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FONTS BAPTISMAUX DE LIÈGE.
losophe Craton avait rassemblé le peuple pour lui faire voir comment on devait mépriser
ce monde. Par ses conseils, deux jeunes gens fort riches venaient d'échanger leur patrimoine
contre des pierres précieuses, quil leur avait ordonné de briser en présence de la foule.
L apôtre, qui passait par là en ce moment, fit approcher le philosophe et lui montra que
cette manière de mépriser le monde était condamnable : c'était s'attirer le blâme de Dieu en
même temps que les louanges des hommes, et employer un remède qui n'atteint pas la
plaie de lame; le mépris des richesses vraiment méritoire était celui qui les distribue
aux pauvres, comme Jésus-Christ l'enseigne au jeune homme de l'Évangile. Craton lui
répondit : S il est vrai que ton maître soit Dieu, et s'il veut que le prix de ces pierreries soit
donné aux pauvres, fais que leurs fragments se réunissent, pour qu'il soit glorifié dans
cette action où j ai cherché la gloire humaine. Alors saint Jean, recueillant dans sa main
les morceaux des pierres précieuses, se mit à prier, et elles reprirent leur première forme;
et le philosophe avec les deux jeunes gens crurent en Jésus*Christ. "
Craton et le centurion Corneille peignent donc ici les deux grandes classes d'hommes
que le baptême enfanta à Jésus-Christ : l'orgueil qui reconnaît la vanité de ses vertus de
parade, et la droiture qui n'attendait que l'instant où la lumière lui montrerait entièrement
la voie; les passions qui confessent le vide de leurs désirs, et la simplicité qui se rend au
premières invitations de la grâce.
Nous avons dit ce qui doit frapper les yeux presqu au premier regard ; cherchons si
quelque pensée moins saillante n'aurait pas eu part au choix des sujets divers rassemblés
autour de ces fonts.
Dans les douze bœufs qui paraissent porter la cuve baptismale, il n'est personne qui
n'ait dû reconnaître dès le premier moment une allusion à la mer d'mmm du temple de
Salomon b II ne faut pas une grande connaissance des Pères pour savoir que bien des
écrivains ecclésiastiques ont vu dans cette mer ù'mmm une figure du baptême ' ; mais ici
fragmenta gemmarum at nec signum aliquod de eo quod
fractæ fuerant remaneret. Tune Craton phiîosophus simul
cmn hisjuvenibus, etcum universis discipulis suis, pedibus
apostoli advoiutus, credidit etbaptizatusest cum omnibus;
et caepit fidem Domini nostri Jesu Christi pubiiee prædi-
care. Tune duo iiii fratres, venundantes gemmas quas
vendito patrimoniosuo emerant, pauperibus tradiderunt ;
et cæpit muita turba credentium apostoio [adbaerere ?]. "
Cf. Abd., /ulst. iibr. V. — Order. Vital. Rùf. eccê
iibr. II, 11° 5 (ed. A. Le Prévost, t. I, p. 290, sq.).
* III Rcg. vu, 23-25 : « Fecit quoque
mare fusiie... ; et stabat super duodecim boves e quibus
très respicicbant ad aquiioncm, et très ad occidentcm, et
très ad meridicm, et très ad orientem. Et mare super eos
desuper erat, quorum posteriora universa intrinsecus lati-
tabant. o
s Bed., De tem/Ao (ed. Giles, t. VIII, 330) : « Mare
boc fusiie in bguram iavacri saiutaris, quo in remissionem
peccatorum emundamur, factum est. Etc. a Les paroles
de Bède sur ce sujet, répétées exactement par Angeiomus
(&rom. là ùêr. Dey.), et par Raban Maur (m A. /.), ont
passé dans ia Giose.
Saint Isidore (ed. Arevaio, t. V, 539), expose le même
symbolisme avec des détails que nous aurons à rappeler
incessamment: « Quodvero Salomon in... temploduode-
cim boves æreos fecit quos in æreo labro constitué, qui
facie quidem per diversas partes attendunt, sed in uno loco
per posteriora colliguntur; quid.. aliud. quam duode-
cim apostolos credimus designari. qui in hac praesenti
vita ad praedicationis oHicium in diversis mundi partibus
sunt divisi, etc. Per diversum ergo mundum praedicando
respiciunt, sed in unum perveniendo consistunt. Ideo au-
FONTS BAPTISMAUX DE LIÈGE.
losophe Craton avait rassemblé le peuple pour lui faire voir comment on devait mépriser
ce monde. Par ses conseils, deux jeunes gens fort riches venaient d'échanger leur patrimoine
contre des pierres précieuses, quil leur avait ordonné de briser en présence de la foule.
L apôtre, qui passait par là en ce moment, fit approcher le philosophe et lui montra que
cette manière de mépriser le monde était condamnable : c'était s'attirer le blâme de Dieu en
même temps que les louanges des hommes, et employer un remède qui n'atteint pas la
plaie de lame; le mépris des richesses vraiment méritoire était celui qui les distribue
aux pauvres, comme Jésus-Christ l'enseigne au jeune homme de l'Évangile. Craton lui
répondit : S il est vrai que ton maître soit Dieu, et s'il veut que le prix de ces pierreries soit
donné aux pauvres, fais que leurs fragments se réunissent, pour qu'il soit glorifié dans
cette action où j ai cherché la gloire humaine. Alors saint Jean, recueillant dans sa main
les morceaux des pierres précieuses, se mit à prier, et elles reprirent leur première forme;
et le philosophe avec les deux jeunes gens crurent en Jésus*Christ. "
Craton et le centurion Corneille peignent donc ici les deux grandes classes d'hommes
que le baptême enfanta à Jésus-Christ : l'orgueil qui reconnaît la vanité de ses vertus de
parade, et la droiture qui n'attendait que l'instant où la lumière lui montrerait entièrement
la voie; les passions qui confessent le vide de leurs désirs, et la simplicité qui se rend au
premières invitations de la grâce.
Nous avons dit ce qui doit frapper les yeux presqu au premier regard ; cherchons si
quelque pensée moins saillante n'aurait pas eu part au choix des sujets divers rassemblés
autour de ces fonts.
Dans les douze bœufs qui paraissent porter la cuve baptismale, il n'est personne qui
n'ait dû reconnaître dès le premier moment une allusion à la mer d'mmm du temple de
Salomon b II ne faut pas une grande connaissance des Pères pour savoir que bien des
écrivains ecclésiastiques ont vu dans cette mer ù'mmm une figure du baptême ' ; mais ici
fragmenta gemmarum at nec signum aliquod de eo quod
fractæ fuerant remaneret. Tune Craton phiîosophus simul
cmn hisjuvenibus, etcum universis discipulis suis, pedibus
apostoli advoiutus, credidit etbaptizatusest cum omnibus;
et caepit fidem Domini nostri Jesu Christi pubiiee prædi-
care. Tune duo iiii fratres, venundantes gemmas quas
vendito patrimoniosuo emerant, pauperibus tradiderunt ;
et cæpit muita turba credentium apostoio [adbaerere ?]. "
Cf. Abd., /ulst. iibr. V. — Order. Vital. Rùf. eccê
iibr. II, 11° 5 (ed. A. Le Prévost, t. I, p. 290, sq.).
* III Rcg. vu, 23-25 : « Fecit quoque
mare fusiie... ; et stabat super duodecim boves e quibus
très respicicbant ad aquiioncm, et très ad occidentcm, et
très ad meridicm, et très ad orientem. Et mare super eos
desuper erat, quorum posteriora universa intrinsecus lati-
tabant. o
s Bed., De tem/Ao (ed. Giles, t. VIII, 330) : « Mare
boc fusiie in bguram iavacri saiutaris, quo in remissionem
peccatorum emundamur, factum est. Etc. a Les paroles
de Bède sur ce sujet, répétées exactement par Angeiomus
(&rom. là ùêr. Dey.), et par Raban Maur (m A. /.), ont
passé dans ia Giose.
Saint Isidore (ed. Arevaio, t. V, 539), expose le même
symbolisme avec des détails que nous aurons à rappeler
incessamment: « Quodvero Salomon in... temploduode-
cim boves æreos fecit quos in æreo labro constitué, qui
facie quidem per diversas partes attendunt, sed in uno loco
per posteriora colliguntur; quid.. aliud. quam duode-
cim apostolos credimus designari. qui in hac praesenti
vita ad praedicationis oHicium in diversis mundi partibus
sunt divisi, etc. Per diversum ergo mundum praedicando
respiciunt, sed in unum perveniendo consistunt. Ideo au-