroèo/ùmi et du
c/ioèoùùm, c'est-à-dire avec ceux de Diane d'Éphèse, de (iybèle, d'Attis, de Mithras et de la
Vénus céleste.
Une figure domine dans les peintures du second tombeau, c'est celle d'un guerrier repré-
senté debout, assis et à genoux, deux fois en présence d'un hiérophante, une troisième fois
derrière une prêtresse. Cette image doit être, à mon avis, celle du mort. Si les peintures
intérieures ne suffisent pas pour l'établir, puisqu'elles pourraient être indépendantes du
personnage enseveli, comme dans l'mY'Osoùùm précédent, on peut le conclure de ce que le
guerrier est peint à 1 extérieur de l'arcade et à 1 endroit même où l'on a vu l'épitaphe de
Vincentius. S i! en était autrement, rien ne rappellerait le mort sur son tombeau, ce qui est
tout à fuit improbable. Mais, posé que ce tombeau est celui d'un guerrier, de quel guerrier
s'agit-il? Qu'il ne soit pas ici question d'un soldat de la milice romaine, le mysticisme général
des peintures le dit assez, et nous en aurions d'ailleurs une preuve palpable dans l'impropriété
de l'armure '. Tout nous invite à recourir aux pratiques des sectes orientales, et ici revient
immédiatement à la pensée le texte où saint Jérôme parle des antres de Mithras détruits à
Rome par Gracchus : un des grades des initiations était celui de guerrier G Gracc/tus norme
spectim dfùAræ, et omm'a porferùosa ùmtùacra, corna:, nymp/ms, nù/es, perses, Aeùos, /eo,
* XI, 13, 9. Cf. Brisson, De rey7t. Pers., p. 250, etc.,
Comnielin, 1695.
' Ov. Pma., ep. iv, 3; Appian., Tact., A9.
' Entre autres observations, notre soldat porte une double
ocrea, ce qui n'était en usage ni parmi les Romains, ni
parmi les Grecs, à l'époque de notre peinture. Nous ne
pourrions concevoir de doutes qu'à l'égard des soldats
thraces, parce que les gladiateurs TAreces, ainsi nommés
probablement parce qu'ils portaient l'armure de la Tliracc,
sont toujours munis de la double oci-ea sur les monu-
ments. Mais ne manquons pas de faire remarquer que ce
qu'il faut voir dans les armes des gladiateurs, ce sont les
anciens usages et non les contemporains. On en a la preuve
dans le Na^/mù et le JD/rmfùo. Ici, d'ailleurs, pour repré-
senter le T/mea?, il faudrait le poignard au lieu de l'épée,
la joar??ra au lieu du grand bouclier.
' Æ/?. aef T. I, 672, Yallarsi.
MÉLANGES D'ARCHÉLOGIE.
beaucoup de lumière en un sujet aussi obscur. Nous sommes réduits à trop peu de monuments
écrits et figurés pour former l'espoir de soulever tous les voiles des anciens mystères du
paganisme; mais plus ces mystères se sont enveloppés d'ombre, plus la curiosité est avide de
recueilbr les indiscrétions de l'art, les vestiges oubliés par le temps et les renseignements
fournis parl analogie. Ce que je puis d abord dire avec fondement, c'est que les scènes retracées
sous nos yeux appartiennent aux pratiques dune secte orientale. Outre que la forme des
vêtements de 1 hiérophante revient à ce que Strabon nous a laissé du costume des Persans ', et
à ce que nous savons des Phrygiens, des Arméniens et des Parthcs, etc. le voisinage du
tombeau sabazien de Vincentius et du tombeau mithriaque d Aurélius nous indique ici des
superstitions analogues ou même identiques sous des images différentes; car dans le syncré-
tisme du second siècle de notre ère, époque présumée de nos peintures, les mystères de Saba-
zius et de Mithras ne se distinguaient plus par rien d'essentiel, spécialement en Pbrygie, et se
confondaient avec les cultes où le rit capital était l'expiation solennelle du ùmroèo/ùmi et du
c/ioèoùùm, c'est-à-dire avec ceux de Diane d'Éphèse, de (iybèle, d'Attis, de Mithras et de la
Vénus céleste.
Une figure domine dans les peintures du second tombeau, c'est celle d'un guerrier repré-
senté debout, assis et à genoux, deux fois en présence d'un hiérophante, une troisième fois
derrière une prêtresse. Cette image doit être, à mon avis, celle du mort. Si les peintures
intérieures ne suffisent pas pour l'établir, puisqu'elles pourraient être indépendantes du
personnage enseveli, comme dans l'mY'Osoùùm précédent, on peut le conclure de ce que le
guerrier est peint à 1 extérieur de l'arcade et à 1 endroit même où l'on a vu l'épitaphe de
Vincentius. S i! en était autrement, rien ne rappellerait le mort sur son tombeau, ce qui est
tout à fuit improbable. Mais, posé que ce tombeau est celui d'un guerrier, de quel guerrier
s'agit-il? Qu'il ne soit pas ici question d'un soldat de la milice romaine, le mysticisme général
des peintures le dit assez, et nous en aurions d'ailleurs une preuve palpable dans l'impropriété
de l'armure '. Tout nous invite à recourir aux pratiques des sectes orientales, et ici revient
immédiatement à la pensée le texte où saint Jérôme parle des antres de Mithras détruits à
Rome par Gracchus : un des grades des initiations était celui de guerrier G Gracc/tus norme
spectim dfùAræ, et omm'a porferùosa ùmtùacra, corna:, nymp/ms, nù/es, perses, Aeùos, /eo,
* XI, 13, 9. Cf. Brisson, De rey7t. Pers., p. 250, etc.,
Comnielin, 1695.
' Ov. Pma., ep. iv, 3; Appian., Tact., A9.
' Entre autres observations, notre soldat porte une double
ocrea, ce qui n'était en usage ni parmi les Romains, ni
parmi les Grecs, à l'époque de notre peinture. Nous ne
pourrions concevoir de doutes qu'à l'égard des soldats
thraces, parce que les gladiateurs TAreces, ainsi nommés
probablement parce qu'ils portaient l'armure de la Tliracc,
sont toujours munis de la double oci-ea sur les monu-
ments. Mais ne manquons pas de faire remarquer que ce
qu'il faut voir dans les armes des gladiateurs, ce sont les
anciens usages et non les contemporains. On en a la preuve
dans le Na^/mù et le JD/rmfùo. Ici, d'ailleurs, pour repré-
senter le T/mea?, il faudrait le poignard au lieu de l'épée,
la joar??ra au lieu du grand bouclier.
' Æ/?. aef T. I, 672, Yallarsi.