GAZETTE DES BEAU X-ART S.
Enfin , si,en échange de l'honneur dont s'accroît par leurs travaux le
patrimoine commun, les gouvernements doivent aux artistes d'accueillir
et d'exposer dignement les créations de leur science on de leur fantaisie, ils
ont aussi un devoir, plus grave peut être, à remplir envers la minorité
qui comprend, envers la foule, si nombreuse encore, qui ne sait pas !
Hélas! combien sont-ils ceux qui, devant un chef-d'œuvre de l'art antique
ou de la renaissance, savent en sentir la splendeur ou la grâce , et qui
complétant et corrigeant par l'expérience d'un goût épuré les émotions
de leur cœur, pourraient dire la raison de leur i vresse et se rendre à eux-
mêmes un bon témoignage de leur admiration ! Sans doute l'éducation gé-
nérale, en matière d'art, a fait depuis vingt ans de grands progrès : des
écrivains ingénieux ou profonds — quelques-uns sont nos amis, tous sont
nos maîtres — ont éclairé des vives lumières de l'esprit moderne bien des
questions longtemps obscures; leurs efforts n'ont pas été stériles, le nom-
bre des initiés s'est considérablement accru ; mais qui oserait dire qu'il
ne reste pas beaucoup à faire encore? Les expositions publiques et les
commentaires qu'elles provoqnent ont leur rôle marqué dans cet ensei-
gnement des lois du beau. Le Salon où se donnent rendez-vous les œmres
con.emporaines ne saurait, il est vrai , avoir l'autorité d'un musée où
siègent, dans la sérénité d'une gloire qu'on ne discute plus, les maîtres dont
un long applaudissement a consacré l'effort heureux; l'indiscrète ivraie
s'y mêle avec le pur froment; il faut savoir choisir dans cette confuse
moisson. Mais les musées eux mêmes ne présentent ils que des modèles ,
et dans ces collections fameuses dont l'Europe est si fière, combien de
Carie Maratte et de Pierre de Cortone se groupent autour de Raphaël et
de Michel-Ange ! Heureusement, l'erreur même est une leçon, et la faute
peut devenir un avertissement sauveur. D'ailleurs, si l'art moderne se
montre si hésitant et si discutable dans nos expositions , c'est là, il faut
l'espérer, une situation temporaire, qui bientôt peut-être se modifiera.
Les Salons ont précisément été en France comme une scène changeante où
se sont manifestés tous les grands renouvellements. C'est là que se pro-
duisirent, à la fin du siècle dernier, les essais bientôt triomphants de ces
maîtres, qui, dans la mesure de leurs forces, préludèrent à une seconde
renaissance , et qui, au nom de l'antique idéal, mirent en déroute la folle
bande des amours mal dessinés; plus tard, lorsque l'imitation des types
de l'art ancien fut elle-même devenue un vulgaire procédé d'atelier, un
maniérisme systématique, c'est là encore, c'est au Salon, qu'éclatèrent,
on sait avec quel retentissement, les protestations de l'école nouvelle;
enfin, n'est-ce pas à l'exposition que se sont montrées, il y a quelques
années, les tentatives de réaction des néo-grecs et des néo-catholiques?
Enfin , si,en échange de l'honneur dont s'accroît par leurs travaux le
patrimoine commun, les gouvernements doivent aux artistes d'accueillir
et d'exposer dignement les créations de leur science on de leur fantaisie, ils
ont aussi un devoir, plus grave peut être, à remplir envers la minorité
qui comprend, envers la foule, si nombreuse encore, qui ne sait pas !
Hélas! combien sont-ils ceux qui, devant un chef-d'œuvre de l'art antique
ou de la renaissance, savent en sentir la splendeur ou la grâce , et qui
complétant et corrigeant par l'expérience d'un goût épuré les émotions
de leur cœur, pourraient dire la raison de leur i vresse et se rendre à eux-
mêmes un bon témoignage de leur admiration ! Sans doute l'éducation gé-
nérale, en matière d'art, a fait depuis vingt ans de grands progrès : des
écrivains ingénieux ou profonds — quelques-uns sont nos amis, tous sont
nos maîtres — ont éclairé des vives lumières de l'esprit moderne bien des
questions longtemps obscures; leurs efforts n'ont pas été stériles, le nom-
bre des initiés s'est considérablement accru ; mais qui oserait dire qu'il
ne reste pas beaucoup à faire encore? Les expositions publiques et les
commentaires qu'elles provoqnent ont leur rôle marqué dans cet ensei-
gnement des lois du beau. Le Salon où se donnent rendez-vous les œmres
con.emporaines ne saurait, il est vrai , avoir l'autorité d'un musée où
siègent, dans la sérénité d'une gloire qu'on ne discute plus, les maîtres dont
un long applaudissement a consacré l'effort heureux; l'indiscrète ivraie
s'y mêle avec le pur froment; il faut savoir choisir dans cette confuse
moisson. Mais les musées eux mêmes ne présentent ils que des modèles ,
et dans ces collections fameuses dont l'Europe est si fière, combien de
Carie Maratte et de Pierre de Cortone se groupent autour de Raphaël et
de Michel-Ange ! Heureusement, l'erreur même est une leçon, et la faute
peut devenir un avertissement sauveur. D'ailleurs, si l'art moderne se
montre si hésitant et si discutable dans nos expositions , c'est là, il faut
l'espérer, une situation temporaire, qui bientôt peut-être se modifiera.
Les Salons ont précisément été en France comme une scène changeante où
se sont manifestés tous les grands renouvellements. C'est là que se pro-
duisirent, à la fin du siècle dernier, les essais bientôt triomphants de ces
maîtres, qui, dans la mesure de leurs forces, préludèrent à une seconde
renaissance , et qui, au nom de l'antique idéal, mirent en déroute la folle
bande des amours mal dessinés; plus tard, lorsque l'imitation des types
de l'art ancien fut elle-même devenue un vulgaire procédé d'atelier, un
maniérisme systématique, c'est là encore, c'est au Salon, qu'éclatèrent,
on sait avec quel retentissement, les protestations de l'école nouvelle;
enfin, n'est-ce pas à l'exposition que se sont montrées, il y a quelques
années, les tentatives de réaction des néo-grecs et des néo-catholiques?