96 GAZETTE DES BEAU X-ARTS.
connus à Paris, et nous n'avons point à répéter les éloges qu'en a dû
faire la critique parisienne.
Parmi les tableaux de M. Courbet, il y a un paysage d'hiver, avec de
grands arbres dans un ravin, peinture étrange, d'un aspect superbe et
très-poétique, une petite étude, d'après nature, àe$Falaise& de 11 on/leur,
et la Femme au miroir, qui paraît pour la première fois, je pense, à une
exposition. Elle est en buste, de profil, le sein demi-nu. Les tons de chair
sont d'une rare finesse, qui rappelle les plus grands coloristes, Corrége
même. On peut trouver que le style de M. Courbet est vulgaire, qu'il
cherche la bizarrerie dans le choix de ses sujets, et tout ce qu'on voudra,
mais assurément M. Courbet est un praticien de première force et un
coloriste très-saisissant. Cette Femme au miroir fait de l'effet, à Bruxelles,
sur le groupe de jeunes artistes, préoccupés de tout ce qui est neuf.
Les tableaux de M. Breton excitent encore un véritable enthousiasme,
à cause de la noble simplicité des tournures et de la profondeur des phy-
sionomies, dans ses femmes de campagne, occupées au saint travail de
l'agriculture. Dans une de ces paysanneries sérieuses, une jeune fille est
assise au coin d'un champ et pense. A quoi? Elle a l'air d'une statue de
la Mélancolie. Dans une autre, une jeune fille debout agite le van sur
lequel sautille une graine quelconque. Elle a l'air d'une nymphe agreste,
d'une muse, d'une déesse, qui seulement fait une œuvre utile. On a beau-
coup admiré jadis Léopold Robert, mettant la Beauté dans des figures de
pêcheuses de l'Adriatique, ou de moissonneuses de la campagne romaine.
M. Breton est dans ce sentiment-là, avec une sincérité candide et un agen-
cement moins théâtral.
Mais voici le tableau qui occupe le plus les artistes, et les critiques,, et
les amateurs, et même le public intelligent : c'est la Tondeuse de moutons,
de M. Millet. Cette toile, que nous avons eu occasion de voir ébauchée, à
Barbizon, près Fontainebleau, a été enlevée toute chaude de l'ermitage du
peintre et expédiée à Bruxelles, qui en a la primeur.
M. Millet est encore un peintre en cliseussion. Les critiques timides
hésitent à se prononcer sur ce talent baroque, si étranger aux habitudes
classiques, aux routines des ateliers, aux préjugés du vulgaire. Fond et
forme, il est novateur certainement. Quelle idée "de faire un tableau avec
un homme qui bêche, des femmes qui glanent, une vieille paysanne qui
garde sa vache au bord d'une haie, un semeur qui jette du blé dans un
guéret! Où sont les princes de l'école fashionable, et les demoiselles
couchées dans un boudoir, et les costumes de soie et de dentelles, et tous
les accessoires de la vie élégante? Ne tombons-nous point dans une dé-
gradation de l'art, destiné seulement aux sujets héroïques, nobles pour
connus à Paris, et nous n'avons point à répéter les éloges qu'en a dû
faire la critique parisienne.
Parmi les tableaux de M. Courbet, il y a un paysage d'hiver, avec de
grands arbres dans un ravin, peinture étrange, d'un aspect superbe et
très-poétique, une petite étude, d'après nature, àe$Falaise& de 11 on/leur,
et la Femme au miroir, qui paraît pour la première fois, je pense, à une
exposition. Elle est en buste, de profil, le sein demi-nu. Les tons de chair
sont d'une rare finesse, qui rappelle les plus grands coloristes, Corrége
même. On peut trouver que le style de M. Courbet est vulgaire, qu'il
cherche la bizarrerie dans le choix de ses sujets, et tout ce qu'on voudra,
mais assurément M. Courbet est un praticien de première force et un
coloriste très-saisissant. Cette Femme au miroir fait de l'effet, à Bruxelles,
sur le groupe de jeunes artistes, préoccupés de tout ce qui est neuf.
Les tableaux de M. Breton excitent encore un véritable enthousiasme,
à cause de la noble simplicité des tournures et de la profondeur des phy-
sionomies, dans ses femmes de campagne, occupées au saint travail de
l'agriculture. Dans une de ces paysanneries sérieuses, une jeune fille est
assise au coin d'un champ et pense. A quoi? Elle a l'air d'une statue de
la Mélancolie. Dans une autre, une jeune fille debout agite le van sur
lequel sautille une graine quelconque. Elle a l'air d'une nymphe agreste,
d'une muse, d'une déesse, qui seulement fait une œuvre utile. On a beau-
coup admiré jadis Léopold Robert, mettant la Beauté dans des figures de
pêcheuses de l'Adriatique, ou de moissonneuses de la campagne romaine.
M. Breton est dans ce sentiment-là, avec une sincérité candide et un agen-
cement moins théâtral.
Mais voici le tableau qui occupe le plus les artistes, et les critiques,, et
les amateurs, et même le public intelligent : c'est la Tondeuse de moutons,
de M. Millet. Cette toile, que nous avons eu occasion de voir ébauchée, à
Barbizon, près Fontainebleau, a été enlevée toute chaude de l'ermitage du
peintre et expédiée à Bruxelles, qui en a la primeur.
M. Millet est encore un peintre en cliseussion. Les critiques timides
hésitent à se prononcer sur ce talent baroque, si étranger aux habitudes
classiques, aux routines des ateliers, aux préjugés du vulgaire. Fond et
forme, il est novateur certainement. Quelle idée "de faire un tableau avec
un homme qui bêche, des femmes qui glanent, une vieille paysanne qui
garde sa vache au bord d'une haie, un semeur qui jette du blé dans un
guéret! Où sont les princes de l'école fashionable, et les demoiselles
couchées dans un boudoir, et les costumes de soie et de dentelles, et tous
les accessoires de la vie élégante? Ne tombons-nous point dans une dé-
gradation de l'art, destiné seulement aux sujets héroïques, nobles pour