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188 MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
En un mot, le démon avait été représenté par Moïse maudit comme il 1 avait été dans
l'Eden et vaincu comme il devait l'être au Calvaire : tel il était apparu à saint Jean quand l'a-
pôtre le vit enchaîné; tel l'art chrétien se plut, dès le principe, à le montrer aux yeux hdèles,
depuis cette peinture où Constantin l'écrasait sous la croix, jusqu'aux vers où Prudence le pei-
gnait roulant aux pieds de la même croix ses anneaux tortueux et vomissant dans l'angoisse
son venin impuissant. Tel nous l'avons vu figuré dans ces Mélanges par Fart carlovingien, et,
à nos yeux, nos crosses ne font que nous donner la continuation du même symbolisme pour
les époques romane et ogivale. Nul n'ignore que durant tout le moyen âge il était d'usage,
dans un bon nombre d'églises, de porter en procession des dragons suspendus au haut d'une
pique avant ou derrière la croix, comme pour ajouter au triomphe de celle-ci en montrant
le vaincu à côté du vainqueur. Je me figure que la représentation de ces dragons, si conforme
à celle du serpent d'airain, aura plus spécialement servi à déterminer de la part des artistes
le choix du symbole qui nous occupe h En tout cas, Satan dans sa défaite, voilà, je ne dis pas
toujours, mais ordinairement, ce que signifie le serpent de nos crosses. On s'en convaincra,
je le pense, en examinant les nombreuses variantes où la première idée s'éclaircit en s'unis-
sant à des idées analogues, toujours poétiques et fécondes.
Ea première de ces variantes, qui s'est présentée à nous dans les figures
35, 36, 3y et /j.y, nous montre, si je ne m'abuse, l'esprit du mal sous quel-
ques-uns de ses traits caractéristiques dans la vieille mythologie germa-
nique. il est, je crois, hors de doute que le dragon dans l'art du moyen

^ L'usage de porter dans ies processions des dragons suspendus venait évidemment de ceiui
des armées romaines, seutement îe sens devint nécessairement tout autre. Pour ies païens, ies
dragons étaient ies bons génies exaités par honneur; pour ies chrétiens, iis devinrent ies dé-
mons exposés dans ieur honte en opposition avec ia croix. Prudence nous peint des soidats
dragonaires mettant sur ieurs étendarts des croix à ia piace des dragons (ùê. &
hytnn. I) :
Ptoque ventosis draconum, quos gerehant, pattiis,
P.æietunt insigne ligoum, quod draconem snbdidii.
C'était ieur devoir à i'époque où i'on voyait des oæ vom souxcùs druco?u'àus (!)oni, ÙMcrqjf.,
ci. I, n. 59). Quand ia foi pubiique eut transformé ceux-ci et) démons, ieur présence auprès
de ia croix ne servit piusqu'à un poétique contraste. Jacques de Vitri a sur ce sujet, dans ses
Sermons sur ies rogations, des mots précieux aujourd'hui (Fer. /Z m /ætu?:. uuu. ed. Venef.
1518, p. 762): Draco autem in piuribus iocisprimisduobusdicbusdeportatur et cruces præ-
cedit cum cauda ionga et inflata. Tertio autem die rétro vadit, cauda incurvata et dimissa,
quod non vacat à mysterio. Per draconem enim diaboius designatur. Per très dies, tria tem-
pora signibeantur. Tempus sciiicct ante iegem, sub iege et sub gratia. Duobus primis diebus,
princeps hujus mundi tanquam dominus præcedebat et fere omnes ad se trahebat. Tempore
autem gratiæ concuicatus est aChristo nec jam audet ita aperte sævire.—On conserve à Metz,
dans ia catbédraie, ie Gruüù ou Grauiiy, un de ces anciens dragons qui se portaient encore ii y a
queiques années. On ne sera pas fâché d'en voir un croquis. Ii a deux mètres de hauteur et se
trouve représenté dans ia triste posture affectée au troisième jour : caudu :hcM7T%fu et denus.su,*
ce qui ne manque pas de mystère, ajoute Jacques de Vitri. Quoique chose de non moins mysté-
rieux, comme nous ie verrons tout à i'heure, est ia manière dont ia tête est soutenue sur ia iance.


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