DOI issue:
Nr. 2
DOI article:Montaiglon, Anatole de: M. Jules Renouvier
DOI Page / Citation link: https://doi.org/10.11588/diglit.17224#0108
M
JULES
RENOUVIER
M. Renouvier était à Paris il y a quelques semaines. Les amis de son
âge qu'il était venu revoir, ceux plus jeunes dont il aimait aussi à s'en-
tourer, l'avaient retrouvé toujours plus ardent à l'étude et à la recherche.
Ne voulant plus se souvenir du beau livre dont il venait à peine de ter-
miner l'impression, et trouvant qu'il n'avait rien fait tant qu'il lui restait
encore quelque chose à faire, il était tout entier à l'ouvrage qu'il allait
terminer, à celui qu'il préparait pour l'avenir. Quand il est reparti pour
retourner à Montpellier, où il habitait, il se réjouissait d'aller reprendre
la plume pour continuer le travail dont la rédaction avait été interrompue
par son voyage annuel. C'est à la mort qu'il est allé. A son arrivée, il a
été enlevé par une maladie aussi rapide que soudaine, et quelques jours
après lui avoir serré la main, après s'être entretenus avec lui de ses pro-
jets et de ses études, après lui avoir dit au revoir, ses amis ont appris
par les journaux que cet homme, tout à l'heure plein de vie, était tombé
subitement, frappé par une maladie terrible, et que cette rare intelligence,
qui n'avait jamais été ni plus vive ni plus ferme, serait muette désormais.
La mort d'un honnête homme, qui disparaît avant le temps, est tou-
jours regrettable et douloureuse; mais ici la perte ne demeure pas res-
treinte au cercle privé de la famille, elle en sort pour devenir publique,
car il a péri avec M. Renouvier tout un trésor -d'érudition et de pensées
qui ne sera pas reformé. Il est donc naturel que dans cette Revue, con-
sacrée aux études qui ont été le meilleur de sa vie, dans la Gazette des
Beaux-Arts, qui s'est honorée de l'avoir au nombre de ses collabora-
teurs, et pour laquelle il a écrit les dernières pages qui soient sorties de
sa plume, on prenne sur le coup, et par là sans prétendre en parler com-
plètement, la parole pour lui rendre la justice qui lui est due, et pour dire
au public, qui ne le sait pas encore assez, ce qu'était M. Renouvier, et ce
qu'il a fait pour l'histoire de l'art.
Il était né à Montpellier le 13 décembre I8O/1. Ce n'est qu'à trente
ans, après une jeunesse riche de lectures partagées entre la philosophie,
l'histoire et la poésie, qu'il commença à publier ses deux premiers essais,
JULES
RENOUVIER
M. Renouvier était à Paris il y a quelques semaines. Les amis de son
âge qu'il était venu revoir, ceux plus jeunes dont il aimait aussi à s'en-
tourer, l'avaient retrouvé toujours plus ardent à l'étude et à la recherche.
Ne voulant plus se souvenir du beau livre dont il venait à peine de ter-
miner l'impression, et trouvant qu'il n'avait rien fait tant qu'il lui restait
encore quelque chose à faire, il était tout entier à l'ouvrage qu'il allait
terminer, à celui qu'il préparait pour l'avenir. Quand il est reparti pour
retourner à Montpellier, où il habitait, il se réjouissait d'aller reprendre
la plume pour continuer le travail dont la rédaction avait été interrompue
par son voyage annuel. C'est à la mort qu'il est allé. A son arrivée, il a
été enlevé par une maladie aussi rapide que soudaine, et quelques jours
après lui avoir serré la main, après s'être entretenus avec lui de ses pro-
jets et de ses études, après lui avoir dit au revoir, ses amis ont appris
par les journaux que cet homme, tout à l'heure plein de vie, était tombé
subitement, frappé par une maladie terrible, et que cette rare intelligence,
qui n'avait jamais été ni plus vive ni plus ferme, serait muette désormais.
La mort d'un honnête homme, qui disparaît avant le temps, est tou-
jours regrettable et douloureuse; mais ici la perte ne demeure pas res-
treinte au cercle privé de la famille, elle en sort pour devenir publique,
car il a péri avec M. Renouvier tout un trésor -d'érudition et de pensées
qui ne sera pas reformé. Il est donc naturel que dans cette Revue, con-
sacrée aux études qui ont été le meilleur de sa vie, dans la Gazette des
Beaux-Arts, qui s'est honorée de l'avoir au nombre de ses collabora-
teurs, et pour laquelle il a écrit les dernières pages qui soient sorties de
sa plume, on prenne sur le coup, et par là sans prétendre en parler com-
plètement, la parole pour lui rendre la justice qui lui est due, et pour dire
au public, qui ne le sait pas encore assez, ce qu'était M. Renouvier, et ce
qu'il a fait pour l'histoire de l'art.
Il était né à Montpellier le 13 décembre I8O/1. Ce n'est qu'à trente
ans, après une jeunesse riche de lectures partagées entre la philosophie,
l'histoire et la poésie, qu'il commença à publier ses deux premiers essais,