Denon, Dominique Vivant: Voyage en Sicile (Paris, 1788)

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son empressement, qu'il me donnoit quelque avis salu-
taire. Je le questionnai en italien qu'il n'entendoit pas ;
mais définitivement, à force de signes , il me fit concevoir
qu'il ne falloit pas rester là, si nous ne voulions faire qua-
rantaine. Je le menai au bateau, où il y avoit un Maltois
qui entendoit un peu l'arabe , que cet homme parloit; et
nous apprîmes que l'isle de Gozo étoit en quarantaine ,
parcequ'il s'étoit sauvé un esclave levantin qui s'étoit ca-
ché dans cette isle , et que, bien que nous n'y eussions pas
abordé , si nous étions apperçus par quelques barques de
police , nous serions mis en quarantaine à notre arrivée à
Malte. Nous en frémîmes tous ; je craignois plus la qua-
rantaine encore que la mer : je donnai bien vite un écu au
donneur d'avis. Notre embarquement fut fait dans le si-
lence de la nuit, avec une rapidité extrême. Nous doublâ-
mes le Cuminotto , petit rocher inculte , et nous louvoyâ-
mes le long de la côte basse de Malte. Il n'y avoit point de
vent, et nous allions à la rame , suivant toutes les sinuo-
sités de la rive , et passant sous toutes les tours et les diffé-
rents forts qui défendent les anses et les mouillages de cett»
partie abordable de l'isle, tout l'autre côté étant défendu
par la nature. Nous arrivâmes au point du jour à la pointe
de Dragut, qui a pris son nom de ce vice-roi d'Alger qui y
aborda lors du siège de Malte sous les règnes de Soliman
et du grand-maître La Valette. Nous passâmes devant le
port de Marsa-Muscet, où nous trouvâmes le vaisseau de
guerre françois le Caton , qui venoit de porter M. de
Saint-Priest à Constantinople, et faisoit quarantaine en-
tière , attendu que la plus violente peste désoloit et dépeu-
ploit toutes les côtes du levant. Ensuite nous arrivâmes
sous le fameux fort Saint-Elme , la première fortification
de Malte , celle qui coûta tant d'hommes aux Turcs , et
qu'ils n'emportèrent qu'après avoir tué jusqu'au dernier