ORNEMENTS PEINTS ET SCULPTÉS.
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un souvenir à sa mémoire. Préparé par de longues études d'antiquaire, il s'était tellement fami-
liarisé avec les secrets de l'art classique, qu'en Angleterre, où les connaisseurs abondent si les
artistes inspirés sont rares, on demandait ses travaux dans toutes les principales cathédrales..le
citerai ici à sa louange un mot d'un riche chanoine d'Ely, qui venait de faire placer dans le
transept roman de cette grande basilique deux larges verrières d'Henri Gérente. Gomme je lui
demandais son choix entre les deux œuvres d un dessin et d'un effet différents, il me répondit
qu un jour il préférait 1 une, mais que le lendemain il penchait pour 1 autre. L'artiste honoré du
second prix dans le concours, M.Lusson, devint le successeur de Gérente à laSainte-Chapcile et
vient de terminer cette restauration grandiose, au moment où j'écris ces lignes. Je me plais à lui
rendre ici cet hommage, que l'œuvre a été exécutée avec une telle intelligence, qu'il est fort
difficile de reconnaître ce qui appartient aux artistes de saint Louis. D'importants travaux d'ar-
chéologie sont venus en aide aux artistes. Je dois citer en tête la splendide histoire de la pein-
ture sur verre par mon honorable collègue delà Société des antiquaires de France, M. Ferdinand
de Lasteyrie, qui a précédé dans la carrière les auteurs des de Bourses. Les vitraux de
Tours ont été illustrés par MM. Marchand et l'abbé Bourrassé , M. Lassus a commencé à pu-
blier dans sa grande monographie de Chartres les vitraux de cette cathédrale, calqués par
M. Paul Durand dont on sait la fidélité scrupuleuse, et M. Hucher nous promet une collection
de calques pris sur les verrières du Mans. Grâce aux efforts de la science, à l'émulation des ma-
nufactures et au réveil du goût chrétien dans notre pays, il n'est pas impossible que notre
France retrouve dans ce genre de peinture la supériorité qu elle sut autrefois conquérir.
Notre planche 1 réunit quelques bordures de la cathédrale de Strasbourg appartenant aux
constructions duxil" siècle, remplacées en grande partie par celles d'Ervvin de Steinhach.
cueille les éléments depuis plusieurs années, sans que l'on
puisse entrevoir encore le moment où ce travail sera
complet.
« Malheureusement, si les injures des siècles ont res-
pecté les murs d'un grand nombre d'églises, la fragile
beauté des peintures sur verre n'a résisté qu'en trop peu
d'endroits à la puissance de deux agents de destruction
rivalisant quelquefois d'hostilité : la violence des orages et
la corruption du goût. De nos jours, le goût, plus éclairé,
est devenu moins exclusif, et n'entend plus refuser à nos
pères le sentiment du beau et le don du génie dans les
arts. Aussi, qu'à l'abri de la paix générale, au sein d'une
prospérité croissante, la pensée religieuse vienne à rede-
mander aux arts des émotions dont elle a droit d'être
avide, la peinture sur verre sera appelée à embellir de
nouveau nos églises ogivales, dont les longues et nom-
breuses lancettes n'ont été ouvertes que pour elle, et, sans
elle, blessent la vue qu'elles devaient ravir. N'y a-t-il plus
d'ailleurs, pour cette industrie renaissante, d'innovation à
tenter et de progrès à faire? Qui peut dire tout le parti
que le génie en saura tirer un jour? Est-il difficile à l'ar-
chitecture religieuse des époques les moins heureusement
inspirées de la faire servir à des décorations pleines de
goût et de charme? Est-il impossible à l'architecture civile
d'embellir de ses effets de lumière les grands édifices pu-
blics, les somptueux palais et les habitations privées elles-
mêmes, puisque cet art peut s'associer par ses grisailles
aux plus chaudes peintures, et s'accommoder à toutes les
fortunes par la fécondité de ses ressources?
« Dans cette prévision, il était digne de la haute solli-
citude du gouvernement d'entourer de toutes les lumières
de la science et de l'art un travail de restauration qui pût
servir de modèle.
« L'état actuel de l'art du peintre verrier permettait-il
de songer à une œuvre aussi considérable et aussi impor-
tante avec l'espoir fondé du succès? La commission n'en a
point douté. " Le rapport exposait ensuite les motifs d'es-
pérance que faisait concevoir le résultat du concours.
L'espérance est aujourd'hui pleinement réalisée.
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un souvenir à sa mémoire. Préparé par de longues études d'antiquaire, il s'était tellement fami-
liarisé avec les secrets de l'art classique, qu'en Angleterre, où les connaisseurs abondent si les
artistes inspirés sont rares, on demandait ses travaux dans toutes les principales cathédrales..le
citerai ici à sa louange un mot d'un riche chanoine d'Ely, qui venait de faire placer dans le
transept roman de cette grande basilique deux larges verrières d'Henri Gérente. Gomme je lui
demandais son choix entre les deux œuvres d un dessin et d'un effet différents, il me répondit
qu un jour il préférait 1 une, mais que le lendemain il penchait pour 1 autre. L'artiste honoré du
second prix dans le concours, M.Lusson, devint le successeur de Gérente à laSainte-Chapcile et
vient de terminer cette restauration grandiose, au moment où j'écris ces lignes. Je me plais à lui
rendre ici cet hommage, que l'œuvre a été exécutée avec une telle intelligence, qu'il est fort
difficile de reconnaître ce qui appartient aux artistes de saint Louis. D'importants travaux d'ar-
chéologie sont venus en aide aux artistes. Je dois citer en tête la splendide histoire de la pein-
ture sur verre par mon honorable collègue delà Société des antiquaires de France, M. Ferdinand
de Lasteyrie, qui a précédé dans la carrière les auteurs des de Bourses. Les vitraux de
Tours ont été illustrés par MM. Marchand et l'abbé Bourrassé , M. Lassus a commencé à pu-
blier dans sa grande monographie de Chartres les vitraux de cette cathédrale, calqués par
M. Paul Durand dont on sait la fidélité scrupuleuse, et M. Hucher nous promet une collection
de calques pris sur les verrières du Mans. Grâce aux efforts de la science, à l'émulation des ma-
nufactures et au réveil du goût chrétien dans notre pays, il n'est pas impossible que notre
France retrouve dans ce genre de peinture la supériorité qu elle sut autrefois conquérir.
Notre planche 1 réunit quelques bordures de la cathédrale de Strasbourg appartenant aux
constructions duxil" siècle, remplacées en grande partie par celles d'Ervvin de Steinhach.
cueille les éléments depuis plusieurs années, sans que l'on
puisse entrevoir encore le moment où ce travail sera
complet.
« Malheureusement, si les injures des siècles ont res-
pecté les murs d'un grand nombre d'églises, la fragile
beauté des peintures sur verre n'a résisté qu'en trop peu
d'endroits à la puissance de deux agents de destruction
rivalisant quelquefois d'hostilité : la violence des orages et
la corruption du goût. De nos jours, le goût, plus éclairé,
est devenu moins exclusif, et n'entend plus refuser à nos
pères le sentiment du beau et le don du génie dans les
arts. Aussi, qu'à l'abri de la paix générale, au sein d'une
prospérité croissante, la pensée religieuse vienne à rede-
mander aux arts des émotions dont elle a droit d'être
avide, la peinture sur verre sera appelée à embellir de
nouveau nos églises ogivales, dont les longues et nom-
breuses lancettes n'ont été ouvertes que pour elle, et, sans
elle, blessent la vue qu'elles devaient ravir. N'y a-t-il plus
d'ailleurs, pour cette industrie renaissante, d'innovation à
tenter et de progrès à faire? Qui peut dire tout le parti
que le génie en saura tirer un jour? Est-il difficile à l'ar-
chitecture religieuse des époques les moins heureusement
inspirées de la faire servir à des décorations pleines de
goût et de charme? Est-il impossible à l'architecture civile
d'embellir de ses effets de lumière les grands édifices pu-
blics, les somptueux palais et les habitations privées elles-
mêmes, puisque cet art peut s'associer par ses grisailles
aux plus chaudes peintures, et s'accommoder à toutes les
fortunes par la fécondité de ses ressources?
« Dans cette prévision, il était digne de la haute solli-
citude du gouvernement d'entourer de toutes les lumières
de la science et de l'art un travail de restauration qui pût
servir de modèle.
« L'état actuel de l'art du peintre verrier permettait-il
de songer à une œuvre aussi considérable et aussi impor-
tante avec l'espoir fondé du succès? La commission n'en a
point douté. " Le rapport exposait ensuite les motifs d'es-
pérance que faisait concevoir le résultat du concours.
L'espérance est aujourd'hui pleinement réalisée.